French Kiss Tour en Inde
En France, elles ont rarement partagé les mêmes scènes. Il aura fallu un voyage en Inde de dix jours autour de la Fête de la Musique, pour que Mademoiselle K, Anaïs et Emily Loizeau, se retrouvent sur la même affiche à l’occasion d’une tournée inédite, baptisée French Kiss tour. Du 18 au 29 juin, neuf concerts sont organisés par les Alliances Françaises, dont trois dates exceptionnelle où les trois chanteuses jouent ensemble à New Delhi, Bombay et Bangalore.
Avec Mademoiselle K, Anaïs et Emily Loizeau
En France, elles ont rarement partagé les mêmes scènes. Il aura fallu un voyage en Inde de dix jours autour de la Fête de la Musique, pour que Mademoiselle K, Anaïs et Emily Loizeau, se retrouvent sur la même affiche à l’occasion d’une tournée inédite, baptisée French Kiss tour. Du 18 au 29 juin, neuf concerts sont organisés par les Alliances Françaises, dont trois dates exceptionnelle où les trois chanteuses jouent ensemble à New Delhi, Bombay et Bangalore.
Il y a quelques années, leurs parents auraient certainement rêvé de ce voyage à l’autre bout du monde, de ce trip vers l’Inde mythique, en version pataugas et patchouli "Haré Krishna à mort" comme le chantait Renaud. Plus de trente ans après les voyages initiatiques des Beatles et autres piliers de leur Ipod, Anaïs, Mademoiselle K et Emily Loizeau, entendent cette opportunité musicale d’une autre oreille. Devenues pour ce voyage, ambassadrices de la chanson française, elles ont porté leur musique inédite en s’invitant avec leur propre univers dans la patrie de Bollywood et de Ravi Shankar : de New Delhi, Chandigarh, Pune, Kolkata (Calcutta), Mumbai (Bombay), Hyderabad, Chennai (Madras) à Thiruvananthapuram (Trivandrum) et enfin Bangalore sans changer leur show. Partout, elles ont succédé à des groupes indiens sans tenter de plaquer des influences locales à leur démarche artistique.
Loin des années 1970
"Nous sommes des enfants des années 1970. J’ai un amour profond pour le son de ces années. Nos parents ont rêvé l’Inde hippie, qui nous fascine aussi, mais nous avons une autre distance car notre époque est différente et l’Inde aussi a beaucoup changé. Je me sens moins en quête de mysticisme que de nourriture spirituelle. Je n’ai pas besoin de trouver un gourou, j’ai juste envie de rencontrer des gens, ici car il y a une énergie incroyable !" sourit Emily Loizeau.
Loin des ashrams et des cours des Maîtres, les trois chanteuses sont venues avant tout pour donner des concerts et rencontrer un public déjà conquis puisqu’il a pu découvrir leur musique à la radio et à la télévision en amont, notamment sur le MTV locale, la chaîne VH1.
Elles sont du coup certainement plus connues ici que les Beatles à leur arrivée !"Je ne sais pas si les groupes des années 1970 étaient venus pour faire des concerts. En voyant les conditions électriques, le jus qu’on se prend dans le micro, je ne sais pas si c’était possible ajoute Mademoiselle K du haut de ses éternels bottes de cuir, jean et perfecto en ce début de mousson indienne. Ils étaient venus pour autre chose. Ma mère a toujours rêvé de l’Inde, pour le côté flower power, mais finalement elle n’a jamais osé y aller. C’était trop mythique. Moi je garde mes bottes car c’est le prolongement de mes pieds et surtout ça ne m’empêche pas de m’imprégner. Je rêverais de prendre un cours de sitar ici, et si un maître me demandait de me changer, je le ferai car pour moi la musique est au-dessus de nous. Moi aussi j’ai un rituel avant de monter sur scène, je ne suis pas la même, je me change."
En attendant de trouver un sitar électrique à un prix abordable en Inde et de venir prendre des cours, Mademoiselle K reste pragmatique. Elle s’est dégotté un harmonium (clavier indien) à Calcutta, mais surtout elle réalise un autre rêve, celui de jouer avec son groupe à la Fête de la Musique : "depuis mes 15 ans, j’avais trop envie de faire comme ceux que je voyais jouer dans la rue ! L’an dernier, mon premier concert pour la fête de la musique avec le groupe dont j’ai toujours rêvé s’est fait en Chine, et cette année en Inde !".
Rencontres avec un nouveau public
Comme elles l’expliquent à l’envi aux nombreux journalistes venus couvrir la tournée, même si elles chantent toutes en français et en anglais, chacune est venue avec une perspective artistique bien particulière. Anaïs ouvre les concerts communs, seule avec sa guitare, sa pédale, ses boucles et son Cheap Show qui développe une vision du couple, du "bonheur d’être maman", de "la vie est dure" ou de l’Ecosse avec son humour et sa gouaille habituels. "Il y a beaucoup de couleurs dans la voix d’Anaïs, c’est une explosion de sons et de musiques. Nous n’avons jamais vu une telle performance" s’enthousiasme Nittin, spectateur de Trivandrum, au sud du pays .
Emily Loizeau, elle, déroule son voyage poétique de l’autre bout du monde en version acoustique au piano, accompagnée d’un violoncelle, d’une batterie, (et occasionnellement d'une flûte), baignée de lumières douces et d’une performance vidéo live onirique. "C’était tellement original, si dramatique, si brillamment mis en place. Emilou (sic) est si adorable et si touchante. SVP revenez, nous avons besoin de ce son !" frissonne Marlin après le concert de Bombay.
"Mademoiselle K a la force brute de PJ Harvey, la bizarrerie des Pixies et des Stone Roses, la tension constante de Radiohead, c’est la traduction française de blitzkrieg" écrit le très sérieux quotidien Indian Express après le concert de Calcutta. "Je pourrai rester pendant deux jours à écouter sans manger !" ajoute le technicien de Tv Taha, venu filmer le concert, encore emporté par le final et l’impro du groupe de Mademoiselle K..
Carnatique, spirituelle, codifiée ou compressée par les processeurs des radios FM : en Inde, la musique s’infiltre partout, entre les cris des klaxons et le croassement des corbeaux, avec une dimension particulière. "J’ai eu l’impression que le public était particulièrement embarqué quand je pars dans des directions un peu barrées, que je parle de Mars ou de plonger dans les nuages" sourit Mademoiselle K.
Hormis leur nationalité, leur amour pour le son des 1960-1970 ou Gainsbourg, Anaïs, Emily Loizeau et Mademoiselle K ont peut-être en commun ce supplément d’âme, ce second degré, cette écriture aussi fraîche et inattendue que leurs performances scéniques. Loin des sourires sucrés des stars de Bolywood, ou de la révolution prônée par les groupes indiens qui les précèdent, elles croquent la solitude, les peines de cœurs, la jalousie, l’hésitation ou la dure vie, sans démagogie ni superficialité, mais au risque de déranger ce nouveau public. "Ça ne me choque pas qu’Anaïs chante sa haine du couple ou de Christina, ou que Mademoiselle K et Emily Loizeau évoquent la jalousie, répond Sandjeep, du groupe Rainbow Bridge de Madras. Chaque artiste écrit sur son vécu". Et c’est certainement cette "mise en lumière de leur part d’ombre" en version française que le public indien plébiscite à chaque concert.