Tanya Saint-Val
Un nouvel album, Ansanm, première réalisation de son label Netty Prod, et l'Olympia le 16 décembre. Une fin d'année chargée pour la charmante Tanya.
Tendance soul-zouk
Un nouvel album, Ansanm, première réalisation de son label Netty Prod, et l'Olympia le 16 décembre. Une fin d'année chargée pour la charmante Tanya.
RFI : Vous avez toujours été fascinée par la soul music, le blues et le jazz. Or votre nouvel album, Ansanm, est toujours dans l'ambiance zouk...
Tanya St-Val – J’ai effectivement à cœur de faire un album de soul. Cette musique, je l’ai au fond de moi. J’adore Erika Badu et Angie Stone. Les chansons sont prêtes. D’ailleurs, juste après mon concert au Zénith, en 2000, j’avais beaucoup travaillé dans cette direction, et j’avais proposé à ma maison de disques de l'époque, Sony, d’enregistrer un album de soul ou de R’nB français, mais ils n’ont pas été emballés...
D’où ce cap maintenu sur le zouk ?
Je sais faire du zouk, je sais le chanter, gérer un studio, alors…C’était une solution qui me faisait de toute façon plaisir. En tout cas, Ansanm, je l’ai pensé, j’y ai réfléchi et je me suis dit: «Fais un bel album de zouk». Je n’ai pas de regrets, car je suis très contente de ce produit.
Le fait nouveau c’est qu' Ansanm est produit par Netty Prod, votre société de production ?
Netty Prod est en effet mon label, et ce disque est ma première production. J’ai d’ailleurs l’intention de produire à l’avenir de jeunes artistes. En fait, j’en suis arrivée à monter cette société pour avoir plus de liberté, ce qui a été le cas pour l’enregistrement de cet album. Et puis, j’ai compris qu’en matière de zouk, par exemple, les majors ne savaient pas comment s’y prendre...
Vous avez maintenant les coudées franches. Alors, pourquoi pas ce fameux disque de soul-R’nB ?
Si vous voulez le produire, il n’y a pas de problème! (rires). Je n’ai pas trouvé les gens qui seraient à même de le produire. Mais, je vous le répète, je souhaite m’offrir ce cadeau.
C’est une question de coût ? Combien vous a coûté ce disque ?
(Silence) Disons entre 23 000 et 30 000 euro, ce qui est un beau budget pour un disque de zouk.
Pourquoi quatre ans de silence entre Secret et Ansam ?
D’abord, je me suis mariée et j’ai mis au monde des jumeaux. J’ai donné aussi beaucoup de concerts. Enfin, mon avant-dernier album m’avait laissé un goût amer. Je ne me suis jamais sentie à l’aise. Il est vrai que c’était la première fois que je travaillais seule, que j’étais aux commandes et cela m’a fait peur… J’ai donc voulu prendre mon temps pour le disque suivant.
Pour en revenir à Ansanm, on retrouve votre approche du zouk, notamment dans Nyango Ohé ou Caribbean Feelin’. Et il y a un titre qui paraît particulièrement réussi, Only Pou Mwen...
Merci. J’avais envie de faire un duo avec Slaï qui est, à mon avis, un des jeunes chanteurs antillais les plus prometteurs. Il a des capacités vocales extraordinaires. Son dernier album fait d’ailleurs un malheur.
Et puis, il y a des titres où, mine de rien, les harmonies bluesy sont pleinement assumées et où les arrangements lorgnent vers la soul. Je pense à Tant qu’on aime, Solitude ou Psaume 23 ...
Ca, c’est ma griffe! Le soul-zouk.
Vous avez composé sept titres. Vous jouez d’un instrument ?
Non, d’aucun. J’ai des mélodies qui me trottent dans la tête, je les fredonne sur un dictaphone et les livre à un musicien ou un arrangeur.
En revanche, vous n’avez pas écrit un texte...
J’ai déjà essayé, mais je ne me trouve pas bonne dans cet exercice. J’ai d’excellents paroliers avec qui je travaille, notamment mon mari, Eric Lefèvre. Alors, pourquoi m’en faire? Je sais ce que je veux aborder dans chacune des chansons, compte tenu de la mélodie et de ce qu’elle m’évoque. Et je demande à mes auteurs de m’écrire quelque chose sur le thème que j’ai choisi.
D'ailleurs, quels changements dans vos textes ! Quasiment plus de «Mwen aime ou», mais des textes, disons sociétaux...
Je suis maman, j’ai des choses à dire et à dire aux jeunes! Avant je chantonnais ce qu’on me disait de chantonner. C’est fini maintenant! En zouk, les titres ne sont pas très variés, les paroles assez fades. Je voulais me démarquer de ce genre de produits après quinze ans de carrière et mettre certaines choses au point.
Par exemple ?
Il y a d’abord ces trois titres, Solitude, qui parle de cette fameuse esclave, héroïne de l’histoire antillaise, Tous ces hommes qui évoque le combat de Jules Delgrès et Sa Mwen Ka Mandéw. On voulait offrir au conseil régional de la Guadeloupe un CD-trois titres pour marquer le bicentenaire de la révolte de Delgrès face au rétablissement de l’esclavage, en 1802. On l’a distribué dans les écoles et les collèges de l’île pour que les jeunes n’oublient pas et on les a repris sur Ansanm. Adonaï parle de Rosa Barth , cette femme qui refusa de s’asseoir dans un bus de l’Alabama aux places réservées aux gens de couleur. Le mouvement des droits civiques démarra avec cet épisode. Cette chanson parle également de Vélo, célèbre tambourinaire de gwo-ka, qui fut trop longtemps méprisé par mes compatriotes. J’ai voulu évoquer aussi dans Caribbean Feelin’ notre métissage qui est notre vraie force, notre identité. J’ai enfin eu envie de parler de nos frères haïtiens, que certains ont tendance à rejeter en Guadeloupe. Pour ce faire, j’ai fait deux duos, avec Alan Cavé dans Vyé Frè et Emeline Michel dans Universelle. Tous deux originaires de cette île qui fut, ne l’oublions pas, la première république noire de l’Histoire.
Vous évoquez les fermetures de toutes ces usines sucrières aux Antilles dans ce très beau titre appelé Anmwé. Une chanson écrite par votre père, Tino St-Val. C’est une vieille chanson ?
Pas du tout! Il l’a écrite pour moi. Et je trouve magnifique la façon dont il a évoqué toutes ces richesses que nous en sommes en train de brader qui est notre patrimoine économique, avec le chômage que cela entraîne.
Pouvez-nous parler de votre concert du 16 décembre, à l’Olympia ?
Le public va être sacrément étonné, c’est tout ce que je peux vous dire! Je chanterai, bien entendu, pas mal de mes succès. Mais la première partie sera, disons, plus traditionnelle. Mais ça, c’est une surprise !
Sébastien MOLYNEUX
Tanya St-Val Ansanm (Netty Prod / Créon Music) 2002