Le choc des cultures
Le Festival des musiques sacrées se termine ce samedi 9 juin avec un concert de la chanteuse de l’Altiplano bolivien Luzmila Carpio et d’Edwin Hawkings, le maître américain du gospel. Retour sur quelques moments marquants du Festival.
Etonnantes rencontres à Fès
Le Festival des musiques sacrées se termine ce samedi 9 juin avec un concert de la chanteuse de l’Altiplano bolivien Luzmila Carpio et d’Edwin Hawkings, le maître américain du gospel. Retour sur quelques moments marquants du Festival.
Le Festival de Fès donne l’occasion comme nous l’avons déjà dit, de croiser des artistes d’horizons culturels et religieux très divers. Que l’on soit en présence d’Abida Parveen, chanteuse pakistanaise soufie ou de l’Ensemble Naguila, formation dédiée aux chants de tradition juifs Sépharades, chacun démontre son profond attachement à l’art qu’il défend. Mais la démarche artistique n’est pas la même et le Festival de Fès permet de montrer les différents aspects de la création musicale liée d’une façon ou d’une autre à la spiritualité.
Abida Parveen n’a pas choisi le soufisme. Elle est née avec. Très tôt, dans la province du Sindh au Pakistan, son père l’a initiée aux secrets de la musique et des poèmes soufis. Aujourd’hui, elle est une des plus grandes représentantes de ce courant musical. Sur scène, elle interprète avec ferveur et fougue des poèmes célébrant l’amour divin ou plus exactement, elle les vit. Elle les vit d’autant plus que cet art est vivant, enrichi de jour en jour et très présent dans la vie de ses concitoyens. Elle déclare sans ambages que chaque spectateur ressort de son concert transformé. Comme touché par la grâce divine ! Car Abida Parveen est une femme de conviction et rien ne semble la détourner de sa mission, du message qu’elle veut faire passer.
L’Ensemble Naguila qui interprète ici à Fès des chants mystiques séfarades est basé en France. Il est né à la suite d’un collectage de chants de synagogues mené par l’Association Mosaïque Musique (Montpellier). Son répertoire résulte donc d’un travail de mémoire auprès de la communauté juive française en provenance d’Afrique du Nord. Il s’agit pour ce groupe dirigé par Pierre Luc Ben Soussan de mettre en valeur une musique issue de la culture arabo-andalouse. Constitué de musiciens marocains et français, Naguila propose un répertoire singulier qu’il ne voudrait pas voir disparaître.
Que la musique sacrée fasse partie du quotidien d’un peuple ou de son histoire, il est passionnant de pouvoir la partager. Le groupe sud-africain Colenso Abafana a d’ailleurs réussi une belle opération en jetant un pont entre sa culture zoulou et celle des habitants de Fes.
Des Zoulous dans la medina
Les membres de ce groupe emmené par son fondateur Viktor Mkhisé ont commencé à chanter dans les mines d’or de la région de Ladysmith, là où ils travaillaient. A Fès, hormis le concert qu’ils ont donné au Musée Batha et pour lequel ils ont reçu un accueil extrêmement enthousiaste de la part du public du Festival, Colenso Abafana a donné un spectacle gratuit aux portes de la medina pour ses habitants à l’invitation de l’Association Nidafes.
Depuis deux ans, cette association emmenée par le Docteur Alami organise un festival off. La mission première de Nidafes était à l’origine d’encourager la restauration des maisons dans la medina. Cette ville ancienne s’étend sur 300 hectares et compte pas moins de 200.000 habitants. Une grande majorité d’entre eux vivent sous le seuil de pauvreté. Les habitations sont vétustes et souvent sans eau et sans électricité. Alors que le Festival des Musiques sacrées bénéficie de l’image de ville culturelle de Fès, une grande partie des Fassis de la medina n’a pas accès à ce programme de grande valeur, par manque de moyens.
Nidafes organise donc pendant toute la semaine des évènements qui font la promotion de la vie culturelle locale. C’est ainsi que les chanteurs zoulous se sont produits mercredi devant un parterre fassi. Beaucoup d’enfants, des garçons pour la plupart, de jeunes hommes sont venus assister à cet événement rarissime dans leur ville, un concert gratuit en plein air sur la place Benboujloud. En grande tenue traditionnelle, peaux de bête autour de la taille et torses nus, les membres du groupe Colenso Abafana ont chanté leur répertoire polyphonique avec des voix graves et profondes qui ne sont pas sans rappeler le gospel et les negro-spirituals. Le public présent regardait avec curiosité ce spectacle qui mêle musique et danses (que le chanteur blanc Johnny Clegg avait il y a quelques années, rendues célèbres à travers le monde entier). Une fois le moment de surprise passé, tout le monde a apprécié avec enthousiasme, ce spectacle peu commun.
Au-delà de l’intérêt porté à la musique, le Festival des Musiques sacrées et toutes les manifestations qu ont lieu autour, permettent un échange tout à la fois culturel et spirituel que l’on trouve rarement.