Moreno électro
Après avoir connu le succès et le haut des charts durant plus d'une dizaine d'années avec son groupe Niagara, Muriel Moreno s’est lancée il y a deux ans, dans la musique instrumentale électronique. Son troisième album solo, Surviving the days, est dans les bacs. Rencontre.
L'ex-chanteuse de Niagara ne chante plus
Après avoir connu le succès et le haut des charts durant plus d'une dizaine d'années avec son groupe Niagara, Muriel Moreno s’est lancée il y a deux ans, dans la musique instrumentale électronique. Son troisième album solo, Surviving the days, est dans les bacs. Rencontre.
Dès qu’on pense à Muriel Moreno, on se rappelle immédiatement la midinette qui se trémoussait sur de la pop. Pas trop mal fichue d’ailleurs, elle a fait les grandes heures du Top-50 français. Réducteur, forcément réducteur.
Ce serait oublier que la carrière de Niagara s’étend de L’amour à la plage à Soleil d’hiver. Depuis la séparation du duo, Daniel Chenevez et Muriel Moreno se sont chacun lancés dans la musique électronique. On aurait raison de se demander s’il n’y aurait pas un peu d’opportunisme dans ces changements de carrière… Mais à l’écoute l'année dernière de l'opus de la Rennaise, Required elements, le doute n’a plus sa place. Si Muriel Moreno ne chante plus, elle a encore pas mal de choses à dire.
C’est du coté de la Bastille que l’interview se déroule, dans un café où l’ex-chanteuse a ses habitudes… Naturellement, on attaque par ce revirement de carrière et la gestion de l’après-Niagara : "Le fait que Daniel et moi ayons choisi de nous lancer dans l’électronique n’est pas un hasard. Dès le début du groupe, nous voulions avoir une liberté totale. C’est pourquoi nous avons créé notre propre maison d’édition. Nous étions surtout nos propres ingénieurs du son. Il a toujours été hors de question que qui que soit entre en studio pour produire le son de Niagara. Mais ce qui est marrant avec Daniel et la suite de nos carrières respectives, c’est que désormais, lui chante et moi plus du tout… "
« L’électronique est un vecteur idéal à la mélancolie, à la mienne… »
Le milieu de la techno n’est pas plus tendre ou plus ouvert que celui du rock. Et croyez-moi, quand un artiste vient de la pop et se lance dans l’électronique, on le soupçonne immédiatement d’opportunisme ou de démagogie. Ce n’est pas vraiment ce qui s’est passé pour Muriel Moreno : "Les gens en général me respectent et m’aiment plutôt bien. Du fait que je sois multi-instrumentiste, j'inspire plutôt le respect. Les chroniques que j’ai obtenues dans les journaux spécialisés sont bonnes. Je travaille déjà avec Alexkid (NDR : producteur sur le label F.com fondé par Laurent Garnier) et Laurent Hô m’a appelé et aimerait qu’on bosse ensemble." Laurent Hô est l’un des apôtres du hardcore et leader de la frange dure de la techno française. Apparemment rien à voir avec l’univers de Moreno, plus proche du trip-hop que de la hard-techno, mais le travail sans concession de la Bretonne a dû taper dans l’oreille du producteur.
L’autre activité de Muriel Moreno est celle de DJ : "Autant pour mon travail de productrice je suis sans concession, autant le boulot de DJ est assez démago, le but est de faire danser. C'est tout. Avec des disques que tu n’as même pas produit. En France, on a un problème avec la danse. A moins d’être bourrés, les gens ne dansent plus vraiment, alors moi dans mes mixes, je n’hésite pas à passer des tubes." Ce qui touche chez Moreno, c’est sa sincérité et sa vision assez juste de sa carrière : "Je sais bien que dans les dîners show-biz en ville, on parle de mes disques. Mais je sais aussi que personne n’a écouté ce que je fais. Il y a une espèce d’a priori positif mais ça s’arrête là."
Extrêmement sensible mais endurcie par ce qu’elle a vécu lors de la période Niagaresque : "Je m’en suis pris plein la gueule à cette époque. On était les bouc émissaires de la presse rock. On écrivait que je ne jouais même pas des claviers. C’est un peu la même chose qui est arrivé à Vanessa Paradis ou Daho au début de leur carrière à cause de leur voix. Moi, j’ai toujours douté. Même vendre beaucoup d’albums ne m’a jamais rassurée. J’ai la certitude de connaître mon chemin, quant à mon talent… Aujourd’hui, cela dit, je doute moins".
Après deux albums instrumentaux, produits toute seule, elle aspire de nouveaux à travailler à plusieurs : "Le morceau que j’ai produit avec Jasmine (une accordéoniste américaine à la voix surpuissante), et qui ouvre mon nouvel opus, m’a redonné envie de partager. J’en ai marre de bosser seule. C’est pour ça que je suis DJ, pour sortir de mon studio, pour rencontrer des gens".
Pourquoi fait-on appel à Muriel Moreno en tant que DJ, pour ses albums électro ou son passé pop ? "C’est souvent des potes qui font appel à moi parce que je me suis rendue compte que mon nom n’est pas connu pour le grand public, du moins en Europe. A Montréal oui. Je parts d’ailleurs bientôt là-bas, où mes deux albums sortent en même temps. Et puis j’ai une excellente manageuse au Québec qui joue à fond la carte de la solidarité féminine". Le côté international qu’elle exploite à fond notamment grâce à Internet : "C’est génial. Quand tu vois ce que tu peux faire sur la toile, tu te demandes pourquoi ça n’a pas existé avant. J’ai bien sûr mon propre site, mais je voudrais installer du MP3. Pour l’instant, il n’y a pas encore de musique. J’utilise énormément les mails pour communiquer directement avec mes fans. En fait, j’ai découvert toutes les possibilités du net en créant mon site. Tu peux même voir un clip que j’ai autoréalisé." Self made woman quoi !
Pour être tout à fait honnête, la première fois que j’ai interviewé Muriel Moreno, c’est autant pour la qualité indéniable de Required elements et Surviving the day que pour croiser une des égéries pop des années 80. Finalement c’est son coté fonceuse, volontaire et profondément sincère qui m’a touché. D’ailleurs, son dernier album contient un titre fantôme, qui n’est pas crédité sur le CD. Un titre de Brassens intitulé le Petit cheval blanc, vous savez celui qui avait « bien du courage »…
Muriel Moreno Surviving the days (XII bis Records) 2001