TRIO SOLEDONNA

Paris, le 3 juillet - Ex-Nouvelles Polyphonies Corses, c'est sous le nom de Trio Soledonna que Patrizia Gatacceca, Patrizia et Lydia Poli nous livrent Isulamina, enregistré à Tbilissi en Georgie. Elles font une fois encore montre de leur goût pour les nouvelles expériences, en s’accompagnant de musiciens locaux, kabyles et espagnols.

Une voix pour toutes !

Paris, le 3 juillet - Ex-Nouvelles Polyphonies Corses, c'est sous le nom de Trio Soledonna que Patrizia Gatacceca, Patrizia et Lydia Poli nous livrent Isulamina, enregistré à Tbilissi en Georgie. Elles font une fois encore montre de leur goût pour les nouvelles expériences, en s’accompagnant de musiciens locaux, kabyles et espagnols.

Il y a quelques semaines, le trio présentait son nouveau spectacle à Paris au Bataclan. C'est là que nous avons rencontré les sœurs Poli. Avec Patrizia Gatacceca, ces trois-là ont depuis dix ans injecté du sang neuf au chant polyphonique. D’abord, en imposant leurs voix féminines dans un genre traditionnellement réservé aux hommes, mais aussi et surtout en ouvrant leur art à d’autres horizons avec Patti Smith, Manu Dibango ou encore le compositeur nippon Ryuichi Sakamoto. Aujourd'hui, elles nous content l'aventure de ce dernier album né dans des conditions pour le moins spartiates…

Vous produire sur scène est relativement confortable en comparaison des conditions dans lesquelles vous avez enregistré votre dernier album, Isulamina !
Patrizia Poli : Oui ! Il n’y a aucune comparaison ! C’est vrai qu’on travaille dans le confort, dans de belles salles. On a de l’électricité, c’est formidable !(rire) Et puis on est entourées de tas d’amis qui sont là pour nous témoigner leur soutien : Faudel, Bernard Lavilliers et Daniel Auteuil, ce qui sera une rencontre assez originale puisqu’il va dire un texte qui a été écrit par un auteur corse - mais en langue française, bien entendu - dans lequel nous allons intervenir dans ce texte.

Comment ce sont faites ces rencontres qui peuvent paraître surprenantes ? Avec Daniel Auteuil notamment ?
PP : Daniel Auteuil est un amoureux de la Corse. Il y vient très souvent, et on s’est rencontré par hasard lors de l’inauguration de la cinémathèque de Porto Vecchio, dont il est le parrain. Nous chantions pour cette inauguration, et c’est à ce moment-là qu’il nous a découverts. Par la suite, on s’est revu deux ou trois fois lors du festival du film à Bastia, et puis nous avons eu l’idée de l’appeler pour lui demander s’il était d’accord pour cette rencontre. Il a dit oui tout de suite ! Il a été emballé et je crois qu’il a encore plus le trac que nous !

Il a pourtant déjà chanté ?
PP : Oui, c’est vrai ! Mais là il ne chantera pas ! Quant à Bernard Lavilliers, c’est un vieil ami. Il nous avait invitées en tournée à une époque où ce n’était pas encore la mode des polyphonies corses ou d’avoir des chanteurs corses dans son spectacle. De plus, on intervenait vraiment dans son show, il ne s’agissait pas d’une première partie, et il nous avait très bien accueillies. C’est resté un ami fidèle. Quant à Faudel, on l’a connu quand il avait dix-sept ans, en Angleterre, à l’occasion d’un stage à Real World chez Peter Gabriel, où nous étions avec une trentaine d’artistes en atelier de création. C’était avant la sortie de son premier album. Ensuite, il nous a invitées quand il a fait l’Olympia, puis aux Francofolies, et nous sommes toujours restées en contact. Et puis surtout, on aime chanter ensemble !

Les rencontres, c’est le moteur du trio Soledonna ?
PP : On peut dire que oui. Cela fait complètement partie de notre démarche, tout ce qu’on fait est fonction des rencontres que nous avons pu faire, aussi bien pour les albums que pour la scène. Ce qu’on aime, c’est justement rencontrer les autres, échanger. Avec des artistes qui ne sont pas corses, c’est génial !

Un concert des polyphonies corses sans intervenant extérieur, c’est possible ?
Lydia Poli : Tout au long de l’année, on fait des concerts sans invité. Mais lorsque c’est un concert exceptionnel, comme celui de la présentation de notre nouveau spectacle à Paris, c’est d’autant plus agréable pour nous d’inviter nos amis et de faire la fête avec eux. C’est évidemment un plus de partager ce bonheur avec des artistes qu’on prend toujours plaisir à rencontrer. Si c’était possible, on le ferait à chaque fois !
PP : Je voudrais ajouter une chose, c’est que Daniel Auteuil y prend goût, car il m’a dit au téléphone qu’il aimerait bien retenter l’expérience à l’occasion de concerts en Corse.
LP : Mais nous allons réfléchir. Si nous pouvons l’aider à impulser sa carrière, on fera tout ce qu’on pourra ! (rire)
PP : C’est vrai qu’il prend ça vraiment à cœur. S’il a vraiment le trac, c’est que…vous voyez ce que je veux dire !

