PARIS EN FÊTE

Douceur des températures et atmosphère conviviale se conjuguent sur un air de fête, celle de la Musique. Comme chaque année, le 21 juin est l'occasion de sortir écouter les musiques du monde entier. Cette vingt-quatrième édition dédiée spécialement aux musiciens amateurs, ne déroge pas à ce principe. Arpentant le bitume parisien, l'équipe de RFI Musique vous fait vivre quelques moments de cette grande manifestation populaire, dont le concert "Musique du monde dans un jardin" au Ministère de la Coopération.

Vingt-quatrième édition de la Fête de la Musique

Douceur des températures et atmosphère conviviale se conjuguent sur un air de fête, celle de la Musique. Comme chaque année, le 21 juin est l'occasion de sortir écouter les musiques du monde entier. Cette vingt-quatrième édition dédiée spécialement aux musiciens amateurs, ne déroge pas à ce principe. Arpentant le bitume parisien, l'équipe de RFI Musique vous fait vivre quelques moments de cette grande manifestation populaire, dont le concert "Musique du monde dans un jardin" au Ministère de la Coopération.

      17H : Hôpital Necker (XVe arrondissement) - A toute chose, malheur est bon. Alison, 12 ans est venue hier pour se faire opérer. Elle repart demain. Cet après-midi elle est encore toute surprise d’avoir vu défiler Nadiya, M Pokora ou Hélène Ségara. Depuis 12 ans, l’hôpital des Enfants Malades de Necker organise, en partenariat avec la chaîne de télévision M6, sa fête de la musique. 52 élèves infirmiers se relaient pour faire descendre les plus valides. Ceux qui ne peuvent se déplacer verront les artistes directement dans leur chambre. La fête est ouverte à tous, 3.500 jeunes bravent la chaleur et trépignent en attendant leur star : Wallen. Elle arrive en clôture, petit bout de femme au micro bien trop haut. La foule est en délire : "deux morceaux ce n’est pas assez !" Mélodie, au premier rang, l’asperge avec son pistolet à eau : "Tu ne l’aime pas ? Oh si, c’est juste pour la rafraîchir !"

 

    19H15 : Montmartre

(XVIIIe) - Les Coréens ont investi le parvis du Sacré Coeur. Une dizaine de percussionnistes vêtus d'une tunique blanche et d'une écharpe aux couleurs coréennes font raisonner gongs et  "jango" (tambour que l'on retrouve dans toute la musique traditionnelle coréenne) sur la butte Montmartre. Le groupe Dong Nan Poong ("Le vent du Sud Est") est venu faire découvrir aux Parisiens et aux touristes nombreux dans ce quartier, le Sa-Mul-Nori, une musique traditionnelle vieille de plus d'un siècle qui, d'après Jean-Jacques le leader du groupe, connaît un renouveau en Corée. Avis aux amateurs :  un cours de Sa-Mul-Nori a lieu tous les dimanche après midi à Gentilly, dans la banlieue parisienne.

 

    19H30 : Quai François Mauriac

(XIIIe) - Devant le Batofar, une odeur de friture et de verdure s’installe. La fête commence tranquillement. Aux platines Sibot et Markus, les deux membres de Real Estate Agents, venus d’Afrique du Sud. "Chez nous, il y a des festivals mais pas ce genre de fête où tout le monde peut descendre et jouer dans la rue". Les deux larrons ont en fait profité de l’occasion, ils ont calé quelques dates en Europe et se retrouvent un peu là par hasard. Abstract hip hop, scratch, beat déstructurés, le déhanchement vient en souplesse. Ce n’est qu’un avant goût, beaucoup plus tard dans la nuit, ils joueront dans la salle du Batofar, "un set plus punchy, c’est promis !" avant de laisser la place au maître du dub anglais, Mad Professor.

19h46 : A la Banane Ivoirienne, rue de la Forge Royale (XIe) - Début de soirée tranquille sous le signe de la Côte d'Ivoire. Les tables sont dressées sur cette place ombragée et un "ambianceur" chauffe l'assistance à grands coups de "saga cité". Un peu plus haut dans la rue, les baffles du restaurant Cana Rica déversent une salsa entraînante. Percussions et maracas live entraînent les passants à esquisser quelques pas de danse. Au bar extérieur de la Banane Ivoirienne, le serveur qui distribue des verres de bissap aux quelques clients déjà présents nous assure "cette année, les gens tardent un peu à venir, mais je sais qu'ils seront là". Le concert de coupé décalé commencera un peu plus tard, vers 21 heures. Nous allons changer de continent en nous dirigeant vers la mairie du XVIIe qui met à l'honneur le Brésil.

 

    20h30 : Parvis de la mairie du XIe

- Cours de danse forro. Bia de Oliveira se déhanche en rythme, elle décompose un roulé de bassin, apparemment simple, mais finalement assez technique. Une foule compacte suit ses mouvements entre concentration et hilarité. "Déjà la fin du cours! Passons à la pratique !" lance César Allan, qui enchaîne avec son groupe sur des morceaux traditionnels de la musique forro du Nordeste brésilien. Les enfants dansent, Bia descend dans le public : elle reprend, encourage, corrige le déhanchements des dames, invite les hommes à danser. Ambiance sympathique et familiale. Un groupe de Brésiliennes en vacances à Paris reprennent les refrains en choeur. Elles nous expliquent: "Au Brésil, la fête de la musique n'existe pas: il y a le carnaval, chaque année pendant quatre jours!". 

