Julien Lourau

C'est un peu le Peter Pan du sax jazz en France. Poussant toujours plus loin l'exploration de la musique, ce musicien soufflant de 30 ans accompagné de son "gang" virevolte des musiques rock à l'Afrique en passant par l'Europe centrale et toujours ce vieux fond jazz qui (qu'on) lui colle à la peau. Car appelons un scat, un scat : ce saxophoniste ténor est plus près des rythmes ternaires de Miles Davis ou de Michael Brecker que des bêlements fiévreux de Lara Fabian… Mais même chez les orthodoxes du swing bien tempéré son jazz peu académique arrive à faire se hérisser quelques poils…

"Je respecte l'avis de ces gens-là. Je continue de lire leurs articles dans les mensuels spécialisés mais ce n'est pas cela qui va m'empêcher de faire la musique que je veux" assène le lauréat des Victoires du jazz 99. Or donc, voilà que le disciple de John Lurie & The Lounge Lizards, l'ancien pensionnaire de l'Orchestre National de Jazz (promotion Laurent Cugny), l'un des partenaires privilégiés de la grande Abbey Lincoln a décidé de donner un nouveau tour à sa musique. Après deux albums groove, le voici qui au bout de sept ans de jazz funk bien orchestré renouvelle son personnel et embauche de nouveaux musiciens pour un tournant trip hop.

 

 

"La sortie de l'album est prévue pour mars.. Ce sera quelque chose de beaucoup plus électrique que ce que j'ai fait auparavant" annonce t-il avec une impatience non dissimulée. "'Il faut dire que depuis que je suis allé vivre à Londres, j'avais envie de me diriger vers des sonorités, une musique plus actuelle. D'utiliser ces sons-là. J'allais pas mal aux soirées drum'n bass du Blue Note, Metal Heads, les soirées indiennes où des mecs comme Talvin Singh mélangent techno et musique indienne, les sons garage et house, qui m'ont bien plus. J'ai beaucoup écouté les travaux de Frédéric Galliano où il a fait faire pas mal de remix sur son label Frikywa avec Nahawa Doumbia, une sorte de James Brown féminin. Remarquable. Du coup dans le groupe, ça devient quelque chose basé sur les mêmes rythmes sauf que c'est le batteur qui joue les rythmes drum'n bass. Il peut très bien jouer jazz par-dessus une rythmique house ou garage. De plus les DJs avec qui je tourne depuis presque un an peuvent lancer toutes sortes de boucles par-dessus".

Lourau ne renie pas pour autant l'aspect ethnique qui a toujours figuré en incrustation dans sa musique, du quartet bosniaque de Bojan Z aux rythmes asymétriques à son propre groupe en passant par les expérimentations africaines du violoncelliste Vincent Courtois. "En 1992", se souvient-il, "je suis allé au Kenya, au Burundi, au Soudan et au Rwanda avec Vincent. Et je suis retourné au festival de St Louis au Sénégal, il y a deux ans. L'impression et les attentes par rapport à cette expérience étaient très fortes. Ce fut vraiment un truc qui m'a ressourcé et qui m'a fait commencer le Groove Gang. J'ai monté le groupe en rentrant de cette première tournée de janvier 92."

Et l'amateur de Fela Kuti et de Salif Keita de s'étonner…"Paradoxalement, la culture afro-américaine au niveau du jazz n'est pas vraiment connue en Afrique. J'ai vu des musiciens camerounais jouer de la siko à fond la caisse, à des rythmes incroyables ! Mais au niveau du swing, je n'ai pas rencontré de musicien batteur ou bassiste qui avait ce sens-là du rythme. Je pense que c'est avant tout un problème de diffusion parce qu'en Afrique ce n'est pas facile de trouver des cassettes ou encore des disques".

Alors, Julien Lourau prend son sax de pèlerin et va prêcher la bonne parole et son groove festif de Conakry à Lagos, de Ouaga à Abuja. La tournée africaine à peine achevée, le voila qui se dirige vers l'Amérique centrale où on pourra l'entendre le 27 novembre à San Salvador et le 30 au Théâtre national de San José au Costa Rica. "Au niveau musical toute l'Amérique latine est assez splendide. Haïti m'a particulièrement impressionné avec ce double aspect caribéen et african-roots. C'était étonnant de découvrir cette source africaine très authentique, presque inaltérée, aussi loin du continent."
 

Discographie :
" Groove Gang " 1995 Label Bleu/ Harmonia Mundi
" City Boom Boom " 1998 Warner Music