QUATRE GARÇONS DANS LE VENT

La pop de Kyo.

Succès inattendu de l'année 2003, le groupe Kyo propose avec Le Chemin, un second album plutôt bien ficelé, une pop musclée qui squatte les premières places des meilleures ventes de disques en France, le tout emmené par deux tubes que les ados plébiscitent : Dernière danse et le Chemin. Retour sur ce succès.

Rares sont ceux qui sont passés à côté de ce refrain entêtant, de cette pop suave agrémentée d'une voix d'ado acidulée, "Je veux juste une dernière danse/Avant l'ombre et l'indifférence/Un vertige puis le silence/Je veux juste une dernière danse". Rares sont ceux qui sont passés à côté de Kyo cet été. Le phénomène ne date pas de quelques semaines puisque dès l'hiver dernier, le groupe avait déjà balancé sur les ondes, Le chemin, duo de Ben, le chanteur, avec la chanteuse néerlandaise Sita: "On a parcouru le chemin/on a tenu la distance/et je te hais de tout mon corps/mais je t'adore".

Originaires des Mureaux en banlieue parisienne, les membres de ce groupe dépassent à peine les 20 ans : Benoît Poher au chant, les frères Florian et Fabien Dubos respectivement à la guitare et à la batterie, et Nicolas Chassagne à la basse, en charge aussi des programmations. Ils se sont rencontrés sur les banc du collège dès 93. Pearl Jam et Nirvana ont bercé leurs années d'adolescence. Ils ont dès lors commencé à jouer ensemble. Si dans un premier temps, ils ne s'essaient qu'à des reprises, ils commencent à se produire sur de petites scènes. Ces quatre jeunes gens de bonne famille que les parents ont toujours soutenu dans leur activité artistique, sont aussi très imprégnés de l'univers des mangas japonais : leur nom, 'Kyo', vient ainsi du nom d'un héros des mêmes mangas. Plus tard, ils apprendront que cela a aussi pour signification dans la tradition bouddhiste "le son universel".

Dès 96, persuadés que pour réussir dans ce milieu, il leur faut des morceaux originaux, ils se penchent sur l'écriture et la composition. Cela aboutit à la sortie d'un premier disque éponyme en 2000. L'album rencontre peu de succès même s'ils sont amenés à faire des premières parties comme celles de David Hallyday, Pascal Obispo ou Indochine. Leur maison de disques parie sur eux et continue à les soutenir. Kyo tente de tirer les leçons de cet insuccès. C'est chose faite peut-on croire, avec ce deuxième opus, intitulé Le Chemin. Paru en 2002, il fait partie encore aujourd'hui des meilleures ventes d'albums.

Ces quatre garçons dans le vent ont de quoi attirer à eux un public jeune, plutôt féminin. On a pu le constater lors des multiples concerts qu'ils ont donné récemment et notamment lors des quinze dates qu'ils ont fait dans le cadre du Ricard Live Tour (avec à chaque fois, quelques 30.000 personnes présentes) ainsi que dans la tournée des festivals d'été (Festival Bex Rock, Terre Neuvas ou le Paléo Festival de Nyon en Suisse).

Avec leurs piercings et pantalons de skater, Ben et les autres véhiculent une image entre bad boys et jeunes branchés. Mais à l'écoute de leurs titres, leur romantisme pop-rock prend rapidement le dessus. S'alternent ballades et morceaux qui se veulent un peu plus saignants, avec riffs de guitare bien appuyés. Ici ou là, on peut entendre aussi quelques sonorités électro destinées, sans doute, à emballer le tout de façon plus actuelle.

Grâce à une écriture simple qui évoque tour à tour les révoltes ("Ces rêves ne sont pas les tiens/Si tu restes tu vas manquer d'air/Il suffit de tout envoyer en l'air" Tout envoyer en l'air), le désamour et la jalousie ("Et ça fait mal crois-moi, une lame/Enfoncée loin dans mon âme/Regarde en toi même pas l'ombre d'une larme" Je saigne encore), ou encore la solitude (J'n'ai pas trop d'amis, regardez en classe/C'est pas l'extase, j'ai beaucoup d'espace/Je suis seul et personne à qui le dire" Je cours), les maux d'adolescents sont exprimés par la voix juvénile de Ben. "Si nos paroles touchent les gens, c'est sans doute parce que nous parlons de nos propres expériences amoureuses" expliquait le chanteur dans une interview récente (Le Parisien 28/07/2003). Simplissime, bien sûr. Cette proximité avec le public semble leur réussir.

Et si d'aucuns ont vu dans ces quatre jeunes gens une nouvelle incarnation de Téléphone, si au fur et à mesure des interviews, ils répètent leur intérêt pour la musique de groupes anglo-saxons comme Korn ou Deftones, et si leurs prestations scéniques ont sans doute plus d'énergie et de force que leurs chansons, Kyo devra pour tenir le cap, pour perdurer à travers les aléas du business musical, affirmer une identité plus personnelle, plus marquée sous peine de se fondre dans la masse des artistes au succès éphémère.

Kyo Le chemin (Jive/BMG) 2002
Le groupe repart en tournée dès le 7 octobre à Clermont Ferrand et est à la Cigale, à Paris, les 10 et 11 octobre.