20H45 : Esplanade de la Bibliothèque François Mitterrand (XIIIe) - Le vent frais du soir traverse la foule, le soleil se couche, le public se lève pour accueillir Dombrance. Mené par Bertrand Lacombe, le style est calme, folk-rock. Pour le chanteur, la fête de la musique : "c’est mon premier concert, je devais avoir 14 ans, on jouait très mal mais ça avait vraiment été une soirée magnifique. Je joue ce soir pour la première fois le 21 juin à Paris. L’année dernière, avec mes colocataires, on avait placé nos deux enceintes aux fenêtres de notre appartement, on a balancé du gros son toute la soirée, sûrement un peu plus tard que les 2h du matin autorisées ! Ce soir, pour nous, c’est l’occasion de faire connaître notre musique à un plus grand public. On a rarement la chance de pouvoir jouer à Paris devant des centaines de personnes pour un concert gratuit. C’est une vrai chance". Une opportunité saisie de main de maître, des titres comme I’m down ou Big Ben’s burning coulent tout seul dans l’oreille. Folk, chanson française, country, Dombrance a bien digérer toutes ses influences. La bande son idéal pour lésiner un soir d’été.

21H30 : Devant la station de métro Quai de la Gare (XIIIe) - Pour la fête de la musique, on ne se contente pas d’applaudir les artistes. Chacun s’y donne à coeur joie, selon ses goûts et son tempérament. Avant d’entrer dans le métro, petite séance improvisée de claquette sur un air de fox-trot. Certains se découvrent peut-être une vocation ce soir. "Bonjour messieurs, dames, excusez pour la dérange, je vous souhaite bon voyage". Le petit air habituel des musiciens du métro (autorisés ou non). Ce 21 juin, ils sont absents. Nous n’aurons pas droit à une énième version de Besame Mucho. Il faut bien avouer que dans les rames bondées, on aurait du mal à sortir un accordéon. Et puis en ce jour où la musique résonne de toutes parts, peut-tre ont-ils eux aussi le droit de sortir de sous la terre pour partager la fête.

 

    21h50 : L'Ami Pierre, rue de la Main d'Or (XIe)

- Dans la petite rue de la Main d'Or, la scène sans éclairage installée devant le bar l'Ami Pierre est surchargée. Pistons Circus, soit une dizaine de musiciens, trompettes, tuba et grosse caisse reprennent en fanfare des standards de la chanson française. A bicyclette de Yves Montand rend le public guilleret Mexico de Luis Mariano l'électrise. Un joyeux mélange de population sautille sur les rythmes enlevés de Piston Circus, un verre à la main. Une pause, puis un musicien lance un "On continue, toujours sans électricité !". Ici, la musique sort des tripes et des cuivres. Applaudissements, sifflements, le public s'enthousiasme de cette ambiance déliro-festive.

 

    22H00 : Place Denfert-Rochereau

(XIVe) - "Ce soir c’est son anniversaire !" Florent Marchet à tout juste trente ans. On a rarement l’occasion de fêter l’événement devant plusieurs milliers de personnes. Auteur d’un album Gargilesse assez calme, le Berrichon d’origine se déchaîne sur scène. Membre de la vague "chanteur trentenaire désabusé", il muscle son jeu et le public en réclame. Cette prestation est la suite logique de la bourse attribuée par le FAIR (un organisme qui épaule chaque année, quatre artistes en développement en prodiguant support technique, financier et juridique). Ce concert permet au groupe, plus habitué aux petites salles de 200 personnes, de se roder avant la grande tournée des festival d’été. La fête de la musique, la fête des amateurs, serait-elle dévoyeée ?  "Je n’avais pas vu ça comme ça, pour moi c’est surtout aussi montrer aux gens que la musique c’est un vrai métier. Pendant les balances [répétitions pour régler le son, ndlr], il y a avaient déjà 150 personnes qui nous observaient. Beaucoup ne savent pas qu’il y a tout un travail, il ne suffit pas de brancher sa guitare et de chanter".

22h36 : Restaurant Babylone, rue Daval (XIe) - La rue s'est  considérablement emplie de monde. Quelques platines sorties, pas encore vraiment de son. Les amateurs de reggae et de dub se sont donné ce soir rendez-vous au restaurant Babylone pour un sound system de Jah Wisdom. Devant le restaurant, une file de personnes attend… pour commander des crêpes ! Surpris, on va s'enquérir de la suite des événements auprès de Nicole Dugué, la patronne des lieux. "C'est annulé ! Le motif officiel était que cela allait bloquer la rue. C'est incompréhensible, mais je crois qu'on n'est pas les seuls. Pourtant, il n'y a jamais eu une plainte. L'année dernière la même bande de Jah Wisdom est venue on a fait un super sound system, cette année, il a été interdit. Ici, c'est un lieu qui vit, l'excuse officielle n'a pas de sens. Organiser des événements forts, ça empêche de zoner, ça occupe la rue. Des tas de musiciens sont passés par ici, la moitié des musiciens de Jah Wisdom est née dans le passage à côté… Mais tout est tellement balisé, policé et "bobo-isé" dans le quartier maintenant! " Une annulation qui met en lumière la difficulté pour le dub et le reggae de trouver des lieux de programmation à Paris.

