Bélo, artiste 100% haïtien
Lauréat du prix RFI Découvertes 2006, Bélo donne son premier concert ce soir au Réservoir, à Paris. De retour d'une première prestation sur le sol américain et tranquillement installé dans sa chambre d'hôtel, Bélo revient sur son album "Lakou Trankil" et sur son lien indéfectible avec son île, Haïti.
Le "ragganga" débarque à Paris
Lauréat du prix RFI Découvertes 2006, Bélo donne son premier concert ce soir au Réservoir, à Paris. De retour d'une première prestation sur le sol américain et tranquillement installé dans sa chambre d'hôtel, Bélo revient sur son album "Lakou Trankil" et sur son lien indéfectible avec son île, Haïti.
RFI Musique : Bélo tu fais du reggae, alors qu'on a plutôt l'habitude d'entendre du compas ou du zouk en provenance d'Haïti. Y-a-t-il beaucoup d'artistes reggae haïtiens?
Bélo : Je dois commencer par dire que la position géographique d'Haïti en fait un carrefour: Haïti c'est dans la Caraïbe, Haïti c'est en Amérique, c'est aux Antilles, et notre musique ressemble à tout cela. Notre histoire raconte la même chose: nous avons été colonisés par la France, occupés par les Américains… Haïti est une mosaïque de couleurs, nous sommes influencés par tous les genres de musique: en Haïti on trouve le compas, certes, il y a aussi la musique "racine", également le reggae, du gospel, en fait il y a tout un mélange…Dès mon enfance, j'ai été bercé par toutes ces musiques, je me suis laissé influencer par l'ensemble pour donner ce style original qui m'est propre et que j'appelle "ragganga", c'est une mélange de reggae, ragga, et rara, (la musique carnavalesque haïtienne ndlr)…
Tu es né en 1979, tu as donc grandi avec le compas direct et l'explosion de la musique traditionnelle dans les années 1980 avec Boukman Eksperyans…
Oui et aussi les autres musiques importées, des Etats-Unis, de la France, du Canada et de la Jamaïque… Et cela se ressent dans mon album! Le morceau Lakou Trankil, est plutôt reggae, mais en règle générale, mes morceaux sont très difficiles à classer. C'est du Bélo si vous voulez…Tenza, c'est world beat, Istwa Dwol, c'est une chanson acoustique… Je fais quelque chose qui m'est propre et même quand je chante du compas, je le fais à ma façon…
Tu arrives des Etats-Unis où tu as donné un concert et demain tu vas jouer pour la première fois en France. Est-ce que tu appréhendes différemment les concerts internationaux?
Pour moi la musique est universelle, donc quelque soit l'endroit, que le public soit haïtien ou étranger, que ce soit devant deux personnes ou deux millions de personnes, il faut donner une prestation égale à elle-même… Quand on suit un concert de Michael Jackson ou de Michel Sardou, on voit que c'est quelque chose de standard, de sérieux, où que ce soit…
As-tu des titres préférés sur ton premier album et peux-tu nous parler de ce que tu racontes dans tes chansons…
J'aime tout l'album ! Mais par exemple, le concept Lakou Trankil raconte la cour, l'espace où les membres d'une même famille vit, en créole, on dit "lakou". Lakou Trankil, pour moi, c'est Haïti tranquille. Mon pays subit des troubles politiques, donc pour que le pays redevienne ce qu'il a été dans le temps, je chante cette chanso : Si tu veux être grand comme un éléphant, fais toi tout petit comme une souris, si tu veux gouverner le Lakou, il faut que tu obéisses, si tu veux voir les choses changer, tu dois faire preuve de volonté. Dans un genre différent, Istwa Dwol est l'histoire de cinq jeunes garçons qui ne peuvent plus vivre en Haïti à cause du chômage, de l'insécurité ; ils décident donc de quitter Haïti, mais sans destination. Très vite, sur la mer, ils n'ont plus d'eau, plus rien à manger… Et à la fin de la chanson, je cite tous ceux qui quittent le pays, les étudiants, les paysans, les musiciens, les citadins…
Et toi, justement, en tant que jeune artiste qui s'ouvre à l'international, n'est-ce pas une tentation de quitter Haïti?
Non… En tant qu'artiste, je suis là pour donner des messages positifs, je suis le modèle. On a tendance à faire ce que je fais. Si je reste au pays, mes fans vont vouloir rester…Au contraire, je pense qu'il est bien d'aller proposer la culture haïtienne un peu partout, tout en restant accroché à mon propre pays… Quand je suis allé au Cameroun pour le Prix Découvertes RFI, c'était la première fois que je sortais du pays, et toute l'énergie positive que j'ai trouvée là bas, je l'ai ramenée à Haïti…Ce prix, c'est une fierté nationale... On me remercie pour ce que je fais pour Haïti, mais c'est Haïti qui a tout fait pour moi…
C'est à dire?
Je n'ai pas voyagé, je n'ai pas vécu en France ou aux Etats-Unis pour devenir ce que je suis aujourd'hui… Mon inspiration, ma musique est liée à mon île… Si j'ai ce talent, si je suis lauréat du Prix Découvertes RFI aujourd'hui, c'est moi qui peux être fier, car il a été décerné à un artiste 100% haïtien.
En concert le 6 février au Réservoir à Paris