FLOP CELTIQUE AU STADE DE FRANCE

Paris, le 18 mars 2002 - Interminables évolutions de pipe-bands et de bagadoù dans un stade éteint, bribes de concert au goût inachevé : la Nuit Celtique a déployé son ennui deux soirs de suite au Stade de France. Constat d’échec et essai d’explication.

Malgré deux soirées à guichets fermés.

Paris, le 18 mars 2002 - Interminables évolutions de pipe-bands et de bagadoù dans un stade éteint, bribes de concert au goût inachevé : la Nuit Celtique a déployé son ennui deux soirs de suite au Stade de France. Constat d’échec et essai d’explication.

Le pari de départ était simple. Saisir l’occasion de la saint Patrick — 17 mars, fête des Celtes — pour transposer dans l’“écrin-magique-que-représente-le-Stade-de-France”(selon la formule du programme) les fameuses Nuits Magiques du “grand-rendez-vous-annuel-des-Celtes”, j’ai nommé le Festival Interceltique de Lorient. Références obligées en Bretagne, ces nuits tiennent à la fois du son et lumière et du défilé musical en costume typique : pipe bands écossais ou irlandais, bagadoù bretons, bandas galiciennes et asturiennes, cercles de danseurs, le tout s’achevant sur un grand feu d’artifice.
Depuis des lustres les festivaliers lorientais réservent à ces Nuits un accueil populaire jamais démenti. D’ailleurs, nombre de Celtes d’adoption y ont découvert, dit-on, un peu de la culture celtique. Le succès croissant du Festival de Lorient ces dernières années, sa diffusion internationale aussi, devaient logiquement conduire son directeur, Jean-Pierre Pichard, à développer le concept des Nuits Magiques pour le proposer hors de Bretagne. La mode Celte (toujours vivace) aidant, tôt ou tard une prestation au Stade de France paraissait s’imposer.

Lorient n’est pas Paris

Mais en passant du stade du Moustoir à celui de Saint-Denis, les Nuits Magiques bretonnes exigeaient de sérieux réaménagements. La taille du lieu, son prestige, l’absence de fête alentour font de l’arène parisienne un site autrement plus difficile à animer que le stade de Lorient, surtout quand ce dernier est baigné par les délires d’une ville en plein festival. Malheureusement, il semble bien que les organisateurs des Nuits Celtiques ont mal apprécié l’importance du changement et cru qu’une nuit lorientaise un peu boostée suffirait à faire frissonner Paris.
Prisonnier d’un concept sous-dimensionné et peut-être inadapté, Jean-Pierre Pichard, metteur en scène des Nuits, n’a pas su prendre parti entre le principe du son et lumière amélioré et celui du concert. D’où ces quelques scènes musicales bien trop courtes — trois petites chansons et puis s’en vont — reliées par de poussifs enchaînements : interminables transitions où les lentes figures des sonneurs et des batteurs peinent à donner vie au stade. On passera sur de menus détails comme le traitement sans génie de la lumière, les approximations du son, les soupçons de play-back et le navrant diaporama qui tient lieu d’animation vidéo.

L’artistique subsiste

Malgré cela, sur scène tous ne s’en sortent pas si mal. Rien à redire des ensembles — même le chœur gallois n’est pas incongru —, si ce n’est que pipe bands et bagadoù ne font pas un spectacle, aussi martiales soient leurs évolutions. Superbe, la voix de Yann-Fañch Kemener, par lequel commençait cette soirée — le seul instant d’émotion, sans doute. Toujours pêchu, le Galicien Carlos Nuñez mérite un bel accessit ; il ne ménage pas sa peine et réussit à nous faire croire un instant que la sauce va prendre… il est vrai que le public, deux fois 45.000 spectateurs, ne demande pas mieux !
Mais en seconde partie Gilles Servat et Dan Ar Braz, définitivement élevés au rang de chantres de la fierté celto-bretonne, suscitent quelques réserves. On aimerait entendre autre chose que les sempiternelles Blanche hermine et Greens Lands, hymnes servis à la va-vite pour l’offertoire de la grand-messe celtique. Pour d’autres, enfin, l’addition est plus lourde. Didier Squiban exécute platement quelques mélodies, tandis que Rita Connolly, guère aidée par l’Ensemble des Cuivres du Festival de Lorient il est vrai, nous assène une ballade sans saveur.
La semaine dernière, les Merlus — l’équipe lorientaise de football — éliminait sèchement les Parisiens du PSG au stade du Parc des Princes. Que dire au lendemain de ces Nuits Celtiques ? Autre stade, autre résultat : quand Lorient monte à Paris, les Merlus font mieux que l'Interceltique.

Jérôme Samuel


Instantanés.
Deux heures avant le gigantesque show de la saint Patrick, le parvis du Stade de France est noir de Celtes. Beaucoup sont déjà à la buvette pour se réchauffer, d'autres tout aussi frileux, se sont drapés dans le Gwenn ha Du, l'étendart noir et blanc breton. D'autant que pour la première fois, il est possible d'y acheter et de consommer de l'alcool. Passées les imposantes grilles (la vocation première du stade étant les matchs de foot), des stands sont aménagés pour ceux que cela tente de faire une partie de palets (et y'en a !) ou de fléchettes comme au pub... Un peu plus loin, on fait la queue pour une dégustation d'huitres en provenance, cela ne s'invente pas, de Blainville-sur-Mer, en Normandie... Ce soir, la Bretagne étend ses frontières. Même la météo est avec nous, puisqu'il pleut. Muni de son badge, on oublie vite le sandwich élastique réservé à la presse pour se faufiler à la tribune présidentielle partager les petits fours avec Catherine Tasca, la ministre de la Communication ou Charles Josselin, ministre chargé de la Coopération et de la Francophonie, (et ex-député des Côtes d'Armor), venu, lui, en compatriote. Bartabas, le maître ès-chevaux et Michou, figure du gay Paris, un pompon de marin à la main, assistent eux aussi à ce grand raout de la celtitude, qui comme on aurait pu ne pas le penser, vient en grand nombre de la région parisienne. La diaspora sans doute. Dehors, la musique festive kabylo-bretonne du groupe Thalweg commence à échauffer les esprits. Avant la grande messe.

Pascale Hamon