Rajery et Tcheka, duo de lauréats

Le prix et l’après

Tous deux jouent d’un instrument à cordes, tous deux sont des insulaires, et tous deux ont obtenu le prix RFI Musiques du monde. Le Malgache Rajery et le Cap-Verdien Tcheka, respectivement lauréats en 2002 et 2005, étaient récemment à l’affiche du festival Musiques Métisses d’Angoulême. L’occasion de faire le point sur la carrière de ces deux artistes.


Loin d’avoir la valeur d’un test, la prestation de Tcheka était tout de même l’un des moments les plus attendus du festival Musiques Métisses qui donne chaque année le pouls des musiques du monde. Un de ces rendez-vous aux allures de passage obligé et que l’artiste promu au statut de "Découverte" se doit de ne pas manquer, pour que sa cote continue à grimper. Car le prix RFI obtenu en novembre 2005 par le Cap-Verdien lui a donné une soudaine visibilité et a, de fait, aiguisé une certaine curiosité à l’égard de ce musicien qui fêtera bientôt ses 33 ans. Déjà, au cours des six derniers mois, il a eu l’occasion de se produire au Tchad, au Cameroun, au Gabon, en, Centrafrique, en Angola… Plus de quarante concerts sont prévus cette année.

Conscient que rien n’est pour autant acquis définitivement, le guitariste de Santiago entend saisir chaque opportunité pour séduire sur scène comme il l’a fait en studio sur son second album Nu Monda. A Angoulême, le chanteur de batuque a montré qu’au-delà de ses qualités artistiques indiscutables, il avait en lui cet enthousiasme et cette volonté de convaincre dès la première rencontre.

Pour s’imposer dans la durée, il faut parfois plus que du talent. Rajery l’a compris. Le Malgache, lauréat du prix RFI en 2002, n’est peut-être pas le meilleur jouer de valiha, mais c’est un habile communiquant qui sait comment gérer sa carrière et son image. Invité régulier du festival charentais, il a d’ailleurs annoncé qu’il allait profiter de ce nouveau séjour en France pour enregistrer son quatrième album,  deux ans après la sortie de Volontany.

Si tout semble parfaitement réglé chez lui, le "Manchot" – comme on l’appelle parfois sur la Grande Île en raison de son handicap – n’en reste pas moins un musicien à la merci de ses sentiments : avec le même répertoire, le même nombre de morceaux, son second concert à Angoulême, moins de 24 d’heures après le premier, a duré 25 minutes de plus. Que s’est-il passé ? Tout a basculé après les longs applaudissements, beaucoup plus nourris que la veille, venus ponctuer ses propos bien rodés sur la richesse culturelle malgache. L’émotion était visible dans les yeux de Rajery, seul au milieu de la scène, touché par cette ovation spontanée. Il ne lui en fallait pas plus pour casser le côté parfois scolaire de ses prestations, libérer ses musiciens et jouer. Sans calcul. Pour le seul plaisir.

Bertrand Lavaine