Découvertes à Rennes

Les 23e rencontres des Transmusicales de Rennes viennent de s’achever ce week-end. Sur la totalité des artistes programmés sur les scènes du festival, comme dans le off, étaient présents une pléthore d’inconnus ou de méconnus. Retour sur trois d’entre eux : Njava, Programme et Monsieur Orange, qui envisagent leur carrière sous des angles bien différents.

Njava, Programme et Monsieur Orange

Les 23e rencontres des Transmusicales de Rennes viennent de s’achever ce week-end. Sur la totalité des artistes programmés sur les scènes du festival, comme dans le off, étaient présents une pléthore d’inconnus ou de méconnus. Retour sur trois d’entre eux : Njava, Programme et Monsieur Orange, qui envisagent leur carrière sous des angles bien différents.

Njava. Les auditeurs de RFI se souviennent peut être de ce groupe malgache, originaire du sud de la Grande Ile et composé d’une fratrie (deux sœurs et trois frères). Njava avait en effet obtenu le Prix Découvertes en 92. Il y a maintenant une demi-douzaine d’années qu'il ne s’était pas produit en France. Nous l'avons donc retrouvé mercredi 28 novembre, à Rennes, pour un concert dans la salle survoltée de la Cité. Signé chez Hemisphere, label de EMI, le groupe a sorti un nouvel album, Source, dans les pays du nord de l’Europe, en avril 2001. Celui-ci devrait arriver dans d’autres pays, notamment en France, dès le mois de janvier prochain. Résidant en Belgique, cela fait presque 10 ans que les membres de Njava ont quitté Madagascar. Pourtant, ils continuent à chanter des textes inspirés de la vie quotidienne qu’ils ont connue dans leur pays, ainsi que des traditions ancestrales, qu’elles soient bonnes ou mauvaises. Une des deux chanteuses, Lala, nous explique un peu après le concert : "Certaines croyances doivent être dénoncées, comme celle de la malédiction qui s’abattrait sur une famille si des jumeaux venaient à naître. Cela implique généralement l’abandon de l’un des deux enfants à la naissance, qui le mène la plupart du temps à la mort. C’est ce à quoi nous faisons référence dans le morceau Victim of tradition". Très fière de la richesse de la culture malgache, le groupe n’en est pas moins ouvert aux musiques qui viennent d’ailleurs. "On a envie d’aller au-delà de la musique malgache", dit Dozzy le guitariste, en nous présentant Frédéric, le musicien "adopté" par les frères et sœurs et qui par les sons sortis tout droit de ses ordinateurs, permet de donner une autre dimension à la musique jouée traditionnellement par Njava. Avec cette ouverture réussie sur le monde de l’electro, Njava espère conquérir un public de plus en plus sensible à ces sonorités venues de l’Océan indien et portées ici par de véritables voix.

Programme. Originaire de Toulouse, comme Zebda, le groupe Programme ne cultive pas comme ses aînés le sens de la fête et de la convivialité. Le concert qu’il donne le samedi 1er à Rennes dans le cadre des Trans, relève plus d’une "performance" que d'un concert. Car il faut dire que nous sommes là en pleine recherche créative. Effets de lumières, jeu d'ombres, effacement des personnalités au profit du discours, création d'un univers particulier, samples hardcore et riffs de guitare tranchants. Arnaud Michniak, l'ex-chanteur de Diabologum écrit avec ses tripes : ses textes nihilistes, d'une noirceur omniprésente, sont scandés plutôt que chantés. Comme il nous l'explique un peu plus tard, "Comment faire autrement quand on regarde autour de nous. Il est vrai que dans nos morceaux, on force le trait. Quand j'écoute d'autres disques, je constate que c'est fade et passéiste. En fait, on est vraiment seuls". Dans le titre Demain, tiré de l'album sorti il y a quelques mois, Mon cerveau dans ma bouche, Programme s'exprime clairement là-dessus : "Je prétends pouvoir parler sans précaution ni détour/pour affirmer ce que j'ai vérifié/ce sur quoi on ne me fera pas revenir avec des doutes/c'est le disque de quelqu'un qui sait et qui n'en retire aucune fierté". On pourrait croire Michniak et son acolyte guitariste Damien Betous, un rien prétentieux. En réalité, le doute est leur principal allié dans le principe de création. A tel point d'ailleurs que les remises en question de leur travail sont constantes et les empêchent d'aborder la notoriété, voire le succès sans un certain dénigrement. Ils se saborderont sans doute avant.

Monsieur Orange. Le bonnet vissé sur la tête, Monsieur Orange débarque de sa Bourgogne pour se produire aux Bars en Trans, le festival off le samedi 1er décembre. "Je fais de la chanson hors pistes", nous annonce t-il en guise de préambule. "Des textes écrits comme ça, sur un son cheap". Très heureux d'être là, Monsieur Orange n'en cultive pas moins un certain détachement. Lors de sa prestation au Chantier, le bar qui l'accueille, il distille quelques réflexions qui rendent compte de son non-professionnalisme affiché : "J'hésite à vous jouer ce morceau, il est un peu speed mais surtout, il n'est pas terminé. Après tout, je m'en fous, j'me lance". Et c'est parti pour 3 ou 4 minutes de délire sur un orgue Bontempi que ses parents ont dû lui offrir quand il était petit. Car Monsieur Orange se targue de développer un "Bontempi style". "Vous préférez un son de clavecin ou de violon ?" De toute façon, l'un ou l'autre ne change pas vraiment le problème. Le son reste toujours un peu crispant. Les textes quant à eux se veulent décalés, faussement enfantins. Qu'il aborde des thèmes comme l'amour ("Je t'aime parce que tu regardes la radio") ou les sectes ("Les Mormons sont de p'tits bonshommes en noir qui vadrouillent dans nos villes en prêchant la bonne parole dont je n'ai rien à foutre"), Monsieur Orange est un rêveur, souvent drôle, qui fait de la chanson comme certains feraient du bricolage le dimanche dans leur atelier, au fond de la cour.

Les Transmusicales de Rennes proposent des artistes au profil bien différent. De ceux qui en venant là espèrent se faire un nom ou asseoir leur réputation, à ceux qui expérimentent de nouveaux spectacles, en passant par ceux qui sont simplement heureux de jouer devant un public que l'on sait enthousiaste et curieux. C'est la réunion de tous dans la même ville pendant quatre jours qui rend ce rendez-vous musical si riche.