MATT LE MISSIONNAIRE
A 25 ans, après avoir vendu 500.000 copies de son précédent opus R’n’B de rue et remporté la première Victoire de la musique R’n’B en 2002, Matt nous revient avec Chant de Bataille, sur lequel il passe des beats hispanisants aux boucles orientales, du riddim dancehall au new jack. Entretien.
Le boss du R’n’B français.
A 25 ans, après avoir vendu 500.000 copies de son précédent opus R’n’B de rue et remporté la première Victoire de la musique R’n’B en 2002, Matt nous revient avec Chant de Bataille, sur lequel il passe des beats hispanisants aux boucles orientales, du riddim dancehall au new jack. Entretien.
Voici déjà votre troisième album. C’est celui de la maturité ?
Je suis encore un grand enfant, j’ai 25 ans, je ne me fais pas encore trop vieux. Quand je ferai un album comme Percy Sledge où il n’y aura que de la soul, là, on pourra dire que j’ai franchi un cap. Mais là, les "vibes" sont encore jeunes, je suis encore un fêtard. Mais c’est vrai qu’il y a des thèmes que j’ai voulu aborder parce qu’ils me tenaient à coeur, comme l’extrême droite, le Saint-Père, celui qui nous regarde de là-haut tous les jours, l’industrie de la variété et Nicolas Sarkozy.
C’est un album qui passe par différentes ambiances ?
L’album est chronologique. Au début, c’est hip hop, ensuite on bascule dans le dancehall, puis on va vers des morceaux un peu plus latino, on enchaîne par des slows et enfin c’est le live. On a voulu entrecouper les chansons de petits interludes, qui sont travaillés comme de véritables compositions. On arrive à 21 titres pour ce «concept album», qui est une progression des différents styles liés par ces transitions qui nous serviront aussi pour la scène.
Ce disque semble réalisé avec une bande de copains ?
Notre label, On the Track est en licence chez Barclay pour mon album. On est en train de préparer l’album de Kulu Ganja qui participe au disque et nous avons deux producteurs qui travaillent avec nous en Belgique. C’est vrai que cet album est la vitrine du label, sa carte de visite.
Dans Miss, vous chantez le new jack. Il y a une école du new jack à la française ?
L’école, je crois qu’on l’a ratée. Les anciens, ceux qui ont la trentaine, ont acquis cette culture que nous, à 25 ans, avons ratée. Moi, j’ai capté cette culture par la force des choses, parce que j’ai été attiré par les techniques musicales. Comme j’aimais la musique, je me suis dirigé vers un style personnel et il n’y avait en France qu’une seule personne qui était très technique, c’était Teddy Riley. Le new jack swing s’est éteint et le R’n’B a pris la place avec des bpm plus lents, une technique d’approche différente avec de nouvelles machines. Le sampler a été une révolution dans le hip hop. C’est ce qui lui a permis d’être compatible avec l’industrie du disque en France.
Le r’n’b a-t-il eu raison du rap ?
Non, je ne pense pas. Le r’n’b commence à faire ses preuves, mais la France avait besoin de renouveau, le rap est là depuis une quinzaine d’années. Il n’y a pas que le R’n’B qui entre en compte, il y a le dancehall qui commence à arriver avec Sean Paul, Wayne Wonder, Benny Man, Eléphant Man. Ce sont d’autres cultures, plus reggae. Je pense que le "peuple" a besoin de renouveau et cela permet aux rappeurs de se ressouder, de retrouver un nouveau "style", un nouveau son comme ils l’ont fait aux Etats-Unis.
Le R’n’B n’évolue-t-il pas un peu vers la variété ?
Ceux qui veulent évoluer vers la variété, c’est leur problème, mais nous en sommes aux antipodes. Quand il y a des émissions que l’on trouve crédibles, où l’on peut au moins nous ouvrir le micro pour chanter, on vient. L’erreur est humaine pour certains. Mais nous, on est plutôt là pour détrôner la variété. Moi, je suis en mission pour ça. Et puis il y a toute cette industrialisation de la musique: ces labels qui pourrissent la vie de jeunes à la télévision en voulant les propulser stars du jour au lendemain. Ces jeunes de Star Academy, qui sont des multi instrumentistes à la base, à qui l’on apprend à danser, à chanter, tout ça pour faire un album de reprises, je trouve cela vraiment dommage. Mais les gens commencent à en avoir assez, c’est un phénomène qui va s’éteindre comme les boys bands.
Vous aussi avez fait une reprise, mais elle semble plus honnête. C’est L’oeuvre de Dieu, d’après Tell It Like It Is de Aaron Neville. C’est un retour aux sources ?
C’est du pur rythm’n blues, c’est La culture. Nous, on appelle ça R’n’B, mais c’est une nouvelle génération de rythm’n blues. Il y a quelques morceaux comme ça de la discothèque de mon père qui sont gravés dans ma tête. Je peux être sous ma douche, dans un bois perdu, j’ai envie de le chanter. Quand j’aurai 50 ans, je crois que je l’aurai toujours en moi.
Pierre René-Worms
Matt Chant de bataille (Barclay-Universal)