GILBERT LAFFAILLE

Après un peu plus de vingt-cinq ans de carrière et un chemin fait de hauts et de bas, Gilbert Laffaille a voulu faire un point. Le travail s’achève aujourd’hui avec la sortie de l’album Dimanche après-midi, un spectacle piano-voix pendant plus d’un mois à Paris, le second recueil de ses textes, un DVD et enfin, un CD live.

Le bilan en un Dimanche après-midi.

Après un peu plus de vingt-cinq ans de carrière et un chemin fait de hauts et de bas, Gilbert Laffaille a voulu faire un point. Le travail s’achève aujourd’hui avec la sortie de l’album Dimanche après-midi, un spectacle piano-voix pendant plus d’un mois à Paris, le second recueil de ses textes, un DVD et enfin, un CD live.

Vous ne trouverez pas homme plus occupé en ce moment que Gilbert Laffaille. Il affiche pourtant un air décontracté et peu fatigué. Il vous jauge d’abord sans avoir l’air d’y toucher, pose une distance polie et déverse la parfaite présentation de son actualité en homme pragmatique qu’il sait être. Mais peu à peu le vernis craque, la défense se fissure. L’homme retrouve son franc parler. Il narre franchement le fond de sa pensée, quels que soient les noms ou les situations : "J’ai eu cinq ans de succès, dix ans moins faciles, dix ans de traversée du désert et ces derniers temps, ça va assez bien." Aucun fatalisme, aucun grincement de dent, juste un constat.

Ce travail de bilan, Laffaille l’avait commencé en 1996 avec la sortie de l’album Tout m’étonne, une sélection de chansons réenregistrées, parcourant ses (alors) vingt années de carrière, le tout agrémenté d’inédits. Aujourd’hui, le second volet sort sous le titre de Dimanche après-midi, une initiative a priori non préméditée : "Je ne pensais pas en faire un second. Mais le numérique n’existait pas avant et j’avais plein de choses qui étaient en voie d’être perdues. Sans compter que les nouvelles générations ne me connaissaient pas… J’aimais bien l’idée d'un panorama de ce que j’ai fait. Je crois que c’est légitime après cinquante ans de vouloir faire le bilan. Mais il n’y en aura pas de troisième, ça c’est sûr! Ou alors ce serait vraiment des fonds de tiroirs et cela ne serait pas très bon. Il y a des choses que je n’ai volontairement pas voulu réenregistrer. Il y en a même que je ne mettrai jamais et j’espère que personne n’aura l’idée de ressortir des originaux que j’aimerais voir disparaître! Dans une carrière il y a du déchet évidemment et j’ai préféré faire une sélection qu’une intégrale. Pour ce second j’ai retrouvé des choses écrites pour d’autres, des chansons récentes dont je n’avais pas aimé les arrangements originaux, comme Boule d’amour par exemple ou Magritte. Malgré tout, je n’ai pas pu mettre 21 plages comme dans le premier, je ne suis parvenu qu’à 16."

 

Premier bilan

Bref, le bilan se termine. Une manière de s’apercevoir que chez Laffaille, il y a toujours eu des ingrédients incontournables comme les bossas tendres, les regards caustiques sur la société, l’attrait pour les rythmes exotiques des Caraïbes, d’Afrique ou du Brésil, les contemplations, la farce… Et cela des plus anciennes chansons présentes comme Dimanche après-midi, Nettoyage de printemps ou Hamac et bananiers, aux fraîchement écrites. A noter parmi ces cinq inédits, deux petits bijoux d’écriture: Tom du Mali (sur une musique de Romain Didier) et la Java sans modération.

