VU D'AILLEURS Avril 2004

Chez les disquaires ou sur les planches, la jeune garde des musiciens français n'a pas peur du vaste monde, à l'exemple ce mois-ci de Phoenix, Debout sur le Zinc, Calogero, Avril et David Guetta.

Place aux jeunes

Chez les disquaires ou sur les planches, la jeune garde des musiciens français n'a pas peur du vaste monde, à l'exemple ce mois-ci de Phoenix, Debout sur le Zinc, Calogero, Avril et David Guetta.

Les voyages forment la jeunesse. Quelques mois après Les Hurlements d'Léo, la lointaine Russie attire toujours les artistes français, à commencer par les plus indépendants d'entre eux, qui se fichent pas mal de la conquête obligée de l'Amérique. Debout sur le Zinc sont de ceux-là. Le groupe parisien, dont la musique festive s'inscrit dans la tradition des Têtes Raides, vient de sortir son troisième album, Des singes et des moutons, et de boucler une mini-tournée de quatre dates au pays des Tsars. "C'est la première fois que nous visitons la Russie", admet Simon, l'un de ses membres, dans une interview accordée à la presse russe. Et malgré la barrière de la langue ("nous la compensons par la puissance de la musique"), quelque 2.000 personnes ont applaudi le groupe. La veille de leur concert à St Petersbourg, une radio locale, STO, leur a même consacré un programme d'une heure. Invités à revenir jouer en Russie à l'occasion de la Fête de la musique, Debout sur le Zinc n'a pas encore dit son dernier mot.

Barrières linguistiques ou culturelles à franchir, conquérir les foules à l'étranger n'est pas chose aisée, cela réclame de la part de l'artiste un gros investissement pour un résultat (hypothétique) à moyen terme. C'est le cas de David Guetta, qui s'exprimait depuis les antipodes dans une interview au magazine australien Threed World (avril 2004). "Mon album est sorti en France en 2002, mais ça a pris un moment avant que le succès n'atteigne des pays comme l'Angleterre. L'accueil était bon dans certains pays mais très mauvais dans d'autres. Et puis, l'an dernier, Just A Little More Love a été le plus gros carton de l'été à Ibiza, et a ensuite fonctionné en Angleterre", entraînant dans son sillage d'autres territoires comme le Canada, les Etats-Unis et l'Australie (où David Guetta était justement en tournée).

Changer d'Air

Pour changer d'Air, aujourd'hui, il y a Phoenix. Trois ans après le tube révélateur (If I Ever Feel Better), le groupe français n'a pas raté le lancement de son deuxième album, Alphabetical (Source/Virgin), sans subir l'ombre médiatique de ses grands aînés, qui triomphent pour leur part en tournée nord-américaine. D'Est en Ouest, du Nord au Sud, toute la presse européenne en parle, souvent de façon élogieuse. "Epatant !", s'exclame le Hongrois Est. Un son "typiquement français" pour Verdens Gang (3/5), l'un des principaux quotidiens norvégiens, "un chef d'oeuvre" pour le très influent Die Welt (30/4) en Allemagne. Bref, il semblerait que Phoenix soit en bonne position pour porter à son tour, avec Daft Punk, Air ou Manu Chao, l'étendard de la musique "made in France" au delà de ses bases traditionnelles.

Sinon, plus proche de nous, et avant son passage le 14 mai prochain aux Nuits Botanique, le quotidien belge La Dernière Heure (3/5) s'est intéressé à Avril, jeune espoir de l'écurie F Com (Laurent Garnier, Llorca, Alex Kid…), dont le second album, Members Only, est dans les bacs. "Si vous êtes branché sur les radios… branchées, vous ne pouvez pas échapper à Be Yourself, hit hédoniste sur lequel une voix masculine passe en revue toutes les marques "tendances" (Gucci, Nike, John Galliano, Dior…) sur fond de guitare saturée et de beats techno." Avril est très fier de son nouveau disque. "J'ai appris énormément au cours de la tournée qui a suivi mon premier album. En rentrant chez moi, j'ai revendu une guitare Gibbons de 1967 pour acheter un sampler. C'est sans doute dû inconsciemment à l'influence de mon label F Com qui est plutôt considéré électro. Mais le vrai déclic est né de ma collaboration avec Marc Colin et Patrick Bouvet", respectivement "orfèvre sonore" et auteur. Désormais, "je ne veux plus raconter une histoire avec un album. Mon disque est fait pour zapper".

Calogero aussi a beaucoup appris. Devenu une valeur sûre de la chanson française après quinze ans de carrière (notamment comme chanteur des Charts), Calogero, malgré le succès grand public et les honneurs (un NRJ Music Award et une Victoire de la Musique l'hiver dernier), évolue à sa manière, en douceur. "Mon dernier album n'a rien à voir avec les autres", confiait-il récemment au journal suisse 24 Heures (7/4). "Je continue à fond dans mon délire, mais nuance : les jeans troués et les guitares saturées ne font pas un chanteur de rock. Et je ne suis pas un chanteur de rock. Je parle plus volontiers de pop. L'orientation est plus mélodique, avec des chansons qu'on mémorise facilement, qu'on se surprend à fredonner." Entre défricheurs et rassembleurs, la jeune scène française n'en continue pas moins de tailler sa route.