Marsatac 2008

La dixième édition du festival Marsatac s’est achevée ce dimanche 28 septembre à l’aube, après avoir attiré près de 25000 spectateurs sur trois soirs. Cet événement marseillais, devenu un rendez-vous des courants électro et hip hop, avait également cette année ouvert ses portes aux musiques d’Afrique.

Le festival marseillais souffle ses dix bougies

La dixième édition du festival Marsatac s’est achevée ce dimanche 28 septembre à l’aube, après avoir attiré près de 25000 spectateurs sur trois soirs. Cet événement marseillais, devenu un rendez-vous des courants électro et hip hop, avait également cette année ouvert ses portes aux musiques d’Afrique.

A Marsatac comme dans certaines fêtes de famille, la tradition veut que le doyen joue un rôle inaugural et apporte sa bénédiction. Si la tache était revenue l’an dernier au compositeur Pierre Henry, aïeul octogénaire de la génération électro, c’est Manu Dibango qui a donné cette fois le coup d’envoi de cette édition 2008. Le saxophoniste camerounais, bientôt 75 ans, prend sur scène un plaisir évident à célébrer l’Afrique, ou plutôt les Afriques : tantôt très congolaise par les accents rumba de la guitare, tantôt nigériane lors d’un hommage afrobeat à Fela, revenant ensuite vers les rythmes de son Cameroun natal avant de terminer sa prestation par Reggae Makossa, version de son célèbre tube Soul Makossa qu’il avait revisité en 1979 sur l’album Gone Clear enregistré en Jamaïque. Derrière ses lunettes noires, face à la mer, en apercevant la silhouette imposante du ferry transméditerranéen accosté tout près, peut-être a-t-il revu le Hoggar et repensé à cette nuit de 1949 où il avait débarqué à Marseille de ce paquebot à bord duquel il était monté à Douala en laissant sa famille derrière lui.

Installé pour la quatrième fois consécutive sur l’esplanade J4, au pied des murs du fort Saint-Jean gardant l’entrée du Vieux-Port, Marsatac semblait enfin avoir trouvé la stabilité à laquelle il aspirait pour pouvoir se développer. "La question du lieu est déterminante pour fixer un rendez-vous aux gens", assure Dro Kilndjian, l’un des fondateurs de la manifestation. Il lui faudra pourtant trouver rapidement un nouveau site puisque c’est sur ce terrain que vont bientôt démarrer les travaux du Mucem, un musée des civilisations de l’Europe et de la Méditerranée. "On est reparti dans les épisodes nomades du festival", confie-t-il avec une pointe d’inquiétude, tout en espérant pouvoir s’inscrire dans la perspective Marseille 2013 : la cité phocéenne vient en effet d’être désignée pour être cette année-là, la capitale européenne de la culture.

Nul doute que d’ici là Marsatac aura continué d’évoluer comme il l’a fait depuis 1999. D’abord axée autour de la riche scène hip hop locale, la programmation a commencé dans la foulée à explorer le champ des musiques électroniques.

"C’est le fil conducteur mais on veut aussi pouvoir faire des incartades vers des univers musicaux qui nous plaisent et ne pas être figé dans une forme trop exigüe. Les machines, les samplers, les platines : pour nous, tout cela appartient au même univers de création. Aujourd’hui, on s’intéresse aussi aux musiques qui ont nourri ces machines et ces samplers. D’où le clin d’œil à Manu Dibango, à l’afrobeat avec Seun Kuti ou au funk qui constituent une partie du patrimoine de ces nouvelles musiques", argumente Dro Kilndjian.

Afrique et modernité

Marqué par l’Afrique de l’Ouest où il a vécu, ce Marseillais aux origines arméniennes souhaitait, à l’occasion de cette dixième édition, promouvoir "cette Afrique dont on ne sait pas la modernité". A travers le projet Mix Up Bamako initié par l’association Marsatac, l’objectif était de provoquer la rencontre entre les musiques électroniques et la musique traditionnelle mandingue, "des univers musicaux qui a priori n’ont pas de lien." En février, le musicien-producteur Alif Tree et le DJ musicien David Walters avaient quitté Marseille pour se rendre dans la capitale malienne.

Là-bas, ils ont fait la connaissance d’Issa "Techno" Bagayogo, d’Ahmed Fofana (chef d’orchestre de Toumani Diabaté), de la griotte Massaran Kouyaté et du percussionniste Aboubacar Koné. En six jours, l’équipe à peine formée a du inventer un répertoire et donner son premier concert. "On n’avait que des doutes mais on n’avait pas le temps. J’ai commencé à envoyer des boucles, et eux, ils ont donné de la voix, du clavier, du ngoni. L’échange s’est fait tout de suite. Ils ont la technique, la générosité, la non-réflexion. On a un son complémentaire du leur, moins organique, plus concentré, plus intense et des effets, toute une palette électronique", résume Alif Tree. "Pour l’instant, on a fait les choses dans l’urgence. Il y a de l’énergie mais je pense que c’est perfectible", admet-il. Les retrouvailles en terre marseillaise, six mois plus tard, lui donnent raison. La formule dévoilée devant le public de Marsatac ne manque pas de potentiel, mais il reste à l’affiner.

Le concert de Nevchehirlian sur l’esplanade J4, lors de la dernière soirée clôturée par le DJ Laurent Garnier, avait lui aussi un parfum – plus convaincant – de nouveauté pour cet artiste du cru. Tout en continuant à travailler avec son groupe Vibrion, remarqué pour son slam électro-acoustique, il a pris sa guitare électrique et s’est lancé il y a un an dans une aventure solo beaucoup plus rock. "Depuis toujours, je fais des soirées slam. J’ai ma vie de jeune garçon", plaisante-t-il. "Mais je n’ai pas imaginé que je pouvais faire un disque seul. Au moment où s’est posé la question du deuxième album de Vibrion, je me suis rendu compte effectivement que dans la matière que j’avais apportée, tout n’était pas exploitable par le collectif et qu’il y avait des choses plus personnelles. Notre chemin ensemble, c’est de défricher à notre façon notre rapport au texte, alors que dans mon projet personnel, j’ai plus envie de rock & roll et de chanson."

Sur son album à paraître d’ici quelques mois, la présence du musicien Serge Teyssot-Gay et du réalisateur Jean Lamoot vient confirmer cette impression d’une filiation avec Noir Désir. Déjà, l’univers musical de Frédéric Nevchehirlian a séduit de nombreux programmateurs. Les concerts prévus s’accumulent sur les pages de son agenda, jusqu’à la lointaine île de La Réunion. Marseille est bien un port : certains y arrivent après un long voyage, d’autres en partent pour explorer le monde.