Paul Personne
Loin des néons affligeants du show-biz, Paul Personne dans sa Normandie d'adoption, continue d'ouvrager un blues rock patiné si inspiré qu'il a d'ailleurs décidé avec ses paroliers habituels (Bergman, Christian Dupont) ou avec de nouvelles plumes (Nérac ou Guirec) de nous livrer l'oeuvre en deux chapitres : intimiste et acoustique cet été avec Demain il f'ra beau!, plus rock et trapu à l'automne avec Coup de blues. Une Folle entreprise et surtout une bien belle aventure.
En attendant le Coup de blues
Loin des néons affligeants du show-biz, Paul Personne dans sa Normandie d'adoption, continue d'ouvrager un blues rock patiné si inspiré qu'il a d'ailleurs décidé avec ses paroliers habituels (Bergman, Christian Dupont) ou avec de nouvelles plumes (Nérac ou Guirec) de nous livrer l'oeuvre en deux chapitres : intimiste et acoustique cet été avec Demain il f'ra beau!, plus rock et trapu à l'automne avec Coup de blues. Une Folle entreprise et surtout une bien belle aventure.
Pourquoi avoir scindé cet album en deux ?
Tout simplement, parce que j'avais plein de chansons avec des ambiances fondamentalement différentes. D'habitude sur mes albums, j'ai tendance à grouper tout cela et à en faire un cocktail, un patchwork de l'ensemble. Ici, j'avais plus envie d'aller au fond des choses, des mélodies que j'ai en moi depuis que je suis gosse mais que j'utilisais à doses homéopathiques. Donc, au départ je me suis dit : "OK je vais faire un album plus mélodique, plus cool avec une dominante acoustique". J'ai essayé d'aller au bout de ce côté country folk, pop-song que j'aime bien. Et j'ai proposé à ma maison de disques un deuxième volume pour plus tard plus rock, électrique. C'est mon côté Dr Jekyll et Mr Hyde. Il y a des moments où j'aime les balades pépères acoustiques et puis d'autres moments où j'ai envie de prendre la Les Paul (guitare électrique) et de la faire crier sur un bon vieil ampli Marshall. Ce sont les deux côtés de ce que je suis.
La prolixité, c'est un peu votre marque de fabrique. Déjà sur l'album précédent Patchwork vous aviez déjà créé une cinquantaine de chansons pour en retenir douze au final...
Je laisse faire la vie. J'enregistre des mélodies sur un dictaphone que j'ai en permanence sur moi ou dans ma bagnole. J'ai toujours un carnet pour noter une phrase, deux rimes… L'ensemble fait qu'au bout d'un an, je me retrouve avec des tas de choses sur lesquelles je travaille. Avant tout, ce qui fait que je garde ou pas une chanson, c'est que je m'en lasse ou non. Une chanson comme Le diable en hiver sur ce nouvel album a déjà quatre ou cinq ans. C'était un truc que l'on avait écrit avec Boris Bergman pour une pièce de théâtre. C'est une chanson qui a traversé le temps et quand je l'ai rejoué, j'étais content parce qu'il n'y avait pas d'usure. Le risque aussi pour ce disque était de se retrouver avec trop de chansons trop lentes. Et j'avais envie que l'album soit cool mais pas complètement soporifique non plus (rires). Alors on a élagué.
A la lecture du titre Demain… il f'ra beau ! On ne peut pas s'empêcher de penser à une maxime que vous vous attribueriez à vous-même. A votre carrière qui a eu des hauts et des bas...
Les creux de vagues, les hauts de vagues. Ce sont des trucs qui font partie de la vie. Quant à ma vie musicale, je n'ai jamais essayé de faire du charme ou de séduire à toute force ou bien de faire ce qu'il fallait faire parfois pour vendre des disques, éviter les télés où je n'avais pas envie d'aller. C'est vrai que cela laisse une large part au hasard des succès ou des gamelles. Quand on me dit que j'ai vendu 100.000 disques ou que je suis Disque d'or, c'est cool ! Mais sinon je suis resté musicien et je n'ai qu'une envie, celle d'aller jouer sur scène. Je n'ai jamais essayé de faire le clown pour attirer l'attention. Moi, elle me va très bien cette vie.
