Enrico Macias tellement populaire
Enrico Macias publie La Vie populaire,un nouvel album pour le fidèle beau-fils de Cheikh Raymond, qui continue à composer des variétés tout en se remémorant la musique arabo-andalouse.
La musique de sa jeunesse
Enrico Macias publie La Vie populaire,un nouvel album pour le fidèle beau-fils de Cheikh Raymond, qui continue à composer des variétés tout en se remémorant la musique arabo-andalouse.
"C’est artisanal, on travaille dans l’amour. Je n’ai plus de pression pour faire un disque." A peine trois ans, pourtant, entre Oranges amères et La Vie populaire, son album qui vient de sortir. A peine trois ans mais le même climat : instrumentations très sobres avec au premier plan des guitares acoustiques, mandoles et mandolines, et puis des accordéons musette, des cuivres soyeux, des climats très dépouillés… "Je me suis aperçu qu’à la limite, je peux faire mes chansons tout seul à la guitare. Avoir une formation très épurée, ça donne plus de place et plus de valeur à la musique, à la mélodie et au chanteur. C’est vrai que, quand on est dévoré par un grand orchestre, le métier devient tout autre chose." Cet "autre chose" est une manière pudique d’évoquer le poids – sinon les lourdeurs – de la variété de grande consommation à laquelle il était arrivé dans les années 80-90. Il n’en fait pas mystère : "A un moment, l’inspiration m’a lâché. J’avais quand même toutes mes tournées à l’étranger, je vibrais pour autre chose, mais j’avais un peu perdu mes points de repère, je ne retrouvais pas l’amour de la musique."
Il a fallu l’invitation du Printemps de Bourges, en 1999, à redonner vie à la musique de Cheikh Raymond Leiris, pour que quelque chose se remette en place. "Ça a été le déclic. Ça m’a permis d’être libre avec moi-même. D’un coup je montrais mes vraies racines musicales, ce que je ne pouvais pas faire au début de ma carrière." Le concert unique pour lequel il avait constitué un orchestre de jeunes virtuoses de la musique arabo-andalouse (dirigé par Taoufik Bestandji, dont le grand-père avait été, jadis, le maître de Cheikh Raymond) s’était transformé en une tournée de trois ans.
Le goût du succès
Puis Jean-Claude Ghrenassia, son fils, l’a conduit au studio, lui a présenté de nouveaux auteurs et compositeurs, lui a proposé de travailler sans se poser de questions de calendrier ou de playlist. Et Oranges amères, sorti en 2003, a été son plus beau succès depuis des lustres. Plus que les ventes, c’est le niveau de la reconnaissance qui a été spectaculaire : Enrico Macias a été encensé partout, de Femme actuelle au Figaro. Un autre résultat ? "Je repris le goût de la musique. J’ai envie de jouer avec les guitaristes dans la loge avant les concerts, de jouer à la maison…"
A la maison, justement, il joue beaucoup la musique de sa jeunesse, quand à Constantine il passait ses journées à travailler la musique arabo-andalouse sur sa guitare – un instrument rare, à l’époque, dans une musique largement dominée par l’oud. Après des années d’une vie de chanteur de variétés, il retrouve donc ses racines arabo-andalouses. "Avant Oranges amères, les plus belles inspirations de ma carrière – tous mes tubes – viennent de cette musique classique. Quand j’accompagnais Tonton Raymond à la guitare, je n’étais pas créateur, je n’étais qu’interprète. Ensuite, dans les variétés, j’ai dû construire un autre répertoire et je suis devenu compositeur. Mais, s’il n’y avait pas eu l’exil, jamais je n’aurais imaginé devenir un chanteur de variétés, même si je faisais l’école buissonnière de la musique arabo-andalouse en jouant du jazz ou du flamenco, en chantant du Aznavour ou du Dalida pour m’amuser. Mon seul but dans la musique était d’apprendre la musique de Tonton Raymond."
La musique arabo-andalouse toujours vivante
Car son exil est plus que le "rapatriement" dont parle à l’époque le discours officiel : avec Suzy son épouse, la fille de Cheikh Raymond, il quitte un pays où son peuple est implanté depuis l’Antiquité, des siècles avant l’arrivée des Arabes et de l’islam. Et le départ est d’autant plus cruel que Raymond Leiris a été assassiné en pleine rue – une manière de signifier aux juifs du Constantinois de quitter la terre de leurs ancêtres. "Quand Tonton Raymond est mort, j’ai cru que la musique arabo-andalouse était morte avec lui, parce qu’il n’y avait jamais eu un chanteur comme lui et qu’il n’y en aurait plus jamais. Mais il ne faut jamais dire jamais et, peut-être, un jour arrivera quelqu’un."
Enrico Macias a changé d’avis quant à l’avenir de sa première musique : sa longue tournée avec son orchestre de maalouf (musiciens juifs et musulmans, algériens et français tout ensemble) a relancé l’intérêt pour l’art arabo-andalou, et d’autant plus que, pendant trois ans de concerts, il a refusé d’y mêler ses propres chansons : "D’ailleurs, la plupart des gens venaient voir un autre Enrico Macias, venaient pour la musique arabo-andalouse. Oh, je ne crache pas dans la soupe du chanteur de variétés que j’assume et suis fier d’être… "
Le chanteur de variétés est actuellement en tournée, prépare une série de concerts à l’Olympia à la rentrée. Mais, à chaque concert, il garde quelques minutes pour faire entendre, en arabe, la musique de sa jeunesse. Comme là-bas, jadis ? Comme ici et maintenant.
En concert à Paris (Olympia) du 31 octobre au 5 novembre 2006.
Enrico Macias La Vie populaire (AZ/Universal) 2006
