Diam's en or

Après son succès discographique, plus de 150.000 exemplaires de Brut de femme vendus et 650.000 du single DJ, la jeune Diam's se doit de faire ses preuves en concert, même si cela fait dejà longtemps qu'elle pratique la scène. Elle passe le 20 janvier au Bataclan à Paris.

Le visage du rap change…

Après son succès discographique, plus de 150.000 exemplaires de Brut de femme vendus et 650.000 du single DJ, la jeune Diam's se doit de faire ses preuves en concert, même si cela fait dejà longtemps qu'elle pratique la scène. Elle passe le 20 janvier au Bataclan à Paris.

Avec un album encensé par la presse, Brut de femme, Diam’s donne au rap français un nouveau souffle : en féminisant un discours trop souvent prévisible et en apportant sa propre dimension. Diam’s a réussi en peu de temps à se rendre indispensable, parce qu’elle est une vraie artiste, dont on sent dès ces prémices qu’elle a encore beaucoup à offrir.

Diam’s est le seul vrai succès du rap français depuis début 2003, et l’on peut parier sans risque que son album, Brut de Femme, restera dans les annales comme le phénomène marquant de cette année. Pour la première fois, une rappeuse française rencontre à la fois un succès critique et public. Il y avait bien eu le tube de Lady Laistee, Et si, mais cette fois, on a affaire à une artiste qui impose sa marque sur la durée d’un album.

Diam’s n’est ni une génération spontanée, ni la tête de pont d’une offensive. La plupart des rappeuses qu’on a vu émerger ici, les Bam’s, Donya, Roll’K et autres Beedjy, ont disparu, après l’insuccès d’un album liminaire. Lady Laistee a pu sortir un second opus, dont le seul titre à bénéficier d’un peu de lumière fut justement un duo avec… Diam’s! C’est que la rappeuse d’origine chypriote, qui a grandi dans le 91 (banlieue parisienne, ndlr) et s’est immergée dans le hip-hop dès l’adolescence, avait déjà marqué les esprits du microcosme avec Premier Mandat, sorti en 1999 sur le fugace label indépendant Reel Up. Au point que durant les quatre années qui ont séparé ses deux disques, Diam’s n’a quasiment jamais quitté l’affiche, en devenant la sparring-partner incontournable de tous ceux qui voulaient s’offrir un featuring marquant : "Outre l’échec commercial et le succès critique, mon premier album a été ma meilleure carte de visite. Grâce à lui, j’ai été appelée pour tous ces projets, et je suis de ces artistes qui disent rarement non. Je fais ça par passion, pas pour l’argent ni la gloire. Quand on me le propose, je viens poser mes rimes, pour montrer que je suis à la hauteur. Ils ont dû se passer le mot, que je ne disais quasiment jamais non! Je fais partie des quelques artistes rap français qui ont fait le plus de trucs. Il faut savoir que quatre ans, c’est long, et faire trente apparitions, ça n’est pas tant que ça en temps passé. Dans le rap, il y a un projet qui se fait par jour, donc on est vite appelé sur beaucoup de choses en peu de temps. C’est une carrière en crescendo: je me suis retrouvée sur des petites compilations underground, mais si on m’appelle sur le film Taxi, aujourd’hui, c’est parce que j’ai fait tout ça avant. C’est un travail de longue haleine, qui finit par aboutir. Je ne regrette rien, et je suis contente de toutes les collaborations que j’ai pu faire."

Munie de ce viatique de crédibilité, construit sur une vraie force et une musicalité inédite dans l’interprétation, Diam’s a pu réaliser un album qui montre l’étendue de son talent d’écriture. L’écriture, qu’elle pratique par ailleurs au service de certaines consoeurs qui chantent (Jalane, K-Reen…), c’est son autre point fort. Loin de sacrifier aux thèmes usés de "la rue", elle réussit le pari de toucher à des thèmes difficiles, intimes, comme la violence conjugale ou l’absence d’un père, sans jamais tomber dans pathos ni la complainte facile. Une aisance textuelle, un vocabulaire étendu, et un sens de la métaphore qui fait mouche élèvent son rap au niveau des meilleurs auteurs du genre: les Oxmo Puccino, Akhenaton ou Dadoo.

Ce que Diam’s semble avoir aussi compris, c’est l’impact indéniable de l’image, dans un genre musical qui va chercher son public plus souvent par l’intermédiaire des vidéos que sur scène : "C’est une prise de conscience que j’ai eue. Au moment de mon premier album, à 17 ans, je n’étais pas du tout féminine. En grandissant, j’ai eu envie de plaire, de me pomponner un peu, d’être plus coquette. Pour la pochette de mon disque, j’ai dit: "j’aimerais être jolie"! C’est un besoin aujourd’hui, j’essaie d’être présentable. Aux USA, Chanel se rue sur les rappeuses, mais pas ici. Je ne vois pas Dior me donner des sapes! Donnez-moi un dixième de la garde-robe d’Eve, il n’y a pas de problème, je la prends!"

Talentueuse et déterminée, Diam’s est aussi maligne. Ainsi, elle a soigneusement évité de mettre en avant le "parrainage" qui aurait pu devenir vite encombrant de la star urbaine nationale, Jamel Debbouze : "J’étais fan de lui et un jour, il a demandé à me rencontrer, puis il a voulu me produire, mais j’allais signer chez EMI. Il est devenu mon ami: il me conseille, il parle de moi dans les émissions, il produira peut-être un jour mon clip ou un spectacle. On a des vraies discussions d’artistes. Il a été très important pour ce disque, et il le sera encore dans ma carrière, parce que je n’ai pas honte de l’appeler pour lui demander conseil. Mais il ne rappe pas dans mon album!"

Jean-Eric Perrin

Diam's Brut de femme (Hostile) 2003