Lara Fabian
Parmi les Québécoises aux cordes vocales musclées, il y a les pionnières comme Céline Dion, celles qui ont pris le train en marche comme Isabelle Boulay ou les petites nouvelles qui briguent le poste avec succès comme Natasha Saint-Pier. Puis, au milieu, il y a celles qui surfent sur la vague sans trop boire la tasse mais sans casser la baraque non plus. C'est un peu le cas de Lara Fabian qui s'est baladée pendant tout le mois de septembre entre Paris, Montréal et Bruxelles pour lancer son 6ème album en 10 ans intitulé Nue.
Où va t-elle ?
Parmi les Québécoises aux cordes vocales musclées, il y a les pionnières comme Céline Dion, celles qui ont pris le train en marche comme Isabelle Boulay ou les petites nouvelles qui briguent le poste avec succès comme Natasha Saint-Pier. Puis, au milieu, il y a celles qui surfent sur la vague sans trop boire la tasse mais sans casser la baraque non plus. C'est un peu le cas de Lara Fabian qui s'est baladée pendant tout le mois de septembre entre Paris, Montréal et Bruxelles pour lancer son 6ème album en 10 ans intitulé Nue.
Non, Lara Fabian n'est pas devenue strip-teaseuse. Elle n'a pas non plus sombré dans l'exhibitionnisme. A la suivre jusque dans son studio d'enregistrement installé dans un quartier huppé de Montréal, on ne parvient pourtant jamais véritablement à comprendre pourquoi ce disque se nomme ainsi.
Sur les Champs Elysées, dans les cafés de Bruxelles ou les bars branchés de Montréal, s'il y a une chose que Lara Fabian fait rarement, c'est bien de se mettre à nue. Dans l'univers de ce que les spécialistes nomment la "pop adulte", il faut dire que cela se fait rarement. Lara Fabian a beau avoir écrit 11 textes sur 13, sur des mélodies de son éternel complice Rick Allison, rien n'y fait. Cela n'a pas empêché le disque de se retrouver à la deuxième place du Top 50 dès sa sortie. Partout cependant, Nue fut reçu très froidement par la critique aussi bien française que québécoise qui y a surtout vu l'album d'après les déboires de celle qui devait partir à la conquête des Etats-Unis.
God Bless America
Car si Lara Fabian revient à la francophonie, c'est après quelques infortunes aux Etats-Unis. Que l'on se souvienne. Il y deux ans, Lara Fabian n'en avait que pour l'Oncle Sam. Elle allait jouer du coude avec Mariah Carey, Whitney Houston et Toni Braxton. Le chemin était tout tracé dans le sillage de Céline Dion. Surtout que cette dernière se préparait à pouponner. L'artiste avait donc délaissé le marché francophone pour enregistrer son premier disque en anglais intitulé Lara Fabian. Sony Music n'avait rien négligé. L'an dernier, la chanteuse est apparue dans quelques grandes émissions de télé comme The Today Show (l'émission matinale la plus regardée aux Etats-Unis) et Entertainment Tonight.
Depuis deux ans, Lara Fabian a bien remporté quelques disques d'or ou de platine. Mais, ce fut au Brésil, au Portugal, en Allemagne, en Suisse et en Norvège. Rien chez les Yankees qui sont restés de glace. Il faut tout de même reconnaître qu'à force de tourner sur les radios, I Will Love Again a connu un certain succès. Reste qu'une bonne partie des deux millions d'exemplaires de ce premier album anglais s'est en réalité vendu dans la francophonie. C'est de bonne guerre, Lara Fabian prétend aujourd'hui qu'il n'y a jamais eu de "rêve américain". Simplement le goût d'aller voir ce qui se passe chez ces "grands enfants" que sont les citoyens des Etats-Unis. La curiosité quoi…
"Ma vie est une valise!"
Parions pourtant que ceux qui l'ont entendue au sud de la frontière canadienne ont pu s'imaginer qu'elle venait du Dakota. Après tout, les Français croient bien qu'elle est française. Et les Belges qu'elle est belge. La question fait hausser les épaules à cette artiste italo-belge qui vit depuis dix ans en partie au Québec et qui a la nationalité canadienne.