Je fais des chansons pour qu'elles plaisent au public mais je ne vais pas aller lécher les pompes à qui que ce soit pour être dans tous les prime time de la terre ou qu'on passe mon disque à la radio.
Quelles sont les grandes désillusions que vous avez eues dans ce métier ?
Les premières. Surtout quand j'étais gosse avec mon groupe qui s'appelait l'Origine, j'avais dix-sept ans. Mes parents avaient signé le contrat à ma place chez Pathé-Marconi. D'abord, on est ado, on est fan des Stones et des Beatles. Et on se trouve confronté à des directeurs artistiques qui vous font miroiter plein de trucs et qui six mois après, ne vous donnent plus de nouvelles. Cela a été ma première claque dans la gueule. Là, j'ai commencé à déchanter par rapport au monde du show-biz et les porteurs de bonne parole. Deuxième désillusion : elle s'est fait six ou sept ans après avec un groupe qui s'appelait La Folle Entreprise, dans lequel je croyais vachement. On est parti enregistrer un 45-tours en Angleterre. Et puis, il ne s'est quasiment rien passé après et le groupe s'est étiolé. Très jeune, j'ai été aguerri à ce genre de désillusion. Beaucoup plus tard quand j'ai sorti l'album La Chance et que j'ai eu des tas de galères juridiques, j'avais plus de recul par rapport à tout cela. Mais quand même, on met de l'énergie, des tas de bouts de vie dans l'histoire… Cela fait toujours bizarre.
Inversement, quelles furent les grandes satisfactions ?
Il y a des satisfactions qui sont des rencontres. Monter sur scène avec Albert King par exemple, c'était fabuleux et tellement inattendu ! Des boeufs par exemple, des concerts comme celui du Parc des Princes en 93 avec Johnny Hallyday. Entre lui et Eddy Mitchell, qui étaient mes deux premières idoles à une époque où ado, je ne jurais que par eux, c'est fabuleux ! C'est drôle de se retrouver devant 20.000 personnes, entre ces deux lascars, et de jouer.
A propos, vous serez des festivités Hallyday-énnes….
Non je ne crois pas. En tout cas avec Johnny, il faut s'attendre à tout jusqu'au dernier moment. C'était drôle parce que pour son concert au Parc, il m'avait fait envoyer une voiture avec chauffeur et un flic devant, un flic derrière parce que je jouais le même soir ailleurs. Camus (le producteur de Hallyday, ndlr) ne voulait pas prendre le risque que je sois bloqué dans un embouteillage. Ça faisait un plan méga-star à l'américaine, c'était drôle. Donc ce coup-ci rien n'est prévu. Mais peut-être qu'il m'enverra un hélico dans mon jardin !?! (rires)
Cet album a été produit par Jay Newland qui a également produit l'album de Norah Jones. Avec ce succès, elle a quitté ce "statut" jazz pour entrer dans la catégorie "variété grand public". Que pensez-vous de ces clichés jazz/pas jazz, blues/pas blues ?
Cela ne me gêne pas. Je ne renie pas mes influences bluesy, mais je n'ai jamais essayé non plus d'imiter mes idoles. Dans les années 86/87, il y avait une sorte de distorsion où les affiches de mes concerts disaient : "Ce soir, concert de blues avec Paul Personne" et j'y jouais aussi du rock, des ballades. Les gens m'interpellaient en me disant : "Bon, c'est quand le blues ?" On sentait comme une sorte d'insatisfaction. Je me suis dit : "Là, le bât blesse". Il faut que les gens apprennent à m'aimer pour la généralité de ce que je suis et de ce que j'ai envie de faire et pas uniquement pour le côté blues. On a fini par m'admettre pour cette généralité. Mais en France, il y a un drôle de syndrome. Dès que tu fais des choses mélodiques, ça devient "variétoche". Alors que tous les groupes que j'aimais à l'époque les Beatles, les Stones, les Doors ou les Kinks étaient quand même très mélodiques et on ne disait pas que c'était de la soupe ! Remarque, j'attends que l'on dise de moi que je suis devenu un jour, un "artiste de variété". Cela voudra dire que j'ai vendu un max d'albums ! (rires)
Paul Personne Demain,… il f'ra beau ! (Polydor/Universal) 2003