CD DE LA SEMAINE : MENELIK
Paris, le 7 avril 2000 - Ménélik, voilà un type cool à qui la vie à l'air de sourire. Son nouvel album "O.Q.P" (Sony/Small) vient de paraître et cet homme tranquille semble savoir ce qu'il veut. En dehors de tout clan ou famille, Ménélik fait sa vie et sa musique. Rencontre avec l'intéressé.
Indépendance Hip Hop
Paris, le 7 avril 2000 - Ménélik, voilà un type cool à qui la vie à l'air de sourire. Son nouvel album "O.Q.P" (Sony/Small) vient de paraître et cet homme tranquille semble savoir ce qu'il veut. En dehors de tout clan ou famille, Ménélik fait sa vie et sa musique. Rencontre avec l'intéressé.
Un an que l'on attendait cet album, vous étiez vraiment trop occupé ?
Cet album devait sortir il y a un an. On a du tout refaire. Quand j'écoutais les morceaux, je n'étais pas content. On a complètement re-arrangé le tout. Je voulais vraiment être fier de cet album et c'est pour ça que ça a pris tout ce temps-là.
L'étape du deuxième album passée, voici le troisième…
On me disait qu'avec le deuxième album, il fallait confirmer… Là on me dit qu'avec le troisième, c'est celui de la maturité… Je ne crois pas qu'il faille se mettre de pression sur le dos. Il faut simplement faire la musique comme on sait la faire. Le plus important est de faire ce qu'on a envie de faire. C'est ce qui marque les gens. Si on essaie de faire quelque chose de préfabriqué, dans une intention précise, ça ne fonctionne pas forcément.
Parlez-moi de votre album, de ses orientations générales. Sont-elles différentes de ce que vous aviez fait jusque-là.
Elles sont différentes, mais je reste égal à moi-même. Il y a des chansons très conviviales d'une part et d'autre part, il y aussi des chansons plus dures avec des sujets plus pointus. Des thèmes que je n'abordais pas sur les albums précédents, la banlieue, l'inceste, le Front National, les histoires d'amitié un peu foireuses, etc. Les thèmes sont plus mûrs. J'ai pris un peu de bouteille.
Dans "Saison de pluies", vous revenez sur votre identité. Vous écrivez "Ma négritude se perd/chaque jour en moi je fouille/encore plus dure à dire quand mon peuple se souille".
A mon sens, il est consternant de voir que le Noir combat le Noir. Le Noir ne respecte pas le Noir et ça me fait vraiment mal. Je me place du point de vue ethnique. C'est un constat que je fais. Les guerres tribales en Afrique font énormément de morts. C'est vraiment triste. C'est une des raisons qui fait mourir l'Afrique, le fait que le tribalisme ait autant d'importance alors que la Nation devrait en avoir davantage.
Le morceau suivant débute par "Je viens du 93", symbole finalement d'une certaine culture "banlieue" à laquelle on associe souvent ce département. Cela veut-il dire que dans votre esprit, il y a deux cultures, africaine et française, qui se côtoient ?
C'est l'histoire de ma vie pour l'instant. Je suis arrivé en France à l'âge de 7 ans. J'ai très vite atterri en banlieue et ça fait 22 ans que je ne suis pas retourné au Cameroun. J'ai été nourri à l'essence de la banlieue et en même temps, j'ai des origines camerounaises que mes parents me rappellent. Je peux donc écrire des chansons comme "Saison de pluie" (NDLR : sur laquelle chante sa propre mère Angèle Tjamag) ou "9.3". Au-delà de ça, c'est aussi un constat par rapport à la jeunesse des banlieues qui là encore se perd et s'embrouille pour n'importe quoi. Finalement, je me dis que c'est peut-être la nature humaine que de se battre pour rien.
Vous chantez de plus en plus. N'est-ce pas la tendance actuelle de voir le rap glisser vers la variété ?
C'est un peu normal car c'est quelque chose qui nous fait fantasmer en tant que rappeur. On a tout le temps des références de chanteurs en tête. On a toujours envie de donner un coté moins dur que le rap. Forcément, on arrive alors à des ambiances plus mélodiques.
Vous soignez votre look (voir la pochette du disque), on sait que vous plaisez aux filles. Vous jouez un peu avec ça, non ?
Non. Si je jouais de ça, je ne pense pas que je me serais marié. J'aime bien parler des filles des problèmes qu'elles rencontrent, de choses qui arrivent dans le couple. C'est naturel car proche d'une réalité qui me concerne aussi. Avoir une stratégie, un plan d'ensemble qui viserait les filles spécialement, non. Elles sont peut-être plus sensibles à ce que j'écris et à la façon dont j'écris.
La presse vous a vite catalogué rappeur gentil et inventif comme Mc Solaar, votre copain ? Cette image vous convient-elle ?
C'est un peu énervant dