Ayiti chéri

Au moment où l'île d'Hispaniola est sous les pluies et la boue, l'association Caraïbe aller-retour parie sur le joyaux du pays, vitalité artistique et culturelle. Pour la première fois en France, le festival Ayiti Cheri qui se tient à Paris du 1er au 3 juin 2004, réunit les plus grandes voix d'Haïti : Boukman Eksperyans, Racine Mapou de Azor, Ti Coca, Brothers Posse et le légendaire Orchestre Septentrional, avec en parrain Sergent Garcia pour la soirée du 2 juin.

Un festival unique dédié à Haïti

Au moment où l'île d'Hispaniola est sous les pluies et la boue, l'association Caraïbe aller-retour parie sur le joyaux du pays, vitalité artistique et culturelle. Pour la première fois en France, le festival Ayiti Cheri qui se tient à Paris du 1er au 3 juin 2004, réunit les plus grandes voix d'Haïti : Boukman Eksperyans, Racine Mapou de Azor, Ti Coca, Brothers Posse et le légendaire Orchestre Septentrional, avec en parrain Sergent Garcia pour la soirée du 2 juin.

Haïti est bien vivante. Loin des clichés terribles des derniers jours, et même des derniers mois, il faut s'extraire de la lourde réalité pour vibrer, exister… et découvrir la cinquantaine d'artistes venus directement de l'île. A l'exception d'Ilan Ilan, trio acoustique (chant, guitare, percussions) basé en France, tous les musiciens du festival Ayiti Chéri qui se tient à Paris du 1er au 3 juin 2004, arrivent directement de Port-au-Prince. Certains (Boukman, Azor, Orchestre Septentrional) ont fait escale à Angoulême au Festival Musiques Métisses le week end dernier, avant de venir enflammer le Cabaret Sauvage, avec, respectivement, leur cocktail de musique rasine et de rock pour Boukman, un héritage rasine pure de tambourineurs pour Azor et le creuset légendaire de la musique compa pour "Septen", l'Orchestre Septentrional.

Le climat politique particulièrement tendu pendant les célébrations du bicentenaire de l'indépendance a empêché la tenue des nombreux concerts prévus sur place, le carnaval a largement été perturbé, mais malgré tout, les chansons et autres merengue s'écrivent et s'enregistrent toujours. Cette année Boukman Eksperyans a manqué à l'appel du Carnaval après le départ forcé du leader Lolo Beaubrun Jr. Menacé physiquement suite aux manifestations estudiantines auxquelles il avait largement participé malgré le danger. "J'étais obligé d'être là pour un changement raconte Lolo en caressant sa barbe aujourd'hui grisonnante, je ne veux pas faire de politique, mais si je ne la fait pas, elle va me faire !"

Après plus de 25 ans d'activisme musical, le chanteur principal de Boukman a été l'un des animateurs des musiques festives et manifestives qui ont réclamé le départ de Jean-Bertrand Aristide cet hiver. Pourtant Boukman avait soutenu musicalement Titide à son arrivée au pouvoir après le départ des Duvalier. "Ce n'est pas les gouvernements et l'état pépère qui ont soutenu notre culture et l'Art. C'est le vaudou et quelques centres culturels indépendants. La musique échappe au système car elle est connectée à notre culture. Les chambardements politiques et économiques n'empêcheront pas l'artiste de s'exprimer en Haïti. L'art pétille ! Parfois, on se demande où les artistes trouvent l'argent pour enregistrer une session de studio qui coûte aux environ de 200 euros ! C'est en ce sens qu'Haïti vit de la réalité, mais aussi de culture, et grâce à nos communautés lacous, nos combits et nos organisations traditionnelles."

Et sur la scène du Cabaret Sauvage, les Boukman ont prouvé que cette vitalité à tout prix a de quoi séduire tous les publics, pas forcément habitués des cérémonies vaudoues. Même les responsables de la sécurité ont dû se mettre dans l'ambiance… Une Haïtienne "venue spécialement de Bruxelles" pour voir les Boukman menace d'ailleurs le cerbère en rigolant "ah, si tu ne me laisse pas rentrer pour cette cérémonie, tu verras le vaudou demain !"
Mais comment cette force peut-elle se transmettre sur une scène d'Angoulême ou de Paris ? "Il arrive parfois que nous les musiciens ou quelqu'un du public tombe vraiment en transe car cette musique nous permet d'entrer en nous-mêmes. C'est très important. Peu importe où ça se passe. Je ne sais pas combien de temps je vais passer sur terre, alors lorsque je fais un concert, je donne tout comme si c'était le dernier" raconte Lolo.

Et quelques artistes "parisiens", tels que James Germain ou Jacob Desvarieux, sont venus témoigner cette ferveur qui a aussi touchée notre raggamuffinman franco-espagnol préféré, puisque Sergent Garcia a accepter de parrainer cette soirée : "Je n'ai pas hésité, car Haïti c'est la Caraïbe, une île riche en culture, musique, rythmes et pétrie d'africanité comme Cuba ou la Jamaïque que je connais. Je dis souvent l'Afrique, la Caraïbe et l'Amérique du Sud donnent beaucoup, à un moment donner il fait aussi leur donner." Et pour la cause le Sergent s'est greffé sur la mixture reggae-ragga de l'excellent jazz (orchestre) des Brothers Posse, immenses stars en Haïti. "On pensait être les meilleurs toasters de la Caraïbe, mais le Sergent nous avons vraiment surpris, il est excellent" souffle le chanteur Vipère Du Millénaire, qui a grandit à Clichy-sous-Bois et est revenu vivre dans le quartier de la route des frères à Pétionville où s'est formé le groupe il y a 10 ans. "J'ai écouté les disques de tous les groupes du festival et j'ai découvert le travail de Brothers Posse qui correspondait au mien : un mélange de musiques traditionnelles et de reggae. J'étais sûr que ça fonctionnerait bien entre nous ! " s'enthousiasme El Sergente.

Du coup, il a définitivement décidé de mettre le cap sur l'île prochainement "avec maintenant un bon carnet d'adresses en poche !" Après Bernard Lavilliers, l'île accueillera donc peut–être bientôt un autre voyageur-chanteur… En attendant le voyage musical en Haïti vous attend au Cabaret sauvage avec une palette de toutes les richesses de l'île : la Musique rasine et les tambours d'Azor, le Compa originel de l'Orchestre Septentrional, la musique Twoubadours de Ti Coca ou le reggae-ragge des Brothers Posse. Mèsy en pile. Tout Moune conten.