Rajery fêté à Antananarivo

Lauréat du Prix RFI Musiques du monde 2002, Rajery était en concert vendredi 13 au Centre culturel Albert Camus d'Antananarivo pour y fêter son Prix devant fans et amis. En prélude à ce spectacle, Rajery organisait la 9ème semaine de la valiha, cette cythare en bambou qu'il entend populariser dans toute la Grande Ile. Reportage.

La valiha dans tous ses états

Lauréat du Prix RFI Musiques du monde 2002, Rajery était en concert vendredi 13 au Centre culturel Albert Camus d'Antananarivo pour y fêter son Prix devant fans et amis. En prélude à ce spectacle, Rajery organisait la 9ème semaine de la valiha, cette cythare en bambou qu'il entend populariser dans toute la Grande Ile. Reportage.

Silence. Une minute de silence à la mémoire d’illustres artistes malgaches disparus, Rakoto Frah, le célèbre flûtiste, et Sengemanana, du groupe Senge, ancien lauréat du prix RFI Musiques du monde. A Madagascar, on vénère l’esprit des ancêtres. Pour commencer son concert, Rajery n’a pas dérogé à la règle. La minute de silence est d’or. Une lumière dorée éclaire la scène du Centre culturel Albert Camus. Rajery, le roi-soleil de la valiha répand son sourire. Vêtu d’un costume traditionnel malgache, tout comme les autres membres de son groupe, il prononce quelques mots de remerciement. «Ce prix RFI Musiques du monde, c’est la victoire de tous les artistes malgaches, dit-il. Il va leur ouvrir des portes à l’étranger.» Pour l’heure, c’est la victoire de Rajery, cet artiste malgache sensible, modeste, et avant tout brillant. Fils de paysan, il a perdu tous les doigts de sa main droite quand il était très jeune. Mais ça ne l’a pas empêché de s’initier à la valiha, un instrument traditionnel de la Grande Ile, une sorte de cithare en forme de tube. Et d’en devenir un virtuose. On le surnomme «le musicien au moignon d’or». Ce n’est pas le moignon qui compte, c’est l’or.

Rajery ajuste sa valiha, Charles est à la guitare, Ramosa à la basse, Nini et Raymond aux percussions. Le tour de chant commence par un des titres-phare de son album qui lui a valu le prix RFI: «E sarotra ny miaina e», en malgache «difficile de vivre simplement». Le public malgache s’enthousiasme sur les paroles incisives qui dénoncent la pauvreté et la corruption, les textes qui évoquent la sagesse malgache et l’espoir pour le pays. Quant aux nombreux spectateurs étrangers, ils vibrent aux rythmes entêtants, chaleureux ou envoûtants. Quelques notes suffisent pour que le public reprenne le tempo dans des applaudissements. Près d’une heure trente de concert, sans la moindre fausse note. Bien au contraire, le public est émerveillé. En malgache, en français et même en anglais, tout le monde salue unanimement la prestation, l’artiste. Rajery, lui aussi est ravi. «C’est un concert que j’attendais depuis longtemps. J’ai réussi mon ‘fanamby’ (‘pari’ ou ‘défi’ en malgache, par ailleurs titre de son album, NDLR) dans mon pays».

La semaine de la valiha

Rajery goûte à un début de reconnaissance internationale. Mais qu’il se produise sur les scènes européennes ou américaines, il garde un profond attachement à son pays, d’où il puise son inspiration. Quant aux fruits du succès, il met un point d’honneur à les partager avec ses amis de la Grande Ile. Pour preuve, il a saisi l’occasion du concert RFI au Centre culturel Albert Camus pour organiser à Antananarivo, la 9ème édition de la «semaine de la valiha», avec le concours de l’association Madamozika, qu’il co-préside. Pendant 4 jours, une exposition de photos, d’instruments et surtout, des cours gratuits pour découvrir et s’initier à la valiha. «L’objectif est de sensibiliser les jeunes et les moins jeunes à cet instrument traditionnel», explique-t-il. Martin fait partie des professeurs. «On enseigne grâce à la méthode d’apprentissage écrite par Rajery. On sent que la valiha est devenue intéressante grâce au prix qu’il a remporté. Je crois que le rêve de Rajery, c’est que dans tout Madagascar, les gens jouent de la valiha comme ils jouent de la guitare.» Plusieurs dizaines de personnes, principalement des jeunes, sont venus suivre les cours. Et puis l’exposition a également attiré un large public. «C’est pour moi l’occasion de découvrir Rajery», explique Jules. «C’est le plus brillant valihiste malgache», ajoute Solo. Etienne, lui, est venu redécouvrir la valiha, qui incarne «l’âme des Malgaches», comme il le souligne fièrement. Sur le livre d’or de Rajery, on lit des centaines de messages de félicitations et de remerciements pour cette semaine de la valiha.

«Je pense sincèrement que cet instrument est magique», avoue l’artiste à l’issue de son concert. Mais n’est-ce pas parce que celui qui en joue est un magicien? «Peut être», répond-il dans un sourire modeste.