Akhenaton solo
Deux ans après un album d’IAM en demi-teintes, Akhenaton revient en solo sur son propre label, 361 Records, pour un album riche (23 titres sur la première version incluant un EP bonus) dans la lignée de son fameux Métèque et mat. L’occasion de discuter avec un soldat du hip hop toujours offensif après 20 ans dans le rap biz.
Le franc-tireur
Deux ans après un album d’IAM en demi-teintes, Akhenaton revient en solo sur son propre label, 361 Records, pour un album riche (23 titres sur la première version incluant un EP bonus) dans la lignée de son fameux Métèque et mat. L’occasion de discuter avec un soldat du hip hop toujours offensif après 20 ans dans le rap biz.
RFI Musique : Dans le morceau Soldats de fortune, tu reviens sur le thème du téléchargement.
Akhenaton : Ceux qui téléchargent mon album et qui le jettent parce qu’ils ne l’aiment pas, ça ne me dérange pas. Pour moi, le téléchargement c’est une borne d’écoute. Si on aime, il faut acheter. Ce qui me pose problème, c’est les gens qui le gravent et le font tourner pendant des mois. Les gamins te disent qu’ils n’ont pas le budget pour acheter des disques. Et les paires de Nike à 200 euros ? Et les sonneries de portable à 3 euros ? Moi, la licence globale me pose un problème. Le droit d’entrée pour télécharger ce que tu veux, il va être réparti comment ? Au pro rata des disques vendus. Mais si tu te fais défoncer la gueule en téléchargement, tu vends moins de disques ! C’est illogique. Ceux qui n’ont pas de problèmes avec le téléchargement vont toucher l’argent de ceux qui sont le plus téléchargés. Et on sait très bien que le hip hop est très téléchargé. C’est le principe du capitalisme, je trouve que ça n’est pas juste. Et je dis ça alors qu’on continue à vendre des disques : le dernier IAM, tous territoires confondus, a dépassé les 350.000 exemplaires vendus. Et l’anthologie IAM Platinum (un triple CD sorti fin 2005, NDR) a rapporté beaucoup d’argent à Virgin, elle s’est vendue à 250.000 exemplaires sans budget d’enregistrement avec un seul inédit, Où va la vie qu’on a fait l’erreur de ne pas intégrer à Revoir un printemps d’ailleurs.
Il y a dix ans, Passi rappait Les flammes du mal qui racontait une nuit d’émeute urbaine. Maintenant qu’il y a eu les événements de novembre 2005, ça te donne envie d’écrire dessus ?
J’écris dessus mais c’est des textes qui ne sortent pas. J’ai écrit l’autre jour un titre, Rien de personnel, qui en parle. Mais je fais toujours des allusions. Cet album a été fini de mixer en octobre, avant les événements. Pourtant, tu y trouveras des similitudes avec ce qui s’est passé. J’ai enregistré le dernier morceau juste après l’épisode du "kärcher" de Sarkozy sur la dalle d’Argenteuil. J’ai des rimes comme "ces salauds voudraient faire de ce trou le 51ème état/Qu’on se dise que le monde est à nous, mais qu’on mate au 8ème étage/Qu’on compte sur nos lyrics pour distiller de gros mollards aux mâles/Et quand on sert plus, dans le même sac que le mollah Omar".
Sol Invictus était un album mystique, Soldats de fortune l’est moins…
J’en parle de moins en moins dans les textes. La religion, je la garde pour moi. Tu as beau expliquer ce que tu veux, on vit dans un pays d’étiquettes, de tiroirs, de caricatures. J’avais envie de montrer les bons côtés mais "Je crois que ça va pas être possible"… (rictus)
Tu as réussi un exploit : tu as fait chanter Shurik’n…
Ah ne m’en parle pas ! Il fait les chœurs de Sur les murs de ma chambre avec Saïd. Saïd sort son album en indé le 24 avril, produit et écrit par Shurik’n. C’est de la soul, très proche de ce que fait Anthony Hamilton aux Etats-Unis. Shurik’n a bien voulu chanter, mais il ne voulait pas que j’écrive son nom sur les crédits. J’ai réussi à le créditer. Il chante super bien Jo, c’est un secret de polichinelle. Il ne veut pas ! Il est complexé alors qu’il a une super voix. Il chante mieux que 99% des chanteurs en France aujourd’hui ! S’il décidait de ne plus faire de rap, il saurait quoi faire.
Qu’apprécies-tu dans ce qui est sorti récemment ? L’album de Diam’s par exemple ?
L’album est bien écrit, bien produit, elle a un discours cohérent, elle tient la scène toute seule ce qui est très rare dans le rap aujourd’hui : à part le Saïan, Diam’s, Psy4 et Sniper, derrière c’est dur. D’ailleurs, certains artistes qui ont l’habitude du studio écrivent des morceaux et des couplets irréalisables en live parce qu’ils les font sur ProTools en doublant les pistes.
C’est plus dur de vieillir quand on fait du rap ?
Je suis fidèle au public qui m’écoute, qui a envie d’écouter quelqu’un qui assume son âge, un père de famille qui vit bien dans un endroit tranquille. Moi, je me bats à la fois pour les gens qui m’ont mis là où je suis, et pour mes enfants. Je ne calcule pas l’argument marketing, je ne suis pas un gangster, je ne vais pas aller raconter que j’étripe des gens, c’est faux.
Akhenaton Soldats de fortune (361 Records) 2006.