Panorama 2006 : musiques africaines

Un millésime d’année musicale peut se mesurer de mille et une manières ...Chiffres de vente d’albums, nombre de sorties de disques, coups de coeurs ou coup de blues. Côté Afrique sub-saharienne, RFI Musique revient sur les temps forts de l’année musicale 2006 entre découvertes, retrouvailles heureuses avec les studios, sorties d’albums généreuses, et pertes cruciales... Retour sur douze mois chargés en émotion.

Une année riche en émotion

Un millésime d’année musicale peut se mesurer de mille et une manières ...Chiffres de vente d’albums, nombre de sorties de disques, coups de coeurs ou coup de blues. Côté Afrique sub-saharienne, RFI Musique revient sur les temps forts de l’année musicale 2006 entre découvertes, retrouvailles heureuses avec les studios, sorties d’albums généreuses, et pertes cruciales... Retour sur douze mois chargés en émotion.

En dessous du Sahara, la musique se vit, s’entend chaque seconde. Des milliers d’artistes jouent dans les maquis, les cours obscures, les festivals ou dans la rue. D’autres partent en tournée, produisent et distribuent leurs albums à l’extérieur. Dans le flot de ces productions, certaines sortent définitivement du lot. Cette année, deux premiers albums ont éveillé la curiosité de la presse et du public...

Découvertes

Le Sénégalais Alune, bassiste talentueux, qui malgré son jeune âge, jouit déjà d’une expérience de la scène impressionnante, a sorti en avril son premier album Mbolo. Après huit années passées la basse en bandoulière aux côtés d’Ismaël Lo, Alune s’est décidé à monter sur le devant de la scène, et y jouer ses propres compositions entre jazz, mbalax et salsa. Dans un registre plus jazzy, le guitariste béninois Lionel Loueke a créé la surprise avec son troisième album Virgin Forest, véritable aller-retour entre l’Afrique et l’Amérique. Avec son phrasé jazz impeccable, son chant tour à tour caressant ou entraînant, ses percussions vaudou ou brésiliennes, et ses compositions intimistes et chaleureuses, quasi familiales, Lionel Oueke réussit à marier avec talent les rythmes traditionnels béninois (le bourian, le tchinkoume), ceux de la forêt vierge d’Afrique Centrale, avec le velouté jazz et l’âpreté du blues...

Une jeune voix s’est aussi faite un nom en 2006. C’est Mayra Andrade, cap-verdienne de 21 ans, qui avec son séduisant album Navega sorti en mai, a donné un sacré coup de frais à la chanson de l’archipel. Un talent à suivre...

Retour en studio

Un certain nombre d’artistes qui s’étaient faits discrets ces dernières années ont choisi 2006 pour refaire parler d’eux. La Malienne Mamani Keita, par exemple, qu’on n’avait pas entendu solo depuis 2001, a sorti en avril Yéléma, un petit bijou réalisé avec le guitariste Nicolas Repac. Afel Bocoum, disciple du regretté Ali Farka Touré, dont le dernier opus Alkibar datait de 2001, a lui aussi décidé de sortir au printemps Niger, son second album. Porté par les sonorités des instruments traditionnels monocordes du nord Mali, le njurkel et le njarka, et les ambiances sereines et surnaturelles des abords du fleuve Niger, l’album d’Afel Bocoum transporte dans un ailleurs majestueux.

Plus au sud, vers Bamako, Toumani Diabaté a signé avec le Symmetric Orchestra Boulevard de l’Indépendance, un album entraînant qui va chercher aux quatre coins du pays Mandingue. Autre griot, Sénégalais, cette fois-ci, Djéour Cissokho, qui a sorti un troisième album Au fond de l’inconnu dans lequel sa kora explore l’histoire, le ciel et les esprits. Mais c’est surtout du côté des anciens que la surprise s’est faite sentir. Au Congo, les "vieux" ont la côte, avec cette année le retour inattendu du "cadavéré" Zao, "l’ancien combattant" de Goma qui a repris des forces et revient panser avec le sourire les blessures de son pays (et les siennes par la même occasion) dans l’Aiguille, sorti en juin. Les élégants papys du groupe congolais Kékélé, ont pour leur part mis à jour les liens qui unissent l’Afrique aux Antilles avec l’album Kinavana, sorti en janvier dernier. Kinavana ou  la fille métissée de la rumba cubaine et congolaise, de Kinshasa et de la Havane...Tout un programme !

Du côté du Gabon, on peut saluer la sortie de l'album du grand Pierre Akendengué qui avec Gorée a su rappeler les affres de l'esclavage. Avec ses textes engagés, il tente de sensibiliser le public au devoir de mémoire. La musique comme expression de révolte, Akendengué la pratique ainsi. S'il ne dénonce les situations avec autant de pugnacité et de véhémence, le Sénégalais Ismaël Lo auteur cette année d'un album intitulé Sénégal, veut, lui aussi, rappeler certains évènements dramatiques comme le naufrage d'un ferry en 2002 dans une chanson intitulée Jola.

L’Afrique en deuil

Mais l’année 2006, restera surtout dans les annales de la musique marquée d’une pierre noire. L’Afrique sub-saharienne a en effet perdu deux de ses géants, dans des genres très différents. Ali Farka Touré, le musicien-cultivateur de Niafunké, au nord du Mali, qui avait réussi à ramener le blues "à la maison", en Afrique, et Douk Saga, le "président" de la Jet Set et figure de proue de la mouvance coupé décalé, véritable phénomène sociétal et musical qui inonde les ondes et les clubs d’Afrique depuis 2002. Ali Farka, décédé le 7 mars 2006 avait eu le temps de s’investir et d’enregistrer l’album Savane, sorti quelques mois après son décès. Il laisse ainsi un disque que beaucoup considèrent comme l’un des plus profonds de sa discographie. Véritable succès, l’album est nominé aux Grammy Awards, tandis que Ali Farka et Toumani Diabate ont reçu en février 2006 la célèbre distinction dans la catégorie musique traditionnelle pour leur duo guitare/ kora In the heart of the Moon. Quant à Douk Saga, le "sommet de  l’Himalaya", il a décalé trop tôt, à 32 ans, sans avoir le temps de continuer son "maxi, maxi boucan".