JACQUES HAUROGNÉ

Paris, le 5 avril 2000 - Après avoir, en 1998, repris "Les Fabulettes" d’Anne Sylvestre, Jacques Haurogné sort son troisième album, "Fenêtres". Quatorze ans après ses premières scènes, notre éternel débutant surdoué s’y révèle égal à lui-même.

L'Hauriginal

Paris, le 5 avril 2000 - Après avoir, en 1998, repris "Les Fabulettes" d’Anne Sylvestre, Jacques Haurogné sort son troisième album, "Fenêtres". Quatorze ans après ses premières scènes, notre éternel débutant surdoué s’y révèle égal à lui-même.

On l’avait vraiment découvert début décembre 88 au Théâtre de la Ville, à Paris. Un récital plein de folie révélait ce grand blond doté de la fantaisie du quotidien et d’une voix de haute-contre. Une voix hors du commun puisqu’à l’époque Gérard Lesne campait dans le répertoire baroque, Nilda Fernandez s’appelait encore Daniel (même s’il chantait déjà "Madrid Madrid") et Mathieu Chédid vivait une adolescence paisible. Certains esprits avertis avaient déjà entendu Jacques Haurogné au Printemps de Bourges 86 ou, plus tard, dans la foulée des délirants Raoul Petite, dynamitant le minuscule (et indispensable) théâtre parisien du Tourtour...

Fasciné par cette voix incroyable, Michel Jonasz produira le premier album d’Haurogné, "Amour Potentiel", en 1989. Trajectoire sans faute pour le gamin de Thionville qui débarqua à Paris un jour de 1982 avec, en poche, un CAP d’électricien et un bac comptable. Qui fit le régisseur à l’école de théâtre de la rue Blanche, puis à Bobino, avant de trouver, enfin, sa voie (sa voix) grâce au Studio des Variétés, école de la chanson française dont il sort en 1986. Pile pour le Printemps de Bourges susnommé.

Jacques Haurogné n’est pas souvent là où on l’attend : le rockeur symphonique, le haute-contre disjoncté, le chanteur de variétés déconnant - tous ont mené la revue en 1993... aux Folies-Bergères, dans une mise en scène de l’extravagant Argentin Alfredo Arias. Avant de trouver refuge, il y a deux ans, dans l’univers des "Fabulettes" d’Anne Sylvestre, recréées pour un spectacle haut en poésie douce...

Autre hauriginalité : en quatorze ans de carrière, le blond Jacques n’a sorti que trois disques (le second, "L’album bleu", produit par François Bréant, clavier historique de Bernard Lavilliers, date de 1992). Le présent album, donc, intitulé "Fenêtres", rassemble dix poèmes d’une grande humanité, que l’on peut commencer par lire, sans encore écouter le disque.

Patience ! L’image d’Haurogné, dessinée pour l’occasion par Xavier Lacouture et par Anne Sylvestre, se révèle doucement : sur ces mots-là, on attend une voix comme celle de Gilbert Laffaille, toute de douceur et d’ironie. A l’écoute, on est servi : Jacques Haurogné, ici, redescend de quelques tonalités, n’usant de sa haute-contre que pour souligner le propos. Dès le deuxième titre, "Dérive", on sait que cet album sera excellent : cornemuse, guitare, violon celtique et chœurs chantent un hymne aux enfants du monde, "du Finistère aux Comores". Message repris avec le très beau "Soliman", éternelle chanson sur l’Immigré, qui donne du prénom Suleiman une étymologie qui, pour être fantaisiste (Soli-Man, homme de solitude), n’en est pas moins émouvante.

Entre-temps, on aura beaucoup parlé d’amour : joyeux et grave avec "Idiot", tendre avec "Attends-moi", léger et vouvoyant dans l’agréable "Loin de vous", hymne à une belle passante... On aura même évoqué l’amour d’un pays, avec l’étonnante "Islande", belle union d’une voix, d’un violon et d’harmonies celtiques... D’"Amour potentiel" en "Album bleu", Jacques Haurogné aura su ouvrir de bien belles "Fenêtres" sur la chanson.

"Fenêtres" (Le Pool/ Scalen)

Jean-Claude Demari