Le bootleg entre en scène

Apparu à la fin des années 90, le bootleg est en vogue. Ce mix de deux -ou plusieurs- morceaux en un, d’abord confiné sur la Toile car illégal, se retrouve désormais dans les grands festivals de l’été. Focus sur un mouvement en pleine explosion.

DJ Zebra et compagnie

Apparu à la fin des années 90, le bootleg est en vogue. Ce mix de deux -ou plusieurs- morceaux en un, d’abord confiné sur la Toile car illégal, se retrouve désormais dans les grands festivals de l’été. Focus sur un mouvement en pleine explosion.

Pour comprendre le mouvement bootleg (ou "mash-up", pour les Anglo-saxons), il faut revenir au siècle dernier. Flash-back, donc. On est à Tours, à la fin des années 90. Plus exactement, en 1999. Fred’, plus connu sous le pseudonyme de Rubin Steiner, fait l’acquisition d’un ordinateur. Pour maîtriser son logiciel à sampler, il  s’essaye à toutes sortes de mélanges. Il prend les parties vocales d’un morceau, rajoute les instrumentaux d’un autre, laisse le tout dans sa version brute de décoffrage. Le bootleg, cet assemblage de deux ou plusieurs titres, parfois hasardeux mais toujours illégal (pour cause de droits d’auteurs difficilement gérables), est né. Enfin, pas tout à fait.

Le véritable acte de naissance de cette pratique a été signé un an plus tôt, en Angleterre. "On passait toutes nos soirées là-dessus, se souvient Jérémy, voisin et camarade de jeu de Steiner. On faisait ça pour se marrer. C’était vraiment très artisanal." Sept ans plus tard, fini le bricolage, Rubin Steiner a mis ses bootlegs au placard. Il ne les ressort qu’à l’occasion de DJ sets. Jérémy, lui, a continué dans cette voie. Il a formé Loo and Placido, avec Roro, un acolyte rencontré à l’époque où il officiait au sein du groupe rock No One Is Innocent. Il a acquis la technique adéquate, a passé des heures à dégoter les A Capellas (c’est le nom donné aux voix utilisées pour les bootlegs) pour les associer à des instrumentaux au poil’. Puis il a mis ses mixes en ligne sur Gybo, le forum de référence quand on parle bootleg. "A l’époque, il y avait moins de quantité. Cela nous a permis d’être repérés par la radio anglaise XFM, qui nous a consacré une émission en 2002." A la suite de ça, le duo est appelé par MTV Angleterre, revient en France à la rentrée 2005, pour le MasterMix, une émission radio. Et sort, au printemps de cette année, son premier mash-up légal : Horny as Dandy. Un mix, diffusé en Angleterre et non en France, entre Mousse-T et les Dandy Wahrols. 

DJ Zebra, le vulgarisateur.

Avant même qu’ils ne soient reconnus, Roro-Loo et Jérémy-Placido ont suscité des envies. A Paris, DJ Zebra, ancien bassiste du groupe Billy Ze Kick et les gamins en folie (les auteurs du tube de l’été 1994, Mangez-moi), ne tarde à emboîter le pas. Son credo : "Tirer sur la corde". Comprenez, choquer un maximum "pour être parfois à la limite du mauvais goût". En témoigne ses mixes entre Shaggy et Rage Against the Machine,  ou entre Diam’s et la Mano Negra. "J’aime bien garder ce côté artisanal, indique le Zèbre. Quand on peut bien entendre les superpositions."

Cela ne lui a d’ailleurs pas toujours valu des publics extatiques. "Au début, il m’arrivait d’être sifflé ou d’avoir la moitié d’une salle qui ne danse pas." Quelques heures de bidouille plus tard, Zebra a réussi à imprimer sa griffe. Aujourd’hui, il apparaît même comme la référence d’une scène qu’il a largement popularisé, notamment en la faisant sortir de milieux spécialisés encore marqués par les Belges de 2 Many Dj’s (les vrais défricheurs du mash-up). C’est-à-dire, de l’Internet. Il explique : "Je veux que les bootleggers soient reconnus par le grand public. Le mix entre Green Day et Wonderwall d’Oasis a fait le tour du monde sans que l’on sache que Party Ben en était l’auteur." Sans que l’on sache non plus ce qu’est vraiment un bootleg.

Endossant volontiers le costume de vulgarisateur, Zebra multiplie donc les initiatives. Il anime une quotidienne sur une radio rock parisienne, tenait jusqu’à l’an dernier une chronique sur les ondes du service public et organise des soirées bootlegs : les Zebra Mix. Ce qui lui a vallu d’être à l’affiche des plus grands festivals de l’été : Solidays, les Francofolies de La Rochelle, le Paléo Festival de Nyon. Là, il peut expérimenter sa nouvelle "mise en scène musicale": le bootleg live. Le principe ? Mixer un bootleg avec un invité, qui joue ou chante, en direct. C’est ainsi que Cali, s’est vu interpréter Je m’en vais, sur l’air Sunday Bloody Sunday, de U2. Ou que Louise Attaque a chanté sur du Daft Punk, lors des dernières Francofolies de La Rochelle.

Bootlegs nouvelle génération.

"Les platines c’est bien, les guitares, c’est mieux !" C’est dans cette optique que Zebra a créé le Bootleg live band. Un groupe chargé de jouer, "on stage", des compositions généralement mûries derrière l’écran d’un ordinateur. Parmi les agitateurs de ce collectif : DJ Moule. A la trentaine, ce musicien, accro au Big Beat (Chemical Brothers, Fatboy Slim …) et au rock des années 70, a commencé le bootleg presque par hasard. Quand un ami, organisateur de festival, lui a demandé de prendre les platines, pour éviter les temps morts entre deux concerts. Depuis, DJ Moule, n’a plus arrêté.

Il a créé son site (qui a dépassé les 35.000 visites depuis début 2006), et a mixé, dans une bonne partie du sud-ouest de la France. "Mon tourneur a trouvé ça bien. Et il m’a trouvé des dates, alors que je n’avais pas forcément fait en sorte que ça marche." Olivier, alias Metamix, n’en est pas encore là. Ce professeur des écoles, mélomane "mais pas musicien" fréquente les Zebra Mix. Il a aussi créé son site espace sur la toile –la condition sine qua non pour tout bootlegger qui se respecte. Mais, malgré ses trois ou quatre heures de bootlegging par soirée, il ne s’est pas encore confronté à la scène. Il estime avoir encore des progrès à faire. "Comme je n’ai jamais appris le solfège,  j’ai encore du mal avec les tonalités."