Parmi les titres que l’on connaissait déjà de Gilbert Laffaille, il y a pourtant quelque chose de profondément changé, une atmosphère différente des enregistrements originaux. La première hypothèse pourrait être celle du chanteur redécouvrant son travail. Le déni est immédiat: "Vous savez, pour faire un album, il me faut bien trois ans. Je mets du temps à écrire une chanson. A partir du moment où j’ai l’idée, je mets facilement un mois pour faire paroles et musique en y travaillant tous les jours! Donc je sais très bien ce qu’il y a dans mes chansons, je ne peux pas les "redécouvrir". En revanche, j’ai aimé les changer de climat. Quelques personnes m’ont parlé de Dimanche après-midi par exemple en la qualifiant de chanson érotique, cela m’a amusé ! C’est vrai que lorsque je l’ai écrite j’avais 25 ans. Je n’ai plus vraiment l’âge de faire l’amour sur le tapis, je préfère les lits confortables, mais c’est marrant… Tout cela ce sont des idées que je n’avais pas du tout eues au début. Mais j’ai eu beaucoup de succès très vite et comme je ne connaissais alors pas grand chose on m’en imposait beaucoup. Après j’ai fait le chemin à l’endroit, j’ai eu des épreuves, des difficultés…"

Gilbert Laffaille a aujourd’hui l’estime de l’ensemble du métier. Reconnu pour ses talents d’auteur, il a toujours ajouté à son arc d’autres talents comme celui de comédien par exemple. Et pour s’en convaincre, il n’y a qu’à jeter un œil aux sketchs du spectacle qu’il tient jusqu’au 5 avril au Théâtre de Dix heures. Il n’y a finalement que les médias qui boudent le bonhomme, le jugeant parfois un peu jauni, démodé. Une démission qui ne semble pas affecter profondément le chanteur: "Il y a bien des groupes de jeunes qui se sont lancés volontairement dans le refus du médiatique, comme Tryo ou Louise Attaque. C’est le bouche à oreille qui fonctionne. Gérard Manset ou Thiéfaine, c’est pareil, leurs carrières se sont faites en dehors des médias. C’est vrai que chez moi, il ne s’agit pas d’une stratégie, si on me dit "Viens !", j’y vais."

Une pause définitive ?

Et cette fois-ci Laffaille espère bien susciter les invitations médiatiques. De toutes les façons, si cette actualité ne faisait pas plus bouger les choses qu’à l’habitude, l’avenir est déjà envisagé: "Je me lancerai complètement dans le one man show, ce qui me trotte dans la tête depuis un bout de temps. Il y aurait les livres pour enfants et peut-être le théâtre aussi, la littérature… Et puis il y a très longtemps que j’ai envie de dessiner! Franchement, s’il ne se passe rien de particulier, je ferai une pause, une parenthèse peut-être même définitive avec la chanson. Je peux m’en passer, finalement c’est un prétexte. Moi ce qui m’intéresse, c’est de composer un univers, des rêves, des images, travailler dans un certain sens. Je ne veux pas finir au Don Camillo (cabaret parisien à l'image désuète, ndlr) à 70 ans! Il n’en est pas question. S’accrocher jusqu’à la dernière extrémité à une parcelle de gloire non, non, non! Je n’ai pas besoin de monter sur scène, je n’ai pas besoin d’écrire. J’ai besoin de rapports humains, d’échanges, de reconnaissance en tant qu’individu particulier. C’est tout! Les circonstances ont fait que j’exerce cette activité plutôt que de m’allonger sur le divan d’un psy."

Et Laffaille de rechausser ses lunettes, de sourire après réflexion et de conclure son bilan : "Je suis très heureux, j’adore bricoler, j’adore jardiner, j’aime beaucoup marcher, lire, voir des expositions… Je n’ai pas forcément besoin de rajouter la vanité à cela. Sur terre il y a déjà eu Baudelaire, Duke Ellington et Mozart… Que voulez-vous rajouter de plus."

Marjorie Risacher

Gilbert Laffaille / Dimanche après-midi (Créon Music/Virgin)

Gilbert Laffaille est au Théâtre de 10 Heures, 36 Bd de Clichy, Paris 18. Si vous souhaitez des places (deux au maximum par personne) pour les 1, 2, 3, 4 ou 5 avril, vous pouvez déjà nous envoyer vos nom et prénom par mail.