Panorama 2006 du rock

Ni cru classé, ni annus horribilis, 2006 aura été l’année de tous les retours. Des Wampas jusqu’à Johnny Hallyday, en passant par Charlotte Gainsbourg, portrait, sous forme d’abécédaire, de douze mois de rock’n’roll made in France. 

L’année des réinventions

Ni cru classé, ni annus horribilis, 2006 aura été l’année de tous les retours. Des Wampas jusqu’à Johnny Hallyday, en passant par Charlotte Gainsbourg, portrait, sous forme d’abécédaire, de douze mois de rock’n’roll made in France. 

A comme Adolescent. Ces dernières années, le rock pour "quinze ans et moins" avait réussi à se faire une place au soleil dans l’industrie du disque ; Kyo et la vague néo-métal lui assurant une certaine rentabilité. Avec la séparation momentanée (?) de ces derniers, et le déclin du néo-métal, le soufflet du rock français taillé pour les ados semblait être retombé. C’était sans compter sur  Katerine Gierak  alias Mademoiselle K. La Parisienne, si elle ne révolutionne pas le genre, est en effet parvenue à le réinventer. Rythmique à la Franz Ferdinand, voix éraillée sur textes pas mièvres, Ça me vexe, son premier album est une des bonnes surprises de la rentrée. En 2006, le rock pour ado est enfin devenu écoutable pour les "quinze ans et plus"

B comme Bêtes de scène. Avec leurs albums respectifs (Alice et June, A plus tard crocodile,  Monsters in love), ils étaient déjà les grosses têtes d’affiches de l’automne 2005. Chacun à leurs manières, Indochine, Louise Attaque, et Dionysos ont marqué de leurs empreintes l'année 2006. Amené par un Nicolas Sirkis survolté, Indochine confirme son retour en grâce. C’est une formidable machine de "rock en noir" qui parvient à fédérer de 7 à 45 ans avec son glorieux passé (L’aventurier, Trois nuits par semaine…) comme avec son présent (Ladyboy…), une véritable gageure. Jouant sur le registre "on enchaîne et on communique le moins possible" : Louise Attaque. Véritable usine à tube, le groupe s’est organisé son propre festival (Les Nuits Parisiennes) à Bercy, et a prouvé par la même occasion, qu’il est devenu un incontournable du rock français. Mais la mention spéciale revient à Dionysos. Déjà connu pour ses prestations scéniques à la folie salutaire, le groupe n’a cessé, soir après soir, de faire chavirer les publics. De véritables monstres de scène, à (re)découvrir en DVD live début 2007.

C comme Chanson-rock. C’est une marque de fabrique. Autant les Anglais sont reconnus pour leur savoir faire rock, autant les Français, ont une tradition chanson rock. En 2006, plus que jamais...Témoin la dernière tournée de Têtes Raides. Les papas de la chanson néo-réaliste –"et pourquoi pas les grands oncles", se plaisent-ils aussi à ironiser– ont confirmé, avec la tournée Fragile, l’orientation de leur dernier album : toutes guitares en avant. Même constat chez Debout sur le Zinc, et son côté sombre : Les Hurlements d’Léo. Les deux formations, respectivement auteures cette année des albums Les Promesses et de Temps Suspendu, repoussent aussi les limites de la chanson pour donner dans le rock-chanson à la française. Très loin des canons du très anglophile Rock’n’Folk, l’ancêtre des magazines rock français qui fête cette année ses 40 ans.

G comme Gainsbourg, père et fille. On peut difficilement le nier. Serge Gainsbourg est la référence du rock français. Avec ses arrangements de cordes hallucinants (Melody Nelson) et son art du sample mélodique (les albums Initials B.B, L’homme à la tête de choux), il a inspiré jusqu'aux Anglais. En mars, pour les quinze ans de sa mort, Gainsbourg, qui n’a jamais fait qu’un seul tube sur les terres du rock de son vivant, Je t’aime…moi non plus, s’est offert un petit bonheur posthume : Mr. Gainsbourg revisited. Un album revival où des musiciens anglo-saxons (l’immense Marianne Faithfull, Cat Power, Franz Ferdinand, Placebo, etc.) s’approprient dans la langue de Shakespeare, son répertoire. Cinq mois plus tard, c’était à sa fille Charlotte de revenir à la chanson, après vingt ans de silence discographique. Plus pop que vraiment rock, 5 : 55 (five fifty five) est un véritable album à la Gainsbourg. Sur ce CD de onze titre, composé par le duo électro Air et écrit en bonne partie par l’ex-leader de Pulp, Jarvis Cocker, tout rappelle en effet le Gainsbourg de la fin des années soixante. Du refrain de The song that we sing (le premier single), Patrick Eudeline écrira que c’est "un sample". Ce n’est pas tout à fait faux. L’album cartonnera quand même en Europe.

K comme Katerine. Philippe Katerine est ce que l’on appelle un cas. Confiné pendant quinze ans dans l’univers de la chanson pour élite élitiste, il devient à la faveur d’une tournée des festivals, furieusement rock en compagnie des ex-Little Rabbit, le chanteur en vogue. Mieux, après avoir été nommé dans la catégorie révélation scène des Victoires de la Musique (sic), et juste avant d’être nominé pour le Prix Constantin récompensant le meilleur artiste en devenir,  il est consacré star des 18e Francofolies de Montréal, qui se sont  déroulé du 8 au 18 juin. Tout ça en se réinventant façon rock.

P comme Punk. Le punk, ce style né en 1976 en Angleterre a trente ans. Juste l’âge (re)devenir une institution en France, grâce aux Wampas. Vieux briscard de la scène punk française, le groupe de Didier Wampas est définitivement rentré dans le club fermé des grands du rock français avec Rock’n’Roll part 9, sorti au printemps. Il a, en plus de cela, entamé une tournée explosive, ou le sieur Didier déchaîne adolescents comme quadras au son de "Didier Wampas est le roi".

V comme Vieux. "Hope I die  before I get old". Soit : "j’espère mourir avant d’être vieux". Telle était en 1965 la devise des Who. A l’instar des Rolling Stones (dont le Bigger Bang Tour fut un évènement planétaire), le groupe tourne toujours. Comme de l’autre côté de la Manche, les patriarches du rock français d’ailleurs.  Des papys qui ne se portent pas trop mal. Eddy Mitchell s’est payé une entrevue en studio avec le monstre sacré Little Richard, pour Jambalaya, son dernier album ; Dick Rivers a eu sa fête aux Francofolies de La Rochelle et a collaboré avec les nouvelles étoiles du pop rock français (M, Mickey 3D) pour son album éponyme ; Johnny Hallyday a revisité son répertoire lors d’un Flash-back tour aux allures de Marathon. A part ça, on allait oublier les retours de Trust, de l’alternatif Bérurier Noir, la tournée triomphale de Jean-Louis Aubert, la conversion au rock de Charlélie Couture, avec l’album New YorCoeur, et un Yann Tiersen on tour  très guitare-basse-batterie. Comme le chantait Neil Young : "My my, hey  hey, rock’n’roll is here to stay". 2006, avec ses retours en rock semble en être le témoin.