Vous chantez depuis des années, bien avant que les chants corses soient à la mode. Avez vous l’impression d’avoir fait école ?
PP : On a effectivement commencé il y a longtemps. Cela fait exactement vingt-six ans qu’on chante ensemble ! Nous avons été les premières femmes à chanter en tant qu’artistes professionnelles, et à tenter des expériences nouvelles. Si on a fait école, tant mieux ! Nous sommes ravies d’avoir contribué à ouvrir la polyphonie. C’est vrai que dès le premier album, on a invité des artistes qui n’avaient rien à voir avec la polyphonie, et ça a contribué à la faire découvrir. Vous disiez tout à l’heure que c’était aujourd’hui quelque chose de commun d’avoir des chanteurs corses. Je n’irais pas jusque-là, mais maintenant, c’est connu ! C’est devenu quelque chose que plus personne n’ignore. Néanmoins, c’est resté toujours aussi authentique et aussi fort. On espère qu’on va continuer à faire école, et surtout qu’on va continuer à innover.

Se mélanger avec d’autres artistes n’est il pas perçu comme une manière de «variétiser» la polyphonie corse ?
PP : Non, parce que la polyphonie corse ne sera jamais de la variété. C’est un chant tellement particulier qu’on ne peut pas le classer dans la variété. Le terme variété n’étant pas forcément péjoratif pour moi, il y a aussi de la très bonne variété. C’est la rencontre avec les autres qui nous permet d’avancer, de nous enrichir. Si on vivait en autarcie, enfermées, je crois que ça deviendrait dangereux. Il faut savoir s’ouvrir aux autres.

Comment réagissez-vous quand des artistes vous demandent vos "services" ?
On est heureuses ! Ça nous fait plaisir ! A chaque fois c’est fort. Le principe de la polyphonie, c’est que c’est un chant de communion. Il s’agit donc de vouloir chanter avec l’autre. Si le désir de chanter vient de l’autre, ça nous fait forcément plaisir. A moins qu’on n’aime vraiment pas l’artiste qui vient nous demander ça ! Mais c’est très rare.

C’est déjà arrivé ?
PP : Oui, une fois on a pas vraiment eu envie de faire une rencontre avec un artiste de variété. Parce qu’on ne le sentait pas et non pas parce que c’était de la variété. Mais c’est la seule fois.

Il y a peu de styles auxquels vous ne vous êtes pas frottées, si ce n’est peut-être les musiques électroniques…
PP : C’est vrai ! Ça veut bien dire que la polyphonie est un chant universel et qui peut rencontrer à peu près tous les styles musicaux. Personnellement, j’étais un peu plus sceptique au sujet des musiques électroniques à une époque. On nous a souvent posé cette question justement quant à savoir si la polyphonie peut rencontrer tous les styles. Je disais : oui, mais peut-être pas la techno précisément. Et puis j’ai complètement changé d’avis au moment où on est allé en atelier de création chez Peter Gabriel parce que il y avait là des gens qui faisaient de la techno et avec qui on a travaillé. A partir du moment où il a une envie, un désir de faire de la musique ensemble, je crois qu’il n’y a pas de barrière.

D’autant que les musiciens électro sont de plus en plus des musiciens à part entière, et pas forcément des "bidouilleurs". Stéphane Pompougnac, par exemple, le DJ de l’hôtel Costes vous inclut parfois dans ses sélections !
PP : Oui, c’est vrai ! Pompougnac a découvert notre musique en Corse puisqu’il venait régulièrement à la discothèque Via Notte de Porto Vecchio qui est la discothèque à la mode, en plein air- c’est un peu le passage obligé. Il a inclus nos titres dans ce qu’on appelle la «lounge music» et ça marche très bien ! Ça s’intègre avec les autres musiques.

C’est une manière de rajeunir le style des polyphonies corses, si tant est que certaines personne voient ça comme quelque chose de poussiéreux ?
LP : Je crois que justement, on ne peut pas mettre d’âge sur la polyphonie corse. On ne sait pas la dater et je pense qu’elle existera encore bien après nous. C’est simplement une façon de faire évoluer la tradition qui n’est justement pas quelque chose de figé puisqu’elle traverse les siècles. C’est donc une façon pour nous de traverser notre siècle en tant que chanteuse et musicienne en 2002. Une tradition doit vivre. Pour ce faire, elle doit être ancrée dans sa réalité et dans le monde dans lequel les gens qui la chantent, vivent.

Quels sont vos projets à venir pour ce siècle ?
PP : J’allais dire Inch’Allah ! (rire) C’est d’abord une tournée, la sortie de notre album dans d’autres pays que la France, ce qui va nous prendre quelques temps. Et puis un nouvel album, de nouvelles aventures. Il y a deux ans, on ne savait pas du tout qu’on partirait en Géorgie, c’est arrivé comme ça, du jour au lendemain. C’est ce qu’on aime. Ce qui est sûr, c’est qu’on continuera à chanter !

Propos recueillis par Loïc Bussières.

Trio Soledonna Isulamina (Philips/Universal) 2002

En tournée :
- 10 juillet Bastia Chapelle Ste Croix
- 19 juillet Propiano Eglise
- 21 juillet San Nicolao (Moriani) Eglise
- 23 juillet Toulouse
- 26 juillet Ajaccio Eglise St Roch
- 04 août Erbalunga Festival plein air
- 10 août Bocognano Eglise
- 13 août Bastia Chapelle Ste Croix
- 17 août Morsiglia Eglise