26e PRINTEMPS DE BOURGES
Bourges, le 9 avril 2002 - Le 26e Printemps de Bourges commence cet après-midi au Palais d’Auron avec un concert qui verra se succéder Les Enfants des Autres, Tarmac et Miossec. Ce sera le coup d’envoi de six jours de musique, dont le programme est formidablement appétissant, bien que le festival se soit imposé une franche mise au régime. RFI Musique se fera l'écho de l'actualité festivalière.
Beauté et cure d'amaigrissement
Bourges, le 9 avril 2002 - Le 26e Printemps de Bourges commence cet après-midi au Palais d’Auron avec un concert qui verra se succéder Les Enfants des Autres, Tarmac et Miossec. Ce sera le coup d’envoi de six jours de musique, dont le programme est formidablement appétissant, bien que le festival se soit imposé une franche mise au régime. RFI Musique se fera l'écho de l'actualité festivalière.
Bourges renoue avec l’agitation et les plaisirs du Printemps, à l'occasion de la 26e édition du festival. Pour six jours, rock aux terrasses des cafés, campings bondés, merguez dans les rues de la ville et une stimulante programmation dans les six salles et sous le vaste chapiteau du Printemps. Mais, si on pose côte à côte le programme 2001 et le programme 2002, le constat saute aux yeux : le Printemps s’allège. En effet, l’édition de cette année propose quarante concerts contre une soixantaine l’année dernière.
Daniel Colling, directeur du festival, affirme vouloir surtout lutter contre "l’auto-concurrence" qui se fait traditionnellement entre des concerts programmés aux mêmes heures. Mais il semble que la raison de cette cure d’amaigrissement soit plutôt financière. Après la quasi-faillite de 1998, lorsque le public rock avait été au rendez-vous mais que les grandes stars des variétés françaises n’avaient pas fait le plein dans le grand chapiteau, un drastique plan de redressement financier a été mis en place avec l’Etat et les collectivités locales. Et 2002 est la dernière échéance pour le Printemps, qui doit finir de rembourser ses dettes pour repartir d’un meilleur pied. Or la conjoncture n’est pas très favorable : les sponsors privés, déjà frileux en général depuis quelques années, sont carrément tétanisés depuis le 11 septembre ; le public rock est plus que jamais atomisé en chapelles, tribus et clans dont la perméabilité est difficilement décryptable ; les charges des festivals continuent d’augmenter, notamment en raison de l’application de la législation sur la réduction du temps de travail ; enfin, tout le secteur des musiques populaires est cette année d’une grande prudence (les Francofolies de La Rochelle vont aussi supprimer au moins une de leurs salles pour leur édition de cet été)… Prudence étant mère de sûreté, le Printemps préfère réduire la voilure devant les menaces de gros temps.
Ainsi, peu de curiosités, de groupes inédits ou de recherches arty dans la programmation de cette année, qui reste pourtant d’une qualité enthousiasmante. Pour leur troisième année à la direction artistique du festival, Manu Baron et Christophe « Doudou » Davy sont parvenus à accomplir un exercice à l’énoncé ambigu : faire le compte des plus stimulantes tendances de l’année sans perdre de vue les indicateurs financiers. Ainsi, quelques grands moments maintenant traditionnels du Printemps sont respectés : l’ouverture par une vedette rassembleuse (ce seront les Cranberries sous l’immense toile de l’Igloo), la soirée reggae (Tiken Jah Fakoly et Steel Pulse, notamment), le gros événement rap (Kery James, Saïan Supa Crew, Les Sages Poètes de la Rue à l’Igloo), la soirée du rock extrême (avec Mass Hysteria, Pleymo et X Syndicate à l’Igloo), la confrontation entre musique classique et électronique à la cathédrale (le Quatuor Mosaïques face à Irmin Schmidt & Kumo)…
Suivent en rangs serrés les grands noms d’aujourd’hui : Jean-Louis Murat, Christophe, Miossec, Tarmac, Brigitte Fontaine, Yann Tiersen avec l’ensemble orchestral Synaxis, Roudoudou, Bénabar, DJ Mehdi, La Ruda Salska, Sinclair, du côté français ; Garbage, Lambchop, Jon Spencer Blues Explosion, Belle & Sebastian, The Dirtbombs, Chocolate Genius, Detroit Grand Pubas chez les Anglo-Saxons… La balance entre les nationalités penche encore plus du côté français avec une série d’annulations : Bumcello remplace Cornershop, Dionysos prend la place de Dog, Gotan Project remplace les Tindersticks… C’est du côté des musiques du monde que les choix sont les plus minces avec seulement Gigi, Rokia Traoré et Susheela Raman.
Comme d’habitude, le Printemps de Bourges programme ses fameuses Découvertes, qui ont révélé dans le passé Faudel, Les Têtes Raides ou Juliette. Au total, trente-deux groupes et artistes qui comptent bien se faire remarquer et vont se présenter par domaine : électro mercredi soir, hip hop et reggae jeudi, rock vendredi, chanson et world samedi. La programmation électronique a été allégée et concentrée sur des audio-brunches à 14 heures, qui confronteront chaque jour un « ancien » et un « moderne » de l’électro. Ainsi, vendredi, Jean-Michel Jarre se trouvera pour la première fois depuis des décennies devant quelques centaines de spectateurs à peine, face au jeune Soul Designer.
Et, dernière innovation, les concerts de dimanche prochain seront gratuits . Des batucadas sillonneront la ville en début d’après-midi pour amener le public à l’Igloo, où se produiront quelques-uns des plus festifs groupes français : Un Air Deux Familles (les Ogres de Barback et les Hurlements d’Léo ensemble), Ceux qui marchent debout, les Fils de Teuhpu, Le Grand Orchestre du bal, La Compagnie du 26 Pinel… Et l’Orchestre de Tours-Région Centre jouera gratuitement au Palais d’Auron.
Une programmation sans grand risque, qui devrait permettre sans grande difficulté d’atteindre le point d’équilibre financier, établi pour cette édition à 47.000 spectateurs payants, ce qui représente à peu près la moitié de la fréquentation du Printemps au temps de sa fragile toute-puissance de la fin des années 90. Mais le choix est clair, le festival s’adressant à un public jeune et populaire, quelque part à mi-chemin des grand-messes d’été comme le festival des Vieilles Charrues et du chic incontestable du festival des Inrockuptibles.
Bertrand DICALE