Simon Nwambeben
Chanteur au regard doux et timbre tendre, il vient surprendre sans artifices. Juste avec l’envie d’inventer de la chanson d’aujourd’hui, nourrie des rythmes de là où a commencé sa vie. Simon Nwambeben a fréquenté quelques festivals cet été, pour présenter son premier album, Bitibak 1. Rencontre aux Suds à Arles, un après-midi de juillet.
Un nouveau passeur pour la musique camerounaise
Chanteur au regard doux et timbre tendre, il vient surprendre sans artifices. Juste avec l’envie d’inventer de la chanson d’aujourd’hui, nourrie des rythmes de là où a commencé sa vie. Simon Nwambeben a fréquenté quelques festivals cet été, pour présenter son premier album, Bitibak 1. Rencontre aux Suds à Arles, un après-midi de juillet.
RFI Musique : Comment commence l’histoire de Simon Nwambeben ?
Simon Nwambeben : Un jour de novembre 1976, à Bafia, une ville à l’Ouest du pays, située à 120 km de Yaoundé, capitale du Cameroun. J’ai grandi ensuite à Bafang. La musique a toujours été dans ma vie. Mon père était compositeur, danseur, chanteur dans une chorale (église protestante). C’est là qu’il a rencontré ma mère, là où j’ai été moi-même formé, en me faisant également l’oreille avec ce que j’écoutais à la radio. Tout ce qui passait, je le chantais. J’ai découvert Brassens comme ça, sur un petit poste radio à deux piles, notamment celle de ses chansons qui reste ma préférée, Les Bancs Publics. C’est la conjonction de l’église et de la radio qui m’a mis sur le chemin de la chanson et a fait que j’abandonne les études (au grand désespoir de ma mère. Elle a pleuré quand je lui ai annoncé ma décision). J’ai commencé par la batterie. Je faisais partie d’une chorale, et composais des chansons quand maman préparait un bon plat. Une de celles contenues dans mon album date de cette époque, Douhnia. Dans les paroles, je m’adresse à la nature, lui demande qu’elle me donne des clés pour comprendre ce que je vis.
Vous la chantez en bafia, comme la majeure partie de vos chansons. Votre album contient néanmoins deux titres en français. Pour faire plaisir aux deux choristes françaises qui vous accompagnent et les récompenser de leurs efforts ?
Le français s’est imposé à moi quand je chantais à La Terre battue, un cabaret de Yaoundé où je suis parti avec ma guitare en 1995. J'y suis resté deux ans. Des compatriotes me reprochaient de chanter en bafia, une langue qu’ils ne comprenaient pas. Alors en deux jours, j’ai écrit et composé L’Espoir du Désespoir et L’Autre moi [toutes les deux présentes sur le disque]. Mon passage à La Terre battue a été déterminant pour la suite de ma carrière. J’y ai rencontré le metteur en scène de la compagnie nantaise de théâtre de rue, Royal de Luxe, qui m’a engagé en 1997, en tant que directeur musical. Deux années plus tard, je me suis installé à Nantes, où je vis depuis. J’ai composé la musique de Petits contes nègres, puis Petits contes chinois pour la compagnie et j’ai tourné pendant cinq ans avec eux.
Qu’est-ce qui caractérise votre musique et identifie celle des Bafia, en particulier, dans la palette rythmique et musicale du Cameroun ?
Pour l’instant, je n’ai pas mis d’assiko. Peut-être dans le second album, on verra. En revanche j’ai intégré un peu de bikutsi et de makossa, mélangé à la musique de chez moi, adaptée à ma manière. Cette idée de mélange m’a inspiré le nom que j’ai trouvé pour désigner ce que je fais : bitibak. Dans la région des Bafia, ce terme désigne une décoction de feuilles, d’écorces pour soigner le paludisme. Les Bafia n’ont pas d’instruments mélodiques, contrairement à la région de Yaoundé, où ils ont les balafons, par exemple. Chez nous, il n’y a que des percussions, comme le kikem, un tronc évidé frappé avec des baguettes et le tambour diéh à kikem (la mère de kikem). Notre richesse rythmique est immense. C’est un puit sans fond. D’ailleurs, je ne veux pas que l’on me dise que je fais de la musique camerounaise, car je suis loin d’avoir tout acquis. Etre présenté comme tel est un poids trop lourd à porter. Même chez les Bafia, j’ai encore beaucoup à apprendre et à découvrir. Pourquoi n’y a-t-il pas d’instruments mélodiques chez les Bafia ? Je n’ai aucune explication. J’avais posé la question à mon père. Lui non plus n’a pas su répondre.
Bitibak 1 est réalisé par Ray Lema. Comment cette collaboration s’est-elle organisée concrètement ?
Il m’a mis tout de suite à l‘aise. C’est la première chose que j’ai apprécié en lui. Quand nous avons commencé à travailler, il m’a dit, qu’il n’allait pas me donner exactement ce que j’attendais de lui, car j’avais déjà tout. Il s’est contenté de "nettoyer" de long en large, d’alléger, de procéder à quelques ajustements, notamment quant à ma diction et ma manière de toucher les cordes de la guitare.
Vous retournez régulièrement au Cameroun ?
Je n’y suis pas reparti depuis 2003. Je ne voulais pas y revenir sans le disque que j’avais promis à tout le monde là-bas. Cela aurait été une trahison de ne pas respecter ma promesse. Or je suis un homme de parole. Il ne faut pas trahir la confiance que les gens t’accordent. C’est pourquoi avant de laisser sortir des mots de sa bouche, il faut toujours réfléchir.
Simon Nwambeben Bitibak 1 (Daqui/ Harmonia Mundi) 2006