CLERC A SINGAPOUR
Singapour a encore changé. Singapour change tout le temps. Nouveaux buildings, nouvelles galeries marchandes, nouveaux téléphones portables, avec oreillette intégrée cette fois, pour ne plus jamais être déconnecté.
Suite et fin d'une tournée avortée
Singapour a encore changé. Singapour change tout le temps. Nouveaux buildings, nouvelles galeries marchandes, nouveaux téléphones portables, avec oreillette intégrée cette fois, pour ne plus jamais être déconnecté.
Singapour ne change pas. Gaie comme un coffre-fort, sans le petit grain de folie qui fait de Hong-Kong, construite sur les mêmes valeurs hyper-matérialistes, une cité attachante.
Singapour devait être une étape dans la tournée asiatique de Julien Clerc. C'en sera la fin. Dommage. On aurait pu rêver mieux pour clore ce périple entamé il y a un mois aux Etats-Unis. On espérait surtout les concerts de Canton, Shangaï, et Pékin. Mais la conjoncture internationale devait en décider autrement : effets collatéraux. Cela est évidemment anecdotique face aux vrais drames qui se jouent chaque jour dans les Balkans ; il n'empêche que cette tournée asiatique se disloque après trois dates seulement, Julien Clerc décidant d'annuler également Taipeh.
Heureusement, le concert de Singapour restera mémorable, la belle salle de Victoria -française à 99%- réservant à Juju un accueil enthousiaste. Seule fausse note : une longue liste de sponsors annoncée juste avant l'entrée en scène du chanteur, et qui aura le don d'irriter l'artiste : " on aurait pu mettre ça ailleurs " grommellera-t-il avant de rejoindre son piano.
Un peu de fatigue, quand-même, pour tout le monde. Pour que Clerc oublie les paroles de " Femmes Je Vous Aime ", un titre qu'il a dû interpréter un bon million de fois, c'est qu'il est temps de rentrer à la maison ! Petit accroc que l'artiste saura gérer avec tout le professionnalisme qu'on lui connaît, repartant de plus belle vers un final endiablé. Ce n'était pas un concert de Clerc en Asie, c'était une rencontre franco-française à Singapour. Ce qui n'est pas un problème en soi -les Français du cru ayant, plus que tous les autres, droit à un petit plaisir culturel… Simplement cette tournée, Asie et Amérique, était basée sur la rencontre avec de nouveaux publics ; un postulat qui a globalement tenu ses promesse d'Ottawa à Phnom-Penh, et qu'on aurait aimé voir se reproduire pour la dernière date.
RFI- Fatigué mais content ?
J.C.- Oui. J'aime vraiment cette formule de spectacle acoustique. Non seulement parce qu'elle permet de tourner léger, mais parce qu'elle est plus " communiquante ". Elle demande plus de performance vocale, je n'ai rien pour me rattraper si ma voix me lâche ; avec deux musiciens seulement (ndlr : Jean Schulteis -piano- et Hervé Brault-guitares-) on passe partout, on discute avec tout le monde. Les gens sont moins intimidés, aussi, pour venir à votre rencontre.
RFI- Au Cambodge on vous a senti heureux, même si la scène était un peu envahie !
J.C. - Je trouve ce pays extrêmement chaleureux, et en demande d'échanges. J'ai bien vu que la chanson française avait perdu pas mal de terrain, mais si les artistes y allaient plus souvent on n'en serait pas là.
RFI- Vous trouvez que les chanteurs français ne sortent pas assez ?
J.C.- Oui. Pensez qu'aux USA j'étais le premier chanteur français, depuis quinze ans, à faire plus de dix dates -Aznavour mis à part ! On sait bien qu'en matière de musique populaire il y a une culture dominante, et une logique économique qui ne nous est pas favorable. Mais si on baisse les bras, ça ne s'arrangera pas. Il y a des organismes qui font du bon boulot : l'AFAA, les Centres Culturels, l'Alliance Française ; les artistes doivent les aider. Mais, bien sûr, il ne faut pas le faire pour l'argent.
RFI- Le faire pour quoi, alors ?
J.C.- Pour le plaisir. A Phnom-Penh, je me sentais un peu comme un ambassadeur de la chanson française, et j'en étais fier. Et puis, vous avez entendu cette chorale de jeune filles interpréter " Ce n'est Rien " ? C'est émouvant, si loin de chez nous.
RFI- Vous étiez déjà venu dans la région ?
J.C.- En 74, lors d'une tournée au Japon, j'avais reçu une lettre très touchante du lycée de Saïgon. Alors, en rentrant, j'ai fait un crochet par le Vietnam. Je n'avais pas pu emmener mes instruments mais, à l'arrivée, tous les orchestres du coin se sont mobilisés pour nous prêter les leurs, et on a pu jouer. J'en avais gardé un souvenir très fort.
RFI- Pas trop déçu de ne pas aller en Chine ?
J.C.- Bien sûr que si. Mais ce n'est que partie remise : je vais le reprogrammer pour cet hiver. En espérant que, d'ici là, tout sera rentré dans l'ordre.
Propos recueillis par Jean-Jacques Dufayet