 

    22h45 : Place Denfert-Rochereau

- Changement de plateau, certains dans le public s’imaginent champion de F1 sur le podium, ils font mousser la bière comme d’autres le champagne. C’est ça aussi l’esprit rock’n’roll. D’autant que la tension monte, Deportivo est attendu. La mauvaise réputation de George Brassens sort des enceintes, personne n’est encore sur scène, la foule saute déjà de toute part. Il ne fait pas bon être au premier rang. Lorsque le groupe arrive enfin, pas de temps morts, trois titres nerveux, un slam de Jérome, le chanteur, dans le public. L’électricité est au rendez-vous. Les  morceaux vont à l’essentiel, l’aspect répétitif de l’album est gommé par l’énergie du concert. En vieux briscards, les trois natifs des Yvelines alternent avec quelques chansons plus calmes, histoire de tenir tout le monde debout pendant plus d’une heure.

22h50 : Place de la Bastille (XIe) - Sur la Bastille, des centaines de personnes se massent autour de la scène. Les arrêts de bus, lampadaires, et autres barrières sont pris d'assaut par des jeunes désireux de tout voir. Autant dire qu'ils ont fait le bon choix. Pour le commun des mortels, la scène de la Bastille s'avère quasiment invisible, masquée par le monde et la fumée des stands de merguez-frites. Toute la soirée, se succèdent différents groupes de la scène française et internationale. Une opération organisée par le journal Métro, qui en aura sans doute emballé plus d'un. Mais déçu beaucoup d'autres. "C'est nul, y'a trop de monde!" entend-on dire à plusieurs reprises. Certains auront choisi un contre événement, Luis et ses musiques latines improvisées. Avec son groupe, il est venu faire une démonstration de danses folkloriques équatoriennes. Quand il a senti le public à point, il a branché sa platine CD et l'a fait profiter d'une sélection de son cru. Une petite centaine de personnes chantent, dansent et s'improvisent salseros ! Un jeune certainement éméché, mais néanmoins perspicace lance : "Lui, il faut qu'il devienne DJ !" Effectivement, Luis fait un tabac.

 

    23H10 : Institut du Monde Arabe

(Ve) - Une foule compacte s'est massée sur le parvis de l'Institut du Monde Arabe pour assister à des concerts de qualité, placés sous le signe des musiques populaires maghrébines. Cheb Imed a débuté la soirée avec ses sonorités intemporelles du Sahara tunisien. Zahra, nouvelle coqueluche marocaine a incarné avec brio le renouveau de la musique populaire chérifienne. Cheb Tarik, l'oranais éclectique a enflammé la foule avec plusieurs titres issus de son répertoire ou de celui des musiques à succès algériennes. Les youyous résonnent, les spectateurs forment des cercles et dansent tout à tour lascivement ou de façon plus rythmée. Des drapeaux du Maroc, d'Algérie et de Tunisie sont brandis par la foule. L'ambiance est bon enfant. Pour finir cette soirée intitulée "Dialogue des cultures", les musiciens de Mugar aux sonorités berbéro-celtiques s'apprêtent à entrer en scène.  Une partie du public s'en est allée. Deux explications possibles : le métro selon les uns, les cornemuses selon les autres.

23H30 : Boulevard Auguste Blanqui (XIIIe) -  La fête de la musique ou le choc des cultures. Un groupe de métal tous les 20 mètres et au milieu, oh bonheur, Nia Soleil, formation d’origine congolaise, accueillie par le bar le Celtique. "A gauche à droite, on descend, on monte et maintenant serré, serré". Les garçons s’appliquent, les filles s’esclaffent. Pour beaucoup, c’est sûrement la première fois qu’ils rencontrent les vibrations de Kinshasa. Les plus timides se font enrôler par des danseuses au bassin démoniaque. Dans quelques heures, les voisins retrouveront le calme habituel de leur rue. Demain les autres sentiront certainement les premières courbatures, voire les effets de leur biture !

RFI organise comme chaque année le concert "Musique du monde dans un jardin" au Ministère des Affaires étrangères. Les jardins de la Coopération ont accueilli ce 21 juin des artistes du monde entier : la chanteuse de bossa nova brésilienne Katia B, la Vietnamienne Huong Thanh au style inimitable entre jazz et traditionnel vietnamien, le Guinéen Ba Cissoko qui mélange musique africaine et rythmes urbains, le groupe français Orange Blossom réputé pour ses prouesses en matière de métissage sonore, et la Capverdienne Mayra Andrade à la voix chaude et sensuelle. Reportage photo.