Big Red signe sa redemption

Big Red était jusqu'alors le compagnon de route de Daddy Mory dans le fameux duo français Raggasonic. Désormais, il existera aussi par une carrière solo qui s'annonce pleine de promesses. Son premier opus Big Redemption est nerveux, carré et hardcore. Mis en boîte entre Paris et Kingston, il passe du ragga dancehall au son de la west coast, en revendiquant haut et fort ses racines hip hop.

Premier album solo

Big Red était jusqu'alors le compagnon de route de Daddy Mory dans le fameux duo français Raggasonic. Désormais, il existera aussi par une carrière solo qui s'annonce pleine de promesses. Son premier opus Big Redemption est nerveux, carré et hardcore. Mis en boîte entre Paris et Kingston, il passe du ragga dancehall au son de la west coast, en revendiquant haut et fort ses racines hip hop.

Big Red-Emption. Le titre de l'album est parlant. Il salue le retour d'un véritable bad boy dans sa phase positive. Lui-même parle de passage du mal au bien. Les mordus de Raggasonic vont probablement être un peu surpris par ce côté moral de la chose.

Big Red, Stéphane dans le civil, donne l'impression de rechercher l'apaisement et le pardon. Il montre en tous cas une face cachée de l'iceberg : le remord le guetterait ou presque. "Amusez-vous bien toutes et tous (..) Mais sachez que nous disparaîtrons tous".

Mais attention car il n'a pas baissé la garde pour autant. Ses mots claquent dans l'air comme autant de salves de mitrailleuses. Humeurs, état d'esprit, colère, la tchache est nerveuse, prolifique et lourde de sens. Que ce soit sur un "Bimbo" qui cause de certaines femmes légères : "Tu vends tes seins et tes fesses / Tu te crois utile / Aussi belle que débile / Tu ferais tout pour le flouze / J'éprouve de la tristesse / Pour ces pauvres filles…" Que ce soit pour une mise en garde anti-cliché : "Je te parle de délinquance juvénile / De jeunes pour qui la vie ne plaisante pas / Ceux que les keufs prennent pour des débiles / En fait ne le sont pas puisque tu le sais ne l'ignore pas" . Le propos reste lucide mais rude. On ne mâche pas ses mots chez Big Red.

Sa reprise de Gainsbourg, Aux armes, etc., est un hymne original à l'espoir endormi chez toute une génération de jeunes des banlieues à l'avenir menacé: "Allons enfants de la téci / Le jour de gloire vous est acquis". Un album épatant qui swingue bien au final, même s'il donne par moment l'impression d'être trop carré et d'utiliser des recettes déjà entrevues ailleurs.

Enregistré entre Paris et Kingston, il est produit par trois lascars du son, qui se veulent complémentaires avant tout. Frenchie, qui a toujours été aux côtés de Raggasonic, y apporte la touche reggae attendue par tous les fans de la première heure. Big Red et lui ont été se ressourcer en Jamaïque pour l'occasion. Ils y ont travaillé notamment avec les fameux Sly & Robbie sur Aux armes. Frenchie y ajoute cependant un aspect funk et rap qui privilégie les ponts entre les genres. Dans la logique de Raggasonic, avec des riddims un peu plus poussés à bout.

E

ntre le ragga dance-hall, le reggae digital et le rap, l'ensemble a l'air de bien tenir. Rudlion, l'autre producteur de cet album, enfonce le clou au niveau de la tonalité hip hop. Il s'est occupé de la rencontre sur deux titres entre Big Red, Rocca (leader de la Cliqua) et les jumeaux d'Arsenik (Calbo et Lino du Secteur Ä). Sa tendance funk/reggae électro/digitale sur Deenastyle ou encore Red-Emption enrichit la palette de façon expressive. Faster Jay & Gutsy (Alliance Ethnik) enfin, s'est occupé du reste en invitant le hip hop de la Côte Ouest sur Freeze.

Dix huit titres, autant de surprises que de convictions : le plaisir est complet. L'effet hardcore est également garanti. Tant pis pour les grognons, jamais satisfaits. Il n'y aurait pas eu de Big Red-Emption (Source/Virgin), qu'il aurait fallu l'inventer. C'est l'album d'une vie. L'artiste fait le point sur son parcours et sur ses amours passées et à venir. Il y a même un parfum de nostalgie qui plane sur lui et qui colle bien avec ses influences old school. Raggasonic a toujours incarné un monde à part dans l'univers du reggae-ragga-hip hop français. Ce solo de Stéphane "Big Red" est dans cette droite ligne.

Big Red Big Redemption (Source/Virgin) 1999