Le village global des Nubians
Franco-camerounaises parties vivre aux Etats-Unis pour y développer leur carrière lancée par l’album Princesses nubiennes en 1999, les Nubians expriment toute leur "afropéanité" novatrice sur Nü Revolution. Entretien avec Hélène et Célia, les deux sœurs qui constituent ce duo.
Nü Revolution, l’album des rêves et de l’évolution
Franco-camerounaises parties vivre aux Etats-Unis pour y développer leur carrière lancée par l’album Princesses nubiennes en 1999, les Nubians expriment toute leur "afropéanité" novatrice sur Nü Revolution. Entretien avec Hélène et Célia, les deux sœurs qui constituent ce duo.
RFI Musique : Pourquoi avoir matérialisé partiellement Nü Revolution dans des studios français alors que vous résidez outre-Atlantique depuis plusieurs années ?
Hélène : Tous nos albums ont toujours été enregistrés en partie en France et à l’étranger. Les deux premiers avaient été faits entre Paris, Londres, la Jamaïque, Marseille… Mais c’est la première fois qu’on travaille aussi aux États-Unis.
Que vous apporte cette diversité de lieux ?
Hélène : Ce son-là. L’idée qu’on puisse trouver une partie de soi un peu partout. À Paris, il y a d’abord la complicité avec beaucoup de musiciens avec lesquels on travaille depuis un certain temps et dont on connait les sensibilités. Ce casting, c’est notre dream team. Comme Guy Nwogang, qui a le savoir faire des percussions traditionnelles de la forêt et que je suis allée enregistrer à Vesoul.
Cette recherche vous a-t-elle pris beaucoup de temps ?
Hélène : C’est pour ça qu’on a mis deux ans à faire cet album. C’est de l’orfèvrerie. Les titres évoluent même pendant le sommeil ! La musique, on vit avec tous les jours. L’inspiration est quotidienne. Le travail aussi. Le studio, c’est quand l’idée est validée. Qu’il est temps de la poser sur la bande.
Comment fonctionne votre duo dans la préparation de l’album ?
Hélène : Il n’y a pas vraiment de processus mais nous avons nos quatre mains dans toutes les chansons. On forme un binôme multi compétent et hyper complémentaire. L’une peut écrire une chanson de son côté et la présenter à l’autre. On construit aussi beaucoup a capella. On va chanter la ligne de basse, les percussions, les guitares, mettre le morceau en place et ensuite écrire le texte ensemble. Pour Fraicheur souhaitée, Jean-Michel Rotin nous a apporté une chanson magnifique avec une mélodie qu’on a gardé telle quelle. On a juste demandé à Tété d’écrire le texte.
A posteriori, l’album ressemble-t-il à ce que vous aviez imaginé à l’origine ?
Célia : Je pense qu’’il est comme on l’avait pré entendu dans nos têtes et dans nos cœurs.
Hélène : On essaie de faire des albums qui racontent quelque chose. Parler de ce monde qui change, du fait qu’aujourd’hui plus que jamais on se sente tous dépendants les uns des autres, reliés les uns aux autres, du point du vue global. Il y a une citoyenneté universelle dans laquelle on commence tous à se reconnaitre. Le titre Nü Revolution n’est pas apparu après que les chansons aient été écrites. Dans "Revolution", il y a "rêve". Moi, l’élection d’Obama, ça m’a donné des ailes. La musique ne change pas le monde, mais elle peut donner cette énergie-là, constructive.
La chanson Nü Soul Makossa s’inspire du tube de Manu Dibango. Est-ce un artiste qui vous a marqué ?
Hélène : Tonton Manu, qui est un ami de la famille et qui est très proche, fait partie de nos inspirations. Petite, j’étais dans tous mes états quand il arrivait avec sa voix, son rire, son talent... J’ai eu l’occasion de le voir en spectacle à l’Olympia alors que j’avais quatre ans et je m’en souviendrai toute ma vie.
Qu’est-ce qui vous a amené, au début, à chanter toutes les deux ensembles ?
Célia : Par la nature des choses. On est sœurs, on est dans la même maison. L’une commence à chanter, l’autre fait la musique avec la bouche. Et vice versa. On a grandi au Tchad où il n’y avait pas vraiment d’activité pour des enfants. Pas de télévision. Il fallait s’occuper. Donc on inventait nos propres spectacles. On avait les paroles de la chanson Arsène Lupin sur un livre, et même si on n’avait jamais écouté la version de Jacques Dutronc, on prenait le texte et on faisait une chanson.
Et comment vous êtes-vous retrouvez-vous pour la première fois sur scène devant un public ?
Hélène : Youssou, du groupe reggae Rockers Melody, arrive un jour avec une affiche pour un événement sur lequel il y a écrit "Hélène et Celia". C’était pour récolter des fonds afin de rapatrier le corps d’un professeur africain qui était décédé à Bordeaux. On est obligé d’aller chanter. Le lendemain, le journal Sud Ouest parle de l’événement et nous cite. Après, on décide de faire nos concerts a capella. On commence à créer notre répertoire et à jouer dans des cafés, des petites salles. On a comme référence les chanteuses de jazz, on se dit qu’on fera un album quand on aura 30 ou 40 ans... Le disque arrive un peu comme un accident.
Dans quel état d’esprit avez-vous accueilli ce projet alors ?
Hélène : On a pris du temps avant de se décider.
Célia : Déjà, j’étais mineure, et ma mère n’aurait jamais acceptée de signer pour moi ! J’étais à six mois de ma majorité donc on a demandé à la maison de disques d’attendre.
Hélène : J’étais quand même en licence de droit et tout allait bien pour moi à la fac. Je n’étais pas sûre de vouloir lâcher la proie pour l’ombre En fait, il s’est passé un truc étonnant : à cette époque-là, on faisait plus de scènes, de chœurs de façon professionnelle comme pour l’émission Taratata par exemple. J’avais demandé un aménagement de mes travaux dirigés à la fac, ce qui est possible quand on a une activité salariée. J’ai présenté mes bulletins de salaires de choriste mais mon dossier a été refusé. Choriste n’est pas un métier. Ça m’a donné une bonne claque dans la figure. J’ai découvert ce qu’était "le plafond de verre". Et je me suis dit : alea jacta est. Les dés sont jetés. On va prendre ce contrat que la maison de disques nous propose.
Les Nubians Nü Revolution (Nubiatik) 2011