Jungle made in France

Dans les années 90, la jungle a régénéré l'électro en y insufflant un vent de reggae, de drum'n'bass et de break beat. Après l'Angleterre, la France a succombé. Mais après des hauts et des bas, la jungle made in France semble se réveiller pour de bon. Pleins phares sur deux nouveautés du genre : La Phaze et Volta & FX909.

Le réveil ?

Dans les années 90, la jungle a régénéré l'électro en y insufflant un vent de reggae, de drum'n'bass et de break beat. Après l'Angleterre, la France a succombé. Mais après des hauts et des bas, la jungle made in France semble se réveiller pour de bon. Pleins phares sur deux nouveautés du genre : La Phaze et Volta & FX909.

Au milieu des années 90, on a cru que la jungle ou la drum'n'bass allait tout emporter sur son passage. Ce mélange de break beat, de sonorités jamaïcaines et de techno apportait un vent frais aux productions électroniques grâce à des artistes tel que Goldie ou 4 Hero en Angleterre. Ce phénomène s’est assez vite imposé à travers Gilb’r, Volta ou le Lutin. Des labels voyaient le jour, les soirées se multipliaient et les DJs se professionnalisaient. Tout était réuni pour que la scène jungle devienne le courant le plus prometteur de l’électro. Malheureusement, la scène hexagonale s’est repliée sur elle-même, singeant les productions anglaises et adoptant une attitude underground assez détestable. Alors qu’au début de la French Touch, des artistes comme les Daft Punk, Alex Gopher ou Bob Sinclar se serraient les coudes et faisait montre de solidarité, hissant la scène au top des ventes, l’état d’esprit des junglists parisiens consistait à se tirer dans les pattes.

Tout n’est pourtant pas pourri au royaume de la jungle française, la preuve deux albums français viennent de sortir et tentent de s’affranchir des codes imposés par l’Angleterre. La Phaze, tout d’abord, groupe nantais qui "ose" chanter en français et Volta & FX 909, auteur d’un Perspectives tout en nuance. Entrevue croisée.

 

Que pensez-vous de la jungle en France en 2003 ?
Damny (La Phaze)
: Des tas de labels se montent, des structures se développent, les soirées se multiplient à Paris et surtout en province, Toulouse, Nantes, Lyon ou Montpellier. Cela dit ce mouvement reste un microcosme en France. Je pense qu’il faut encore éduquer les gens sur cette musique qui n’est pas évidente. Il faut comprendre certains appuis dans sa conception : pourquoi les batteries sont en avant, ainsi que les basses. Mais le public est jeune et ça c’est très positif pour l’avenir du mouvement.
Volta : Ça se passe mieux qu’il y a trois ans car aujourd’hui les Français produisent leurs disques. Ce qui change tout! Auparavant la jungle était cantonnée aux soirées, aux clubs et les DJs mixaient uniquement des disques anglais. Aujourd’hui, nous nous exprimons avec nos propres mots, avec notre feeling. Et puis il y a de plus en plus de filles. Ça s’ouvre.

Existe-t-il une French Touch en jungle, comme il en existe une dans la house ?
La Phaze : Je dirais que oui, ça commence. Les Français s’éloignent du son anglais, car nous avons une culture plus rock, plus techno alors que les Anglais sont nettement plus inspirés par le son black.
Volta : Pas encore. Quand on parle de French Touch on pense à Daft Punk, à Bob Sinclar qui vendent énormément. Nous n’avons pas encore ce genre de locomotives dans le circuit. C’est trop jeune, mais ça ne tient qu’à nous.

Pourquoi la jungle n’a-t-elle pas encore rencontré le grand public en France ?
Volta
: Il y a plusieurs raisons: les médias nous ont laissé tombés après l’explosion de la jungle en 95-96 et ont mis en avant la house française. On s’est donc cantonné dans l’underground, dans de petits clubs, mais la scène s’est développée à son rythme. Je pense qu’avec l’arrivée d’albums français de jungle sur le marché les choses vont changer. Il faut d’une part que les médias reconnaissent enfin notre mouvement, le travail effectué depuis des années et que de notre côté, nous fassions un pas vers le grand public en lui proposant des titres plus accessibles, notamment avec l’apport de chanteurs et de chanteuses.
La Phaze : Il ne faut pas se renfermer sur nous-même, mais avoir une réelle démarche pédagogique. C’est essentiel.

Est-ce que la jungle est plutôt une musique de club ou de concert ?
La Phaze : Les deux, bien sûr. C’est une musique faite pour danser à la base, donc de club, mais d’un autre côté, c’est une musique 10.000 fois plus vivante que les autres musiques électroniques. Voilà pourquoi on voit de plus en plus de groupes de jungle se monter: Interlope, UHT , Sayag Jaz machine et nous évidemment…des groupes qui mélangent instruments acoustiques et machines. 
Volta : C’est vraiment une musique de club. C’est par eux que cette musique s’est développée. Le phénomène live est tout récent, grâce à Roni Size, notamment. Mais au départ ce n’était même pas une musique de clubs, puisque les premières soirées en Angleterre se sont déroulées dans des entrepôts.

La jungle est-elle une musique politique et quel est son avenir en France ?
Volta
: Par son côté multiculturel, oui. Notre côté indépendant aussi: nous créons nos propres réseaux, nous n’attendons pas que des grosses maisons de disques nous appellent pour avancer. L’avenir passe bien sûr par le mélange acoustique et machines. C’est la force des artistes français. C’est ce que j’essaie de développer avec un saxophoniste, des MCs qui haranguent la foule. On est plus proche d’un groupe traditionnel que du format DJ.
La Phaze : J'ai relié souvent l’explosion du punk à celle de la jungle. On retrouve la même énergie. Evidemment pour moi l’avenir, c’est ce mélange entre l’électronique et l’acoustique qui deviendra notre marque de fabrique, notre singularité. Exactement comme les groupes de dub français qui se sont affranchis de l’influence anglaise en y ajoutant de vrais musiciens.