William Sheller

Nouvel album le 18 janvier prochain pour William Sheller : "Les Machines absurdes" est son premier disque de nouvelles chansons depuis "Albion" en 1994. Mais il n'a pas chômé entre-temps : la musique du film "L'Ecrivain public" (Victoire de la musique), la tournée et le disque en public "Olympiade", un concerto, des mélodies classiques créées par la cantatrice Françoise Pollet... Et, entre splendeurs orchestrales, allusions aux Beatles et explorations dans la musique électronique, "Les Machines absurdes" est aussi l'argument d'une nouvelle tournée pour Sheller, avec une vingtaine de musiciens classiques, et qui fera étape à partir du 22 février à l'Olympia.

Le chanteur à cordes

Nouvel album le 18 janvier prochain pour William Sheller : "Les Machines absurdes" est son premier disque de nouvelles chansons depuis "Albion" en 1994. Mais il n'a pas chômé entre-temps : la musique du film "L'Ecrivain public" (Victoire de la musique), la tournée et le disque en public "Olympiade", un concerto, des mélodies classiques créées par la cantatrice Françoise Pollet... Et, entre splendeurs orchestrales, allusions aux Beatles et explorations dans la musique électronique, "Les Machines absurdes" est aussi l'argument d'une nouvelle tournée pour Sheller, avec une vingtaine de musiciens classiques, et qui fera étape à partir du 22 février à l'Olympia.

RFI Musique : Dans le passé, vous avez souvent dit ne pas particulièrement apprécier le métier de chanteur. Est-ce toujours le cas ?
William Sheller : C'est clair, j'ai moins envie d'écrire pour moi, j'ai moins envie de chanter. Je suis heureux quand j'écris, quand je fabrique la musique. Mais, entre les deux, il y a les chefs de produit, tout un tas de machins... Et puis j'ai du mal, parfois, à assumer d'être moi. J'ai du mal avec la notoriété, avec les autographes. Ça ne flatte pas mon ego, ça me rend un peu parano.

Vous avez l'impression qu'on se trompe de personne en vous demandant des autographes ?
J'ai toujours gardé l'habitude de bouger, de sortir dans la rue. Si on rase les murs avec des lunettes noires, on se fait repérer tout de suite. Moi, je vais promener mon chien, les gens du quartier me connaissent. Mais quand on vient me demander un autographe, ce n'est pas le même bonhomme !

C'est cela qui motive vos périodiques éclipses ?
Au début des années 80, j'ai eu une période pendant laquelle j'étais très en avant - un album par an, beaucoup d'articles. Ça prenait une tournure qui ne me plaisait pas. J'aime vivre un peu comme tout le monde parce que, sinon, que peut-on échanger avec les gens ? Si on passe son temps enfermé chez soi ou à prendre des limousines pour aller dans des restaurants chic et des plateaux de télévision, qu'est-ce qu'on peut écrire dans une chanson - déjà qu'écrire un texte, ce n'est pas simple...

De ce point de vue, à qui va votre admiration ? A Gainsbourg ?
Gainsbourg est de l'ordre du modèle possible - pas d'à peu près, de petits détails d'observation, jamais désespéré. C'est un modèle comme Trenet, avec sa manière extraordinaire de faire swinguer la langue française, sans jamais essayer de faire moderne pour autant. Ce qui me désespère dans la variété, c'est l'opportunisme à trois sous: on est sur le Net, alors on va chanter "Cyber" avec un texte mal foutu... Mais les dieux de l'écriture, ça ne se limite pas à la chanson: c'est Éluard, Maïakovski, les surréalistes, Cocteau. Ils ont libéré les choses: si on a une folie dans la tête et qu'on ne la transmet pas, ça reste de la folie; si on la transmet, ça devient de l'art. Et moi, j'aime bien les images un peu surréalistes, comme dans "Athis" sur le nouveau disque: «Il pousse autour de ma fenêtre une maison vide». On a l'impression qu'elle s'agrandit, que c'est vivant...

Et ce sont des mots très simples...
J'aime que le mot n'agresse pas par lui-même. C'est pourquoi je n'ai jamais beaucoup accroché avec Rimbaud : j'aime que le mot disparaisse sous l'image. Lire des romans écrits avec des mots sculptés, ça m'enquiquine, j'aime mieux lire Colette ou Maurice Sachs.

Pourtant, vous ne vous privez pas de tournures surprenantes...
Ah oui, je fais flèche de tout bois : je mélange les modernistes et le XVIIe, des tournures belges, que sais-je... C'est déjà tellement dur, s'il fallait se priver...


Sur cet album, plusieurs titres utilisent beaucoup l'électronique. Comment vous tenez-vous au courant des nouveautés en la matière ?
Je compte beaucoup sur mes enfants qui me signalent des disques, sur les ingénieurs du son avec lesquels je travaille. Quant à moi, j'en suis resté à Massive Attack et, secrètement, j'écoute Marilyn Manson. Ce n'est pas pour le personnage et le scandale, mais plutôt pour voir comment c'est produit.

Pour un compositeur, les machines sont-elles plus souples que les musiciens ?
Pas du tout. C'est obtus, ça attend que vous lui disiez quoi faire. Mais ça me replonge dans des sensations de la musique classique, avec des images qui naissent des sons. Quand vous entendez une basse, une batterie, une guitare, vous voyez une basse, une batterie, une guitare. Mais quand on arrive avec ces pulsations électroniques, on a une profondeur du son qui génère des images, des paysages oniriques, et que l'on n'obtiendrait, autrement, qu'avec des combinaisons d'orchestre de cent musiciens.

Ce que vous faites ressemble de moins en moins aux normes de la chanson française.
De toute façon, il y a de moins en moins de chanson française.

Musicalement, vous vous éloignez de ce style-là...
Je me sens proche d'une Véronique Sanson, par exemple, mais je sais que ce n'est plus le même classement musical, que je suis plus proche maintenant de ce qui se passe du côté anglo-saxon. Cela dit, quand j'ai travaillé avec des musiciens anglais pour l'album "Albion", ils me disaient souvent: "Ah, ça fait vraiment français".

Mais vous avez commencé à détacher des variétés bien plus tôt, au début des années 1980.
Justement, je m'étais arrêté deux ans parce que ce que je faisais n'était pas ce que je voulais faire : je n'avais plus le temps d'être devant un piano, je passais mon temps en promo, à faire la vedette. Ça n'est pas mon métier, je suis musicien et je veux le rester. Je me suis mis à faire beaucoup de scène, ce qui m'a aidé à oser des choses nouvelles. Comme j'avais prouvé que je vendais, ma maison de disques m'a alors laissé partir comme ça, en explorateur...