Alain Chamfort, une vie dans les variétés
De Manureva à Bambou, Alain Chamfort a laissé quelques tubes énormes aux grandes années du 45 tours. Il a appartenu à la deuxième génération du rock français – celle des Jacques Dutronc et Michel Polnareff, est entré dans l’écurie de Claude François, a conquis le cœur des préadolescentes avec L’Amour en France. Gros client de Serge Gainsbourg puis chanteur affichant énergiquement son indépendance, il a fini par symboliser, à l’aube du XXIe siècle, le malaise s’instaurant entre artistes et maisons de disques, notamment avec le fameux clip des Yeux de Laure qui le montrait en chanteur au chômage. Voici que toute cette carrière est retracée avec une série de 3 coffrets (l’essentiel des albums) ou une imposante intégrale de 20 CDs (avec faces B, inédits, duos, concerts, raretés…). Retour sur quelques épisodes d’une carrière hors norme avec un chanteur qui n’a jamais été dupe ni du succès, ni de l’insuccès.
Interview
De Manureva à Bambou, Alain Chamfort a laissé quelques tubes énormes aux grandes années du 45 tours. Il a appartenu à la deuxième génération du rock français – celle des Jacques Dutronc et Michel Polnareff, est entré dans l’écurie de Claude François, a conquis le cœur des préadolescentes avec L’Amour en France. Gros client de Serge Gainsbourg puis chanteur affichant énergiquement son indépendance, il a fini par symboliser, à l’aube du XXIe siècle, le malaise s’instaurant entre artistes et maisons de disques, notamment avec le fameux clip des Yeux de Laure qui le montrait en chanteur au chômage. Voici que toute cette carrière est retracée avec une série de 3 coffrets (l’essentiel des albums) ou une imposante intégrale de 20 CDs (avec faces B, inédits, duos, concerts, raretés…). Retour sur quelques épisodes d’une carrière hors norme avec un chanteur qui n’a jamais été dupe ni du succès, ni de l’insuccès.
RFI Musique : Le premier groupe avec lequel vous avez enregistré, les Mods, venait quelques années après le début du rock en France mais semblait toujours imiter les Anglo-Saxons…
Alain Chamfort : C’est vrai que c’est une musique un peu étrange parce que sous l’influence directe de ce que l’on écoutait, alors qu’en même temps on n’était pas de cette culture-là. On avait un autre passé que les Anglo-Saxons, pour qui cette musique était vraiment en continuité avec leur culture. Quand j’étais enfant, j’écoutais à la radio Mouloudji ou Edith Piaf, des rengaines, des musiques plus marquées par notre culture que ce courant anglo-saxon arrivé dans les années 60. On essayait de se rapprocher de cette musique adaptée à notre génération et qu’on ne maitrisait pas encore très bien. Nous, nous avions encore forcément de la distance, ce que nous faisions était un peu pâlichon, ne pouvait pas faire totalement illusion. Mais, jusque-là, il n’y avait eu que des copieurs d’Elvis Presley, comme Eddy Mitchell.
Musicien et chanteur dans un groupe, comment vous êtes-vous trouvé sur le devant de la scène ?
Les transitions se sont faites graduellement. J’ai toujours eu le temps de m’adapter à chaque nouvelle situation parce que ça n’a jamais été un choc. La première fois que je me suis senti devoir assumer le rôle de chanteur, c’est avec Claude François, pour qui j’écrivais des chansons, quand il m’a proposé d’enregistrer ce qui a été mes premiers disques sous le nom de Chamfort. Très vite, comme ces chansons passaient un petit peu à la radio, il m’a amené, de façon totalement improvisée en première partie d’un de ses concerts. Un matin, je suis arrivé pour travailler normalement dans son petit hôtel particulier pour faire des chansons, et le soir je me suis retrouvé face à 3 ou 4000 personnes qui attendaient Claude François. Ça a été un peu brutal.
A l’époque de Manureva et de l’album Poses, votre voix est particulièrement haut perchée et exaltée…
Les Beach Boys, Patrick Juvet, Michel Polnareff ont beaucoup chanté comme ça, aussi. A cette époque, je sortais de l’emprise de Claude François. Il était dans l’énergie, il avait une formation de batteur. Sur scène et sur disque, il avait quelque chose de très volontaire et une manière très rythmique de chanter qui m’a effectivement beaucoup marqué. Comme je n’avais pas de puissance, je faisais passer la conviction en scandant, en me plaçant – sans doute trop – sur le temps. L’interprétation du texte en souffrait beaucoup parce que je m’appuyais seulement sur des effets sonores et musicaux quand je chantais. J’utilisais ma voix comme du son, comme un instrument plus que comme un véhicule de sens. Et c’est petit à petit que les choses se sont transformées, que j’ai déplacé mon propre intérêt et mes attentes pour la chanson.
Dans les années 80, vous étiez derrière un duo à succès, A caus’ des garçons. Comment est-ce arrivé ?
C’était une espèce de coup comme le permettaient les années 80 : les maisons de disques donnaient les moyens, il y avait un marché pour des 45 tours comme celui-là. Même des gens qui n’étaient pas destinés à faire une grande carrière pouvaient connaitre l’expérience de l’enregistrement. Donc, deux filles que je connaissais par ailleurs ont eu envie d’être dans la lumière le temps d’un 45-tours. Je n’étais pas très chaud au départ et, finalement, ça a été une expérience sympathique parce qu’elle a marché et qu’elle n’a pas généré ensuite de frustration : ces deux filles étaient dans le milieu de la mode et quand elles se sont retrouvées à faire des podiums sur le réseau FM de nos campagnes et à dormir dans les Formule 1 (ndlr : chaînes d'hôtel bon marché), elles ont découvert la vie de chanteur et n’ont pas persévéré.
Après plus de quarante ans de carrière, auriez-vous des conseils à donner à de jeunes artistes sur ce qu’il ne faut pas faire dans ce métier ?
Je sais ce que moi je n’ai pas fait, mais je ne sais pas si c’est adaptable pour les autres. Je vois que les gens qui ont une certaine hargne, bien souvent, finissent par s’imposer. Moi, je ne me suis jamais vraiment imposé ; je me suis proposé, je dirais. Et au hasard de ces propositions, il y a des gens qui s’y sont attachés. Mais chaque fois que j’ai essayé d’imposer des options particulières – à part les options artistiques, ça n’a jamais marché. Tout ce qui a marché, c’est quand je ne me suis pas battu pour l’obtenir.
Alain Chamfort L’Intégrale, 3 coffrets de 4 cds (XIII Bis Records)
Alain Chamfort L’Intégrale, un coffret de 22 CDs et 2 DVDs, à paraître le 26 février (XIII Bis Records)