Spleen ou le complexe de Peter Pan
Trait de caractère fort partagé dans un monde "adulescent" où les faillites se rachètent mieux qu´au Monopoly, le complexe de Peter Pan s´illustre par un refus de grandir, de devenir adulte. C´est ce retour vers l´enfance et ses air(e)s de jeu, que revendique le décomplexé Spleen au fil des plages de Comme un Enfant, son deuxième opus.
Comme un enfant, deuxième album
Trait de caractère fort partagé dans un monde "adulescent" où les faillites se rachètent mieux qu´au Monopoly, le complexe de Peter Pan s´illustre par un refus de grandir, de devenir adulte. C´est ce retour vers l´enfance et ses air(e)s de jeu, que revendique le décomplexé Spleen au fil des plages de Comme un Enfant, son deuxième opus.
Spleen n´a rien d´un enfant, à commencer par ses mensurations. Massif, il impose une présence qui, au-delà de son allure, de sa carrure d´ancien handballeur, rassure. Aujourd´hui en âge d´être grand frère, c´est désormais loin des stades que ce fils d´immigré camerounais, élevé en Seine St-Denis, avance posé, apaisé dans ce métier qu´il s´est finalement choisi, dans cet art-industrie en pleine mutation qui ne sait pas de quoi demain sera fait.
Le futur de Spleen, lui, ne se lit pas dans une boule de cristal, car ses lendemains se conjuguent au passé. "C´est en vagabondant au cœur de mon enfance, en renouant avec quelques moments forts de mes jeunes années, quelques sensations intenses que j´ai trouvé la matière de ses treize titres et l´envie de les partager avec mon public, mes amis, ma famille artistique" commente t'il.
Spleen est ainsi ! Sa vie est ainsi ! Comme protégée par une petite fée qui veillerait 24/24 sur ce "tendre en gueule" ou connectée à ces hasards qui font si bien les choses, son existence est truffée de chocs salutaires : le film Cyrano de Bergerac de Jean-Paul Rappeneau qui très tôt lui ouvre les yeux sur la force de l´écriture et de la poésie ou le concert de James Brown à Paris sous la pluie quand il avait 10 ans. Ce jeune du 93 découvre alors à une époque où le racisme ambiant entachait jusqu´au regard qu´il pouvait poser sur lui-même, un personnage excessif, fou, sexy, intelligent doté d´une forte personnalité et d´une autorité sur son entourage.
Quelques heureuses rencontres lui offrent le loisir de grandir, de s´affirmer et de s´imposer. Parmi elles, citons Aline et Max de Radio Nova qui avant même qu´il ait décroché une signature, jouent et rejouent à l´antenne ses maquettes. Le duo américain Cocorosie avec qui il tourne pendant plus de deux ans au Brésil aux Etats-Unis, en Europe, à Istanbul ou en Islande, l´île de Björk qu´il côtoiera alors ou plus tard encore, le producteur Marc Lumbroso qui le convainc de chanter en français, de s´enraciner dans cette langue qui est aussi la sienne.
Une écriture rare, simple et précise
A l´heure de la sortie de son deuxième album, Comme un enfant, Spleen se doit de donner à son tour, de partager. Consolidé comme dirait le toubib de la sécu au sujet d´un accidenté du travail prêt à reprendre le turbin, Spleen retrouve notre monde, le torse droit et les épaules hautes. Son écriture rare, simple et précise soigne autant le fond que la forme, n´abandonnant jamais le terrain des idées à quelques volubiles verbiages, à quelques effets de style ou de mode.
Praticien plus qu´idéologue du verbe, bricolo des mots, il agite ses souvenirs les expose à la réalité pour qu´ils mûrissent et donnent des fruits gorgés d´émotions du quotidien, des fruits aux parfums explicites, aux senteurs qui évoquent la vie, la racontent. "Bien sûr, musicalement, il aurait été facile de repartir sur un nouveau projet rythmique dans un environnement hip hop décalé, mais j´ai préféré fouiller le terrain de la chanson, combiner l´oralité de ma culture africaine et le côté plus classique de mon identité sociale" commente ce musicien autodidacte. Sous un format presque banal, couplet/refrain, Spleen soigne quelques particularités qui font la différence.
"Je suis d´ailleurs !"
La musique suffira-t-elle à étancher son désir de dire des choses. Probablement pas, d´autant que Spleen à la façon d´un Peter Pan ou d´un héraut du P-funk (George Clinton...) rejette cette filiation hasardeuse avec ce monde qui l´a enfanté et vu grandir. Il revendique une sorte d´extraterritorialité. "Je suis d´ailleurs !" clame-t-il du haut de son quart de siècle. "J´ai du mal à me cantonner à une seule discipline artistique. J´aimerai réaliser un long-métrage avec des gens que j´aime, des proches" confie ce musicien attendu au festival de Cannes en mai de l´année prochaine avec un premier court. "Le cinéma résume tous les arts ou presque. Il y a le dessin, la peinture, la photo, la mise en scène, la direction d´acteurs, la musique, et même la danse" analyse cet auteur-compositeur et interprète et concepteur – "avec ma copine" précise-t-il - de la pochette de Comme un enfant.
Touche à tout aux talents affirmés, il aurait adoré se glisser dans la peau de Léonard de Vinci. "S'il vivait aujourd´hui, Leonard de Vinci serait peut-être une sorte de Zidane inventif, un joueur doté d´une intelligence de jeu et d´une technique hors pair. Ce sont des artistes comme James Brown, Stevie Wonder, Michael Jackson qui en inventant leur univers, m´ont donné envie de tracer ma route. Il faut dépasser les limites, transcender son œuvre ! Michael Jackson a par exemple, un réel savoir-faire en la matière. Il s´est inventé un personnage, un rêve qui va bien au-delà de sa musique." Comme un enfant dans un monde d´enfants...
Ecoutez un extrait de
Spleen Comme un enfant. (Remark Records/Mercury/Universal) 2008
En concert à la Maroquinerie à Paris le 28 octobre puis en tournée en France