Car, Lara Fabian n'a pas vraiment de pays. Alors que l'Europe lui mettait des bâtons dans les roues, elle a jeté son dévolu sur le Québec. Alors qu'elle y triomphait, elle rêvait de la France. Quand l'Hexagone l'a acclamée, elle n'avait plus de yeux que pour les Etats-Unis. Aujourd'hui qu'elle vient d'y connaître quelques déboires, la revoilà de retour dans la francophonie. "Mon sang est italien, mon cœur est québécois et ma chair est belge", nous a-t-elle confié. "C'est vrai que je suis un caméléon. Ma vie est une valise !"
A cinq ans, Lara Fabian rêvait déjà de parcourir le globe. Après avoir chanté sans succès dans les cabarets belges, elle fait une apparition au concours Eurovision en 1988, comme représentante du Luxembourg. C'est alors qu'elle choisit le Québec. "J'ai acquis un certain professionnalisme grâce au Québec, dit-elle, qui est une vitrine, un endroit où on a droit à l'erreur. En France, tout est tellement conservateur. Il faut avoir 35 ans d'âge et 20 ans d'expérience pour réussir. C'est impossible." Céline Dion avait fait appel à Jean-Jacques Goldman pour percer le marché français. Il y a quelques années, avec ses propres textes, Lara Fabian a minutieusement "calibré" l'album Pure en fonction du public de l'Hexagone. Pure était "une stratégie en direction de la France", confia-t-elle au quotidien France-Soir. Comment transformer un succès québécois en succès français ? Tout simplement "en épurant un peu les choses". Contrairement aux Québécois qui font "sonner les mots", dit Lara Fabian, les Français préfèrent les textes plus littéraires et "les sons épurés".
La recette est vieille. Elle a même été inventée par Robert Charlebois qui, depuis 20 ans, calibre minutieusement ses albums pour ménager ses fans des deux côtés de l'Atlantique. En sept mois, Lara Fabian vendit alors 700.000 albums et 1,5 millions de singles. Aidée du producteur Jean-Claude Camus, elle parvint même à se faufiler jusque sur la scène du Stade de France pour y chanter une chanson en duo avec Johnny Hallyday.
Rien au hasard
Il faut dire que cette femme de 31 ans a un don réel sur scène. Lara Fabian débarque chaque fois dans les studios de télévision avec une équipe de huit personnes, incluant son ingénieur du son et sa maquilleuse. Les télés françaises ne font que du play-back ? Qu'importe, Lara Fabian, elle, fait du live, dans la plus pure tradition québécoise. Pas question de remuer les lèvres. "Ah, vous chantez ?", lui répond-on à chaque fois, gêné.
L'aura québécoise a été pour elle une merveilleuse carte de visite. Les journalistes parisiens ne se sont jamais fait prier pour accepter les voyages de presse dans sa "cabane au Canada". Combien de journaux français ont écrit que Lara Fabian avait fait une tournée triomphale au Canada alors qu'elle n'avait jamais dépassé Ottawa. Combien ont applaudi la vedette nord-américaine alors qu'elle est toujours inconnue sur les neuf dixièmes du continent.
Lara Fabian a beau confier qu'il n'y a "pas de recette, pas de structure, pas de stratégie fondamentale" et que "les choses se mettent en place toutes seules", elle ne laisse rien au hasard. "Je suis très organisée, je ne suis pas du tout bordélique. J'ai vraiment une structure d'affaires impeccable". La vedette a parfois le ton d'un véritable chef d'entreprise : "J'ai toujours envisagé une carrière internationale (…). D'ailleurs, j'ai toujours considéré les Etats-Unis comme une étape. L'Europe représente tout de même 65% du marché".
Cela ne l'empêche pas de déclarer aussitôt en soupirant que "le pire, c'est de vouloir devenir riche et célèbre", que "c'est un mauvais plan !" En attendant, Lara Fabian a dû réajuster le sien et réapprendre à séduire les francophones. Avant, qui sait, de se relancer un jour à la conquête de l'Oncle Sam. On ne se refait pas.
Christian Rioux
Lara Fabian Nue (Polydor/Universal) 2001
