CD en vrac

GILBERT BECAUD : 72 ans, 720 000 volts...

Bécaud, Céline Dion et Zézé Mago

GILBERT BECAUD : 72 ans, 720 000 volts...

Trois ans seulement après un album en demi-teinte, "Ensemble", et six après le succès de "Quand t'es petit dans le Midi", Gilbert Bécaud revient. Son nouvel album, "Faut faire avec...", est une somme de petits bonheurs modernes. Le 24 octobre prochain, Bécaud aura 72 ans : joyeux anniversaire, Gilbert !

Mâtin, quel beau disque ! On adorait Bécaud, ses marchés de Provence et son Pierrot qui danse. Quarante ans après, le bonhomme est toujours vaillant et il arrive sans peine à faire rire ou pleurer, c'est selon. Le cœur de "Faut faire avec…" est indiscutablement corse : "les Gens de l'île" commence comme un hymne d'I Muvrini, cornemuse comprise. C'est normal, c'est une déclaration d'amour aux Corses, sur des paroles de Pierre Delanoë et de Petru Guelfucci, dont on retrouve la voix exceptionnelle aux choeurs et au chant. Bécaud chante à contre-courant des idées reçues : "L'aventure/ C'est leur domaine/ Et c'est leur problème/ Et c'est leur histoire"...
Juste après la Corse, l'Italie : "Felicita", inspirée d'un des morceaux les plus bréliens de Lucio Dalla. Une histoire de vie à l'imparfait, des guitares, des mandolines. La mort au rendez-vous, l'oubli aussi. La voix de Bécaud, toujours égale à elle-même, à peine un peu éraillée par les cigarettes et leurs conséquences, atteint ici un sommet d'émotion. Et ainsi va l'album : histoires douces et décalées ("Chante-moi", au fort potentiel tubesque), plaisirs démodés ("When we dance") et, surtout, "Légende des Siècles" de Pierre Delanoë, "Dieu est mort", solide reprise d'un grand Bécaud des années 70, auréolée de guitares au milieu des tempêtes... Car ce disque est un disque d'aujourd'hui, très acoustique, enregistré en petite formation. Bécaud a su s'entourer : "Faut faire avec..." est réalisé par André Manoukian, l'ex-mentor de Liane Foly - et dirigé par Jean Mareska, qui s'est illustré aux côtés de Goldman... Si les Cubains ont Compay Secundo, nous, on a Gilbert Bécaud.
Jean-Claude Demari
Gilbert Becaud - Faut faire avec... (Odéon-EMI)

DION : Céline au Grand Stade

Un an après la victoire de l'équipe de France de football en 1998 au Grand Stade, Céline Dion elle aussi a voulu gagner le cœur du public. Un peu perdue au milieu d'une scène centrale imaginée pour que tout le monde la voie, la chanteuse québécoise est venue démontrer une fois de plus son professionnalisme en reprenant les chansons de son répertoire en anglais et en français.

Trois mois après, sa maison de disques sort le kit complet (CD, vidéo, coffret) pour pouvoir se remémorer comme si on y était à nouveau ce concert qui fut sans aucun doute l'événement musical en France de l'été 99. Il ne fallait donc pas s'attendre à un disque débordant de créativité ou de folies artistiques. Tout est calibré, servi par des musiciens bien sûr extrêmement professionnels et des choristes qui "assurent" comme on dit ! La chorale des Hauts-de-Seine est venue donner de la voix sur "Let's talk about love", le titre qui ouvre ce CD et il faut attendre "J'irai où tu iras" pour voir apparaître l'incontournable et omniprésent Jean-Jacques Goldman dont visiblement Céline ne peut se passer quand elle chante en France. Un medley de chansons plus anciennes (de "Ce n'était qu'un rêve" à "Ziggy") vient nous rappeler les débuts d'une carrière qui a dépassé les espérances de la chanteuse. Car Céline sait d'où elle vient et tient à rappeler tout le chemin qu'elle a parcouru jusqu'au tube intergalactique (si ça existait...) "My heart will go on", extrait de la bande originale du "Titanic" qui termine le concert et donc le CD.
Ce live est comme un cadeau non pas d'adieu, mais d'au revoir puisque la star internationale a décidé de faire une pause dans sa carrière à partir de 1er janvier 2000. D'ici là, elle ne va pas se reposer sur ses lauriers puisque sort le 16 novembre un disque en anglais "All the way". Quelques concerts aux Etats-Unis précèderont le méga show prévu au Centre Molson de Montréal le 31 décembre 1999. Voilà donc de quoi occuper Céline avant son break qui devrait durer 2 ou 3 ans selon ses dires.
Valérie Passelègue
Céline Dion - Au cœur du stade (Columbia)

ZEZE MAGO : un si beau désespoir

Il est des albums, comme ça, qui sonnent comme un "best of" dès la première écoute. Des albums d'une telle évidence qu'ils n'auraient quasiment besoin ni de publicité, ni de critiques, ni de rotations radio pour s'imposer. De tels albums, en France, il y en a un tous les deux ans. Dommage pour les autres, il vient de sortir et s'intitule "Demain l'impossible".

Zézé Mago, auteur, compositeur et interprète de "Demain l'impossible", a commencé la scène en 1978, comme batteur et punk. Il se prénommait encore Olivier. Fils d'immigrés italiens installés en Lorraine, c'est au Havre qu'il a déniché, en 1997, les musiciens de son premier album, sobrement intitulé "NoseX". Un album qui avait posé les bases d'un talent musical et poétique évident.
Voix jeune et chaude, poésie de l'urgence, guitares saturées, mélodies habiles : "Demain l'impossible", indiscutablement, intègre des influences aussi diverses que Miossec (pour certaines versifications : "Ça ne sert à rien", "7ème rue"), Jean Bart et Rodolphe Burger. Mais, tout aussi indiscutablement, il est supérieur à leur somme. "Fair Play", poème rock paroxystique et sommet de l'album, évoque les galères 95-97 de Zézé dans un Paris fermé à son talent. D'où un guilleret désespoir : "Il me faudrait des chaussures/ Des chaussures de ville/ Je voudrais garder l'allure/ Si vous croyez que c'est facile !"... Presque aussi fort, on trouve "7ème rue", ballade musclée pour amour à venir, et "Demain l'impossible", superbe incipit. Et encore "Fille à marier". Et encore "L'Amant"... Quelle énergie ! Quelle vibration vitale ! Zézé Mago ne sature ses guitares que pour enluminer son désespoir tranquille.
Jean-Claude Demari
Zézé Mago - Demain l'impossible (chez V2)