Manjul, le Mali en version dub

Manjul © DR

Rasta sans frontières et héritier de la tradition jamaïcaine du dub, le Français Manjul tente sur son nouvel album Faso Kanou une alchimie inédite entre le reggae et les instruments traditionnels maliens.

Installé à Bamako avec sa famille depuis presque cinq ans, Manjul a longtemps a repoussé le moment de sa rencontre rêvée avec l’Afrique, terre mythique des rastas. Il voulait être prêt. Sur le parcours initiatique de ce Parisien de naissance, l’océan Indien a fait figure de première étape. C’est là, auprès des groupes reggae de La Réunion, Mayotte et Maurice que la magie opère en premier.

Manjul n’est pas seulement un multi-instrumentiste compositeur, ni un ingénieur du son bidouilleur dans la plus pure tradition jamaïcaine, comme ses modèles Lee Perry et King Tubby, maîtres du dub. Le personnage, tout en discrétion et en humilité, possède un charisme singulier : il respire la sérénité, l’amour et libère les envies des artistes.

Après ses deux volumes d’Indian Ocean In Dub, le voilà donc qui innove à nouveau en démarrant avec l’album Faso Kanou une nouvelle série baptisée Dub To Mali. Un mélange des deux cultures ? "Plutôt une confluence", corrige-t-il, celle d’"un grand fleuve qui serait l’Afrique et d’un bras qui s’en serait écarté pour y revenir : le reggae". Arrivé dans la capitale malienne avec sa basse, Manjul a reconstitué, élément après élément, son studio analogique avec cette philosophie qui lui est chère : entre la vie et la musique, le lien doit être naturel.

Sur certains morceaux, les instruments tels que la kora, le n’goni ou la flûte peule se sont adaptés au reggae. Sur d’autres, ce sont les thèmes ancestraux joués par des musiciens traditionnels qui ont servi de fondations. Cette double démarche s’applique aussi aux quelques chanteurs présents sur ce disque essentiellement instrumental. Tiken Jah Fakoly, pour qui le jeune Français travaille souvent, renoue avec une écriture répétitive mais efficace sur le titre grinçant Fanga Den. La plus belle réussite de cet album est sans doute la version reggae de Beki Miri d’Amadou et Mariam. Le couple malien, qui a effectué une partie de l’enregistrement de Dimanche à Bamako chez Manjul, lui a laissé les voix d’une de ses anciennes chansons. Autour de cet a capella, il a tout reconstruit. Le résultat, roots et hypnotique à souhait, touche à la perfection.

Vivement le second volume de Dub To Mali !

Manjul Faso Kanou (Humble Ark/Discograph) 2006