Florent Marchet
Les médias français sont enthousiastes. Ils sont tombés juste. Florent Marchet, jeune auteur compositeur, force le respect de ses pairs avec un somptueux premier album Gargilesse.
Un enfant de la musique et du Berry
Les médias français sont enthousiastes. Ils sont tombés juste. Florent Marchet, jeune auteur compositeur, force le respect de ses pairs avec un somptueux premier album Gargilesse.
Florent Marchet, nouveau venu de la «nouvelle» chanson française, impressionne par son écriture et son sens de l’arrangement. Il a déjà exercé ses talents sur le dernier album de Sylvie Vartan et composé la musique de la pièce Angela et Marina de Nancy Huston. Après avoir été nommé lauréat 2003 de la compilation CQFD (Ceux Qu’ils Faut Découvrir) de l'hebdomadaire des Inrockuptibles, tout s’enchaîne très vite. Ce prix, il s’en rend compte, "a considérablement accéléré les choses. C’est important pour un producteur de sentir qu’il y a le soutien d’un médiateur important".
Le passage en studio à Bruxelles fut plus ardu. Florent est de cette génération de musiciens "home studio", peu familiers des enregistrements en studio professionnel. "J’avais une idée assez précise de ce que je voulais. Ça s’est révélé une véritable catastrophe". Retour à son Berry natal et poursuite artisanale de l’enregistrement "chez la grand-mère de l’un, les parents d’un autre". L’album enfin prêt porte le nom du village qui l’a vu naître. Gargilesse, un nom poétique et l’hommage affectueux d’un enfant de la musique et du Berry.
Cette campagne berrichonne, il avoue la fantasmer comme l’image d’Epinal de son enfance. Le Berry qui a vu naître Florent Marchet est celui de la parenthèse enchantée des seventies. Ses parents, hippies, tiennent une salle de concert et l’élèvent selon des préceptes très libertaires mais pas "post-soixante-huitards", précise-t-il en souriant. A 10 ans, il est déjà certain que son destin sera de gammes et d’accords. Une certitude en adéquation avec le sérail familial, moins avec l’esprit d’un village de campagne. "Enfant, je jouais au maçon ou au paysan, jamais au chanteur". Dans le Berry, musicien, ce n’est pas un métier sérieux, pas même un métier qui fait rêver. Le travail doit être pénible pour être valorisant. "J’ai toujours gardé cela à l’esprit. Je me fais énormément plaisir en faisant de la musique, mais ça reste avant tout une charge à accomplir, j’aime l’idée de charge".
Un prodige du piano
Ses débuts se feront en 1996 : il monte un groupe de musique irlandaise, alterne piano-bars et tavernes, se fait rémunérer en Guiness. Prodige du piano, il préfère quitter "l’esprit conservatoire" pour aller composer sur les cordes d’une guitare. Puis il apprend la basse, l’accordéon, monte à Paris et commence à travailler et composer pour d’autres (Frédéric Lo, Erik Arnaud…).
Entre le RMI et les petits boulots, il hésite souvent à retourner dans le giron de la rassurante campagne berrichonne. Mais il persiste et s’enferme dans son appartement de Montreuil en banlieue pour composer enfin la musique qui lui ressemble. Avec la réussite que l’on sait. Une reconnaissance méritée pour ce travailleur acharné, doué et sympathique. L’intéressé, lui ne songe qu’à repartir dans son Berry natal. Cette campagne adorée qu’il pense avoir trahi mais qui résonne de sa force tranquille dans chaque note.
L’album entier porte l’empreinte de cette terre berrichonne. De là vient sûrement cette justesse qui touche, où chacun peut se retrouver. Un air de déjà-vu de nos propres histoires… juste mieux racontées. "J’ai pour habitude d’employer énormément la première personne. Cela me permet d’assumer complètement mes personnages". Et nous de s’identifier. A ces récits de rencontres, de retrouvailles tragi-comiques (Levallois) ou de rendez-vous avorté (Avez-vous déjà songé à vous rhabiller?). Entre Murat et Souchon, il se réclame également de Dominique A ou de Miossec (présent sur le titre Je m’en tire pas mal).
Il a surtout l’intelligence de ne pas se servir de la musique comme prétexte à l’écriture. Il sert des mélodies accrocheuseset soigne les arrangements : flûte traversière, piano électrique, cors, guitares énervées et orgues frissonnantes… Hilarant, féroce. L’écriture est elle aussi parfaitement maîtrisée avec cette note d’autodérision, parfois de pudeur, qui rend l’ensemble crédible. En effet, Florent s’aventure mais ne s’enlise pas dans des terrains peu plébiscités par la chanson. Le drame des tournantes (Le terrain de sport), ou celui de l’anorexie (Fantôme). Avec toujours cette justesse qui illumine l’écriture de l’album. Florent Marchet ou l’art de survoler le grave, le léger et le drôle sans fausses notes.
Camille Waldschmidt
Florent Marchet Gargilesse (Barclay) 2004
