Bertrand Betsch, l'éclaircie

Ecorché vif, bidouilleur de l'impossible ou looser magnifique comme on dirait aujourd'hui, Bertrand Betsch, depuis dix ans, triture et cherche en son for intérieur, le mot juste pour exprimer ce qu'il ressent et ce qu'il voit dans le monde qui l'entoure. Longtemps catalogué comme artiste à la joie de vivre déficiente, Bertrand Betsch semble enfin avoir trouvé la lumière avec son quatrième album, La chaleur humaine.

 

Le nouvel album de Bertrand Betsch, La chaleur humaine, dont le thème central s'articule autour de la chaleur humaine, rend compte de toutes les dimensions des relations affectives, avec ce qu'elles comportent comme moments de souffrance, de rupture et de déliquescence. Mais aussi, et c'est nouveau chez lui, Bertrand Betsch parle de moments de fusion, de connivence, de communion et d'amour partagé. "Cet album mélange le miel et l'acide, parce que l'amour est triste et gai à la fois".

Ses chansons se présentent désormais dans une forme épurée, très éloignée des couleurs bigarrées de son précédent disque Pas de bras, pas de chocolat (2004). Aucun dogmatisme dans cette recherche de la simplicité et du minimalisme, seulement un besoin chez l'artiste d'alterner les plaisirs. "Ça ne m'intéresse pas de faire deux fois le même album. Je fais toujours un disque en réaction au précédent et là, il se trouve que je suis parti sur des chansons très directes avec un côté universel. Tout s'est fait sans douleur, c'est une expérience que je ne connaissais pas encore et c'est très agréable".

Solitude à plusieurs

Bertrand Betsch a le goût du travail en solitaire. Il aime se retrouver chez lui avec son magnéto et son home studio. Il a besoin de cette intimité et de cette confrontation avec lui-même pour créer. "Les voix, par exemple, je suis incapable de les enregistrer dans un studio, il faut que je sois tout seul chez moi, c'est une question d'inspiration".

Les paroles, les compositions, les arrangements de ce nouvel album sont quasiment tous de lui. Il enregistre d'abord une première version des chansons qu'il fait ensuite évoluer tout seul ou avec l'aide de son complice de toujours, Hervé Le Dorlot, en qui il a une totale confiance, "une histoire de complicité et d'accointance musicale". Chose étonnante, ce travail sur les morceaux se fait à distance, par échange de bandes interposées sans presque jamais se rencontrer. Autre surprise de taille, une troisième personne est venue se glisser dans le processus créatif de l'album, une voix de femme, la voix de la compagne de Bertrand à la ville, Nathalie Guilmot. Elle signe les chœurs et les deux duos de l'album O les beaux jours et Les vents contraires. Avec elle à ses côtés, Bertrand Betsch explore de nouveaux genres d'écriture, plus doux, plus tendres, plus romantiques. Une petite révolution.

Souvent emmenées par des ritournelles piano-voix arrangées avec un charme discret, les nouvelles chansons de Bertrand Betsch jouissent d'une grande liberté dans le format. "Chaque chanson a une temporalité, une identité qui lui est propre". Exemple avec Au cinéma qui ne dure pas plus d'une minute trente, ou Main dans la main, une plage totalement instrumentale qui prouve que Bertrand Betsch est un auteur certes, mais aussi un compositeur, ou encore la reprise de Bang Bang, popularisée en français par Sheila, et qui crée une respiration rythmique au milieu de l'album.

Chassé le naturel et il revient au galop

 

Bertrand Betsch se plonge au cœur de son vécu pour écrire ses chansons. Il n'hésite pas à puiser parmi un stock impressionnant de 100 à 150 textes déjà écrits pour rajouter du corps au thème développé à travers La chaleur humaine. Certaines des chansons de l'album ont été écrites spécialement pour l'occasion, d'autres datent déjà de près de dix ans. Mais pour toutes, il utilise "le prisme de l'expression poétique" pour dire des choses qu'il ne dirait pas au quotidien tant est parfois difficile sa relation avec la parole et l'oralité. "Avec l'écriture, les choses se cristallisent" et ainsi Bertrand Betsch réussit à confier son besoin de l'autre (Toute ma vie dans tes bras, Mon ami), sa peur d'être abandonné (La fin des colonies, Romance), ou sa fascination répulsion pour la procréation (Ce ventre-là). Même si l'on sent parfois souffler chez lui un courant d'optimisme, notamment au travers de la chanson qui clôture l'album (Les vents contraires), il ne faut pas oublier que Bertrand Betsch peut être aussi spectateur de sa vie, ne pensant n'avoir aucune prise sur son existence (Les gens qui s'aiment). "L'album se termine sur une note positive, oui. Mais pour encore combien de temps ?"

10 ans de carrière donc et déjà l'heure du premier bilan avec ce quatrième album. A bientôt quarante ans, Bertrand Betsch a traversé beaucoup de tempêtes et quelques éclaircies. Il a changé trois fois de label (Lithium, Labels et Pias aujourd'hui), aimerait sortir un disque tous les ans, publier ses romans, devenir un artiste populaire et trouver un tourneur pour produire ses prochains concerts. "Je n'arrive pas à influer sur ma vie, je subis les choses. Je le vois avec le déroulé de ma carrière. Après dix ans, je ne pensais pas être encore si marginalisé. C'est peut-être mon destin, être un artiste culte entre guillemets, pour ne pas dire maudit".

La persévérance est une qualité, et son nouvel album une éclaircie.

Bertrand Betsch La chaleur humaine (Pias) 2007