Senge, la fierté toujours
Quatre ans après un premier album qui leur permit d'obtenir le Prix RFI Musiques du Monde, le groupe Senge revient sur le devant de la scène. Il aura fallu deux années de deuil à Jean Ramanambitan et Yvon Rakotonanahary, suite au décès du leader Sengemanana en 2000, pour repartir sur les routes et présenter ce nouvel opus, Fatedra (Frères de sang). En quartet cette fois-ci.
Les riches polyphonies du sud malgache
Quatre ans après un premier album qui leur permit d'obtenir le Prix RFI Musiques du Monde, le groupe Senge revient sur le devant de la scène. Il aura fallu deux années de deuil à Jean Ramanambitan et Yvon Rakotonanahary, suite au décès du leader Sengemanana en 2000, pour repartir sur les routes et présenter ce nouvel opus, Fatedra (Frères de sang). En quartet cette fois-ci.
Fermez les yeux. Ecoutez ce chant profond qui envahit l’espace, qui pénètre l'esprit. A travers ces notes a cappella qui résonnent, vous êtes à la fois dans le Grand Sud aride, dans la plaine immense de la région sakalava et dans le pays Betsileo si mystérieux. Vous êtes à Madagascar. Senge, en malgache, signifie «fierté». Et ce groupe Senge, justement, nous fait partager la fierté de la Grande Ile.
Le premier album de ce groupe avait connu la consécration avec le Prix RFI Musiques du monde en 1999. Senge sur orbite, Senge en concert à Madagascar et dans le monde. Mais voilà, un chanteur vous manque et tout semble dépeuplé. Fin 2000, le leader Sengemanana s’éteint brutalement. Les deux autres membres du groupe, Jean Ramanambitana et Yvon Rakotonanahary, sont comme orphelins. Ils porteront le deuil pendant deux ans. «A présent, on sent que la période de deuil est terminée», avoue Jean, qui s’est imposé comme l’aîné après le décès de «(son) frère Sengemanana». Avec son bâton de pèlerin, il a sillonné la Grande Ile pour trouver un «remplaçant» à Sengemanana. Il a écouté des dizaines de chorales d’université ou d’églises, du nord au sud. Et son choix s’est porté sur Calvin Fefisoa. «Il a une voix plutôt grave, dit-il de Calvin, un voix grave mais claire, avec le même timbre que Sengemanana».
C’est la naissance d’un nouveau groupe, qui conserve l’âme de ce qu’a toujours été le groupe Senge. Jean préfère le terme «continuité» à celui de «nouveauté». Toujours le mélange des styles musicaux malgaches, le «beko» antandroy, le «rija» betsileo, l’«antsa» sakalava. Senge chante à nouveau Madagascar, la fierté malgache. Avec un plus musical, apporté par Johnny Andriamanahirana, dans le rôle de l’homme-orchestre aux instruments traditionnels. Cette nouvelle orientation du groupe n’a peut être pas recueilli l’assentiment immédiat de leur producteur, mais elle n’en reste pas moins un tournant plutôt bien négocié par Senge.
La route mouvementée du groupe passe naturellement aujourd’hui par un nouvel album. 12 titres, dont 6 a cappella, dans la plus pure tradition de Senge. Et 6 titres avec un accompagnement musical. Tout en langue malgache. Plusieurs mois de gestation, l’enregistrement en France en juin 2002. «Dans cet album, explique Jean, on parle de la vie quotidienne de la population, de ses préoccupations. On invoque souvent la sagesse des Ancêtres. On essaye de mettre en avant ce qui est positif, pour que chacun avance, dans sa vie». Et puis, cette question que la crise malgache de 2002 a mis en avant: l’unité nationale, une réalité menacée durant les événements politiques qui ont agité la Grande Ile l’an dernier. «Les problèmes ethniques, tribaux, il faut les dépasser, martèle Jean. Nous prêchons l’unité nationale à travers la diversité et la richesse des populations.»
L’album s’intitule Fatedra. En malgache, cela pourrait se traduire par «frères de sang». Unir ses forces, s’enrichir mutuellement de la vitalité de l’autre, établir un lien presque sacré. C’est un message pour les Malgaches. Ce message qui lui tient à cœur, Jean l’a fait passer avec émotion et parfois maladresse lors du concert du groupe, le 7 février dernier, au Centre culturel Albert Camus à Antananarivo. Mais cela n’a rien enlevé au plaisir des retrouvailles. Une salle comble, un public enthousiaste, une mise en scène soignée, une acoustique quasiment irréprochable. Cela faisait presque 3 ans que le groupe ne s’était plus produit seul sur une scène malgache. Aussi, ce retour a été unanimement apprécié par la presse et les spectateurs. Qui en redemande. «J’aimerai vraiment qu’on puisse organiser une tournée dans tout le pays», confie Jean. Peut être un projet pour 2004, peut être en lien avec le réseau des Alliances françaises. Les mois qui viennent seront chargés pour le groupe. D’abord la sortie du nouvel album en France (produit par Cobalt, disponible dans quelques mois à Madagascar), la promotion de l’album, des concerts en France, en Espagne, en Allemagne, en Norvège…
Fatedra, «frères de sang», c’est aussi sans doute emblématique pour le groupe qui semble revivre aujourd’hui. Le trio vocal a retrouvé la chaleur et la profondeur qui ont fait le succès de Senge. Disons même que le quatuor (si l’on compte l’apport réussi de l’accompagnement musical) peut nourrir de solides ambitions internationales. Et preuve que Senge avance sur sa route: le groupe réfléchit déjà à un 3ème album.
Senge : Nouvel album Fatedra ( Cobalt-Mélodie 09357-2)