L'année "Chanson"
L’envol de Camille, le triomphe de Raphaël, l’avalanche de beaux albums à la rentrée : l’année a été faste.
De Camille à Julien Clerc
L’envol de Camille, le triomphe de Raphaël, l’avalanche de beaux albums à la rentrée : l’année a été faste.
La révélation de l’année ? Assurément Camille qui, par son originalité et l’accueil du public, dépasse de la tête et des épaules les nouveaux impétrants du moment. Le choc de son album Le Fil, paru en février, a été tel que son premier album, Le Sac des filles, paru en 2002, n’a été exhumé que pour faire le compte de ses faiblesses. En fait, c’est l’échec commercial de ce disque qui a été salvateur : sa maison de disques ne croyant plus en elle, Camille a été abandonnée seule dans son coin, où elle a travaillé sans censure ni directeur artistique. Empilant des pistes de voix dans la mémoire de son ordinateur, construisant des chansons aux formes inédites et aux structures éclatées, elle a composé en solo le disque le plus surprenant de l’année, quelque part entre Bobby McFerrin et Brigitte Fontaine. Quelques clips et des concerts présentant une personnalité fantasque et généreuse ont fait le reste : l’année 2005 restera celle de la conquête éclair de la renommée par cette jeune chanteuse parisienne qui a choisi de sacrifier une tournée d’automne pour se mettre très vite à l’ouvrage sur un nouvel album.
Et derrière ? Quelques "petits jeunes" de l’année devraient faire parler d’eux encore, comme Anis avec son hybride curieux (un rap sans le hip hop, une chanson pas chantée) qui apporte un parfum surprenant venu de la banlieue, une fantaisie semée de notations graves, une agréable audace textuelle. Son premier album et la tournée entamée depuis peu devraient le placer sur une durable orbite. Bertrand Belin, ensuite, dans une forme à la fois dépouillée et savante de chanson rock. Guitariste aux états de service impressionnants (de La Trabant à Bénabar), il a donné à découvrir, en début d’année, une écriture poétique elliptique et soignée que sert superbement un rare sens de l’épure dans les mélodies et l’instrumentation. Et puis une demie découverte, l’actrice Sandrine Kiberlain passant derrière le micro avec ses propres chansons, portées par les mélodies d’Alain Souchon, Pierre Souchon et Camille Bazbaz. Voix fine comme une dentelle, audaces bien mesurées, charme imparable…
Le triomphateur ? Raphaël pour qui l’année aura été la plus déterminante, installant peut-être les bases d’une carrière durable au sommet. L’album Caravane, en effet, a atteint en quelques mois le million d’exemplaires vendus, dépassant de très loin sa fan base adolescente. A la mi-mars, à la sortie du disque, personne n’imagine l’envol spectaculaire de ses ventes ni surtout le basculement de l’image de Raphaël : le chanteur à minettes aux textes un peu faiblards et à l’univers un peu fade se mue en un artiste pop majeur.
Le meilleur moment ? On se souviendra longtemps du festin de la rentrée d’automne 2005, entre la dernière semaine d’août et la mi-octobre, qui semblait calculé pour combler chaque public en quelques semaines. Pour les variétés grand public, la sortie des albums La Vie Théodore d’Alain Souchon et Double enfance de Julien Clerc. Pour la nouvelle chanson française, la sortie concomitante de Reprise des négociations de Bénabar et Menteur de Cali. Pour leurs aînés Adieu tristesse d’Arthur H et Le Pavillon des fous de Thomas Fersen… Rarement on aura connu un tel déferlement de disques de ce niveau. On peut invoquer un alignement de planètes dans le ciel, une prétendue "loi des séries", peu importe… Il y a là le signe d’une maturité, d’une bonne santé et surtout d’une ferme confiance artistique dans le monde de la chanson française – confiance qui tranche avec les inquiétudes persistantes des grandes maisons de disques, productrices ou distributrices de tous ces disques cités, qui n’osent croire aux indices de l’amorce d’une sortie de leur crise économique.