LE BRÉSIL À PARIS (2)
Paris, le 5 juin 2000 - Le festival Latitudes Villette Brésil s'est terminé le 4 juin à Paris. 250 artistes ont offert six jours de concerts répartis en deux week-ends et rassemblé près de 23.000 spectateurs.
Deuxième week-end du Festival Latitudes
Paris, le 5 juin 2000 - Le festival Latitudes Villette Brésil s'est terminé le 4 juin à Paris. 250 artistes ont offert six jours de concerts répartis en deux week-ends et rassemblé près de 23.000 spectateurs.
En clôture, le sambiste et compositeur Paulinho da Viola, grande figure de l'école de samba Portela, a exploré les ressorts de la samba, genre national brésilien. Né en 1942, Paulinho da Viola est le fils de Cesar Faria, l'un des défenseurs les plus talentueux du chôro. Ce genre musical né à Rio De Janeiro, comme la samba, à la fin du 19ème siècle, affiche une délicatesse presque érudite, s'appuyant sur le jeu perlé du cavaquinho, petite guitare au son grêle. Paulinho da Viola sait également rendre hommage aux précurseurs, tels Cartola, compositeur de l'école de samba Mangueira, invitant à Paris Dona Ivone Lara, grande prêtresse noire de l'école Imperio Serano.
Rare femme compositrice de l'histoire de la samba, Dona Ivone Lara appartient à la tradition du jongo, culte afro-brésilien surtout pratiqué à Rio et gardé jalousement au secret. Elle impose une samba purement carioca, où l'humour et la critique sociale prennent souvent le pas sur le vague à l'âme (saudade) que cette musique décrit également. En scène avec Paulinho da Viola, chanteur à la voix haute et fine, A Velha Guarda da Portela (la Vieille garde de Portela), un groupe de treize anciens gardiens de la mémoire de l'école, qu'il avait fondé en 1971, avant de claquer la porte de Portela pour protester contre les assauts du commerce dénaturant l'essence de la samba des écoles. Revenu à Portela après treize ans de bouderie, Paulinho da Viola continue cependant de critiquer les diktats de la télévision qui par exemple, imposent aux écoles de défiler en 90 minutes précises, poussant ainsi "les danseurs à courir au lieu de danser".
Bon nombre d'anciens du groupe d'origine ont disparu vaincus par l'âge, et ont été remplacés par de plus jeunes (la cadette a été admise à l'âge de 48 ans pour être la fille d'un vieux compositeur, Manacé, décédé). Mais la Velha Guarda a bénéficié de la protection de personnalités importantes de la chanson brésilienne, telle Cristina Buarque de Hollanda, sœur de Chico Buarque ou plus récemment de celle de la nouvelle star de la MPB (Musica popular brasileira), Marisa Monte, productrice de leur disque Tudo Azul (chez EMI/Lusafrica) - cette dernière a repris, comme bon nombre de chanteurs-vedettes, des compositions de Paulinho da Viola ; dans Memorias, crônicas e declaraçoes de amor (Mémoires, chroniques et déclarations d'amour), son album le plus récent qui sort en France le 5 juin, elle interprète Para Ver as meninas, en compagnie des guitaristes Marc Ribot et Arto Lindsay et du violoncelliste Jaques Morellenbaum.
La programmation du festival Latitudes Villette Brésil qui mariait les talents de la Cité de la Musique et ceux de la Grande Halle de la Villette avait été axée sur la samba, mais aussi sur les musiques du Nordeste. Très belle surprise, Mestre Ambrosio, groupe originaire de Pernambouc, mais installé à Sao Paulo. Ces très jeunes gens qui jouent des tambours, des hochets, etc., de l'accordéon et du rabeca (le violon), déchaînent les rythmes afro-indigènes de Pernambouc à tel point qu'écouté de l'extérieur, l'appel à la danse ressemble aux sons d'une rave party électronique. C'est d'ailleurs Suba, jeune producteur d'origine serbe décédé cet hiver dans l'incendie de son appartement pauliste, qui a veillé à l'élaboration de leur album - on lui doit également le superbe Tanto Tempo de Bebel Gilberto, fille de Joao.
Véronique Mortaigne