Rinôçérôse
Révélé à l’époque de la French Touch avec le titre house Le Mobilier, les Montpelliérains de Rinôçérôse livrent Schizophonia, un troisième album surprenant, très sombre. Finie l'électro ludique et sautillante, le groupe met en avant les guitares, avec pour la première fois, un chanteur convié sur chaque titre. Revue de détail.
Schizophonia
Révélé à l’époque de la French Touch avec le titre house Le Mobilier, les Montpelliérains de Rinôçérôse livrent Schizophonia, un troisième album surprenant, très sombre. Finie l'électro ludique et sautillante, le groupe met en avant les guitares, avec pour la première fois, un chanteur convié sur chaque titre. Revue de détail.
Chaque nouvel album de Rinôçérôse s’ouvre comme une pochette surprise. En 1999, Installation sonore offrait une house dansante emprunte de pop joyeuse. Trois ans plus tard, le pied techno était à l’honneur avec Music Kills Me. C’est maintenant au tour de la guitare de s’imposer sur Schizophonia. Une suite logique pour Patricia Carrié et Jean-Philippe Freu, les deux membres fondateurs du groupe : "On a toujours beaucoup utilisé les guitares, même sur Installation Sonore mais on était plus dans la recherche d’une imitation de sons de synthétiseurs. Alors que maintenant, on s’inspire directement de rythmiques de groupes à guitares avec des clins d’oeil très directs aux Who, AC-DC ou les Cramps."
Une inspiration que les mauvaises langues pourraient taxer d’opportunisme, Jean-Philippe s’en défend : "On est un peu des éponges, on écoute de tout. Le retour du rock ces dernières années nous a forcément marqués sauf qu’on n’a pas du tout la même approche que les groupes anglo-saxons de 18-20 ans puisque nous, on connaissait déjà ces références et qu’on est passé par l’électronique. Donc, il était hors de question de faire un groupe guitare-basse-batterie. On peut entendre des vestiges d’électro sur tous les nouveaux morceaux."
En direct des années 80
Avec Schizophonia, on baigne en plein dans la froideur des années 80. Fans de new-wave et autres musiques de cave vous allez être ravis ! Jean-Philippe en appelle à notre coeur de footballeur : "J’ai lu un reportage sur un gars qui disait que ça avait quand même plus de gueule d’être fan de l’équipe de France au début des années 1990, qu’une fois championne du monde et d’Europe. Pour notre part, c’était plus héroïque de faire de reprises de Cure en 1996, à l’époque où la French Touch ne regardait que vers la disco. Fort de ce passé, nous avons toute légitimité aujourd’hui, ce n’est pas une histoire de tendance."
Un virage rock renforcé par la présence d’un chanteur sur chaque titre, une nouveauté pour Rinôçérôse qui évoluait jusqu’alors dans un registre uniquement instrumental. Mais le groupe n’a pas pour autant modifié sa manière de composer. Chaque morceau a d’abord été élaboré en studio, sur des machines. Ce n’est qu’ensuite que les voix ont été rajoutées. Mark Gardener (ex-Ride), Nuuti Kataja (Dead Combo) ou Jessie Chaton du groupe parisien Fancy se sont pliés à l’exercice de bonne grâce. "On les a choisis en écoutant leurs albums mais sans les connaître, explique Jean-Philippe. On allait les chercher à l’aéroport, à Montpellier, et ils venaient dormir chez nous. C’était quand même une expérience humaine assez intéressante."
"Un bestiaire psychiatrique !"
Malgré la profusion de voix, Schizophonia garde une certaine cohérence. Même si contrairement aux albums précédents, l’ambiance est ici plus sombre. Pas étonnant quand on sait que le thème avoué est la schizophrénie. Un peu un retour aux sources pour le couple qui travaille dans le domaine de la psychologie en parallèle de la musique. Rinôçérôse est d’ailleurs le titre d’un tableau peint par Gaston Duf, un français interné en hôpital psychiatrique à 20 ans au milieu du siècle dernier. Patou s’esclaffe : "C’est quand même plus gai que sur Music Kills me (ndr : précédent album). C’était sur la mort ! On évoquait la disparition des héros du rock comme Brian Jones." Jean-Philippe enchaîne : "En utilisant des chanteurs différents, ça donne un peu un émiettement de la personnalité, symptôme de la schizophrénie. On leur demandait des textes très spontanés. Avec Patou, on en a fait une analyse a posteriori. On a trouvé une sorte de bestiaire psychiatrique. Avec des paranoïaques, quelques psychopathes et un érotomane !"
Après un petit tour sur les festivals d’été, Rinôçérôse s’apprête maintenant a présenté Schizophonia dans toute l’Europe. Le groupe se définit d’ailleurs plus comme une formation internationale que strictement française. "On n’a pas cherché à faire un titre pour entrer dans les quotas. Ce n’est pas grave si on ne passe pas trop sur les radios ici. Nous, on veut continuer à faire des concerts à Buenos Aires, New York, Londres ou Berlin. C’est quand même assez rigolo." Semblant compter sur ses doigts, Patou ajoute : "Je crois qu’en tout, on a joué que deux fois à Montpellier contre cinq fois à New York." Jean-Philippe conclut, rêveur : "J’ai quand même passé une après midi, avec Deborah Harry, la chanteuse de Blondie. Dans sa chambre d’hôtel." Peut-être se reverront-il en 2006 ! La sortie de l’album est prévue en janvier prochain sur le territoire américain, avec une tournée à suivre.
Rinôçérôse Schizophonia (V2) 2005