Arthur H quartet

Quatre musiciens en smoking, un totem électro-spatial, un théâtre à la beauté brut, tel est le cadre visuel de la série de concerts que donne Arthur H jusqu'au 13 juillet à Paris. Il avait toujours rêvé de jouer aux Bouffes du Nord. Le rêve se réalise, porteur d'un travail visuel réussi, mais d'un répertoire musical parfois inégal.

L'artiste investit les Bouffes du Nord à Paris.

Quatre musiciens en smoking, un totem électro-spatial, un théâtre à la beauté brut, tel est le cadre visuel de la série de concerts que donne Arthur H jusqu'au 13 juillet à Paris. Il avait toujours rêvé de jouer aux Bouffes du Nord. Le rêve se réalise, porteur d'un travail visuel réussi, mais d'un répertoire musical parfois inégal.

Prévu le mardi 2 juillet, le premier concert d'Arthur H aux Bouffes du Nord a été annulé par les intermittents du spectacle, artistes et techniciens, actuellement en pleine lutte pour protéger leurs droits et revenus qu'ils considèrent mis en danger par un actuel projet de loi du gouvernement français. Partout en France, les manifestations culturelles de l'été, tournées et surtout festivals, sont, de la même façon, menacés de grèves, d'annulation ou de perturbations. Dès leur entrée dans la salle des Bouffes du Nord, aux parois d'un rouge cramoisi, savamment usées par le temps, les spectateurs peuvent lire des projections sur le mur : "Solidarité", "Culture en danger". Tout est dit. Arthur et son équipe sont en phase avec le mouvement. Mais ce soir, le chanteur confie à son public : "J'ai trouvé plus beau de jouer et d'être avec vous. Je verrai plus tard ce que je ferai…". A plusieurs reprises, il fera allusion à ce combat qui touche ces jours-ci le monde du spectacle dans son ensemble.

C'est d'ailleurs ainsi que l'on apprend que la tenue d'Arthur et de sa bande – tous en smoking, magnifiques - est due à cet événement : "C'est en solidarité parce que le smoking, ça veut dire le travail !". Les circonstances font bien les choses, le smoking étant un décalage bienvenu dans l'univers global du chanteur, ici mis en scène par Ken Higelin, son demi-frère, et éclairé par Daniel Levy (non, pas celui des 10 Commandements…). Autour de H., l'incontournable Brad Scott, le complice des premiers jours, bassiste et contrebassiste drôle et flegmatique, le guitariste Nicolas Repac, multi instrumentiste tendance bidouillages sonores, et le batteur Franck Vaillant. Tous les quatre sont surveillés par un immense jeu de construction en forme de croix, chargé d'objets hétéroclites, boule à facettes, loupiottes, ressorts, une télé, un mannequin de couturière avec un métronome en guise de cache sexe et un petit autel aux senteurs d'encens, le tout répondant à des commandes électroniques qui le font s'animer et s'illuminer tel un R2D2 étrange et chaleureux.

Les deux heures de spectacle dont essentiellement consacrées au dernier album, Négresse blanche, véritable panthéon de figures, pour Arthur H., fascinantes : Bo Derek, Nancy Reagan et son Tarzan de mari, les héros de bande dessinée Lady X (l'ennemie jurée de Buck Danny) et Spiderman, Maxime Brunerie (qui a tenté de tuer Jacques Chirac en juillet 2002), le chanteur Christophe ou encore l'étrange Lily Dale, héroïne de l'auteur de science-fiction Jon-Antoine Nau. Le groupe est excellent, le public a le sourire aux lèvres, le son est clair mais l'ambiance tarde à prendre, le délire demeure parfois morne, aucune mélodie récente ne sortant du lot contrairement aux atmosphères saisissantes du Baron noir ou de La Lune. C'est quand le groupe se lance dans de longues phases instrumentales qu'il se passe vraiment quelque chose. Sur Chérie, on est transporté dans un film de Kusturica, puis démarre un set electro pop sixties que ne renierait pas Bertrand Burgalat et son A.S.Dragon. Enfin, sur la fin, une transe techno-psychédélique envahit le théâtre sous l'oeil animé du robot géant en pleine activité, hypnotisant le public dans une lumière bleutée. On finit un instant par oublier l'artiste et se croire sur un dance floor fascinant et anonyme.

Et puis, le compositeur se transforme quelques fois en seul interprète et là, quand il lâche sa sublime voix, c'est un plaisir. C'est ainsi que ses versions – certes pas inédites, de nouvelles auraient été bienvenues - de Nue au soleil de Bardot (joli striptease déhanché du chanteur…), de Chem Cheminée extrait de Mary Poppins ou mieux encore, d'Alabama Song de Kurt Weil et Bertolt Brecht lors du rappel sont autant de petites cerises sur le gâteau. Sans oublier l'ingrédient indispensable chez Arthur H : l'humour, toujours là, latent, second degré, à l'image du très British Brad Scott et de son irrésistible imitation d'un Eddie Constantine revisité par les Monty Python.

Depuis ses premiers concerts jazzy dans la minuscule salle des Follies Pigall's en 1990, coincé derrière son piano, à ce cadre inouï des Bouffes du Nord, Arthur H maîtrise désormais l'espace scénique. Il bouge, danse, va et vient, s'oublie parfois dans une poésie déclamatoire à l'image d'un père qui, ce soir-là, l'observe attentivement derrière ses petites lunettes de sexagénaire et l'applaudit avec chaleur. Arthur H est un brillant musicien, un artiste-explorateur, libre penseur, jamais satisfait, dont la curiosité le distingue avantageusement de ses collègues qui déclinent à l'infini leur fond de commerce. Même dans l'imperfection, il nous étonne. Qu'il en soit toujours ainsi.

Négresse blanche (Polydor/Universal)

Aux Bouffes du Nord jusqu'au 13 juillet puis en tournée des festivals : les Francofolies de La Rochelle (17) le 16, les Vieilles Charrues de Carhaix-Plouguer (29) le 19, Festival de la Pleine Lune à Payzac (07) le 25, festival "les Voix du Gaou" à Six-Fours (83) le 27,le festival de jazz deNice (06) le 28 et le 1er août aux Francofolies de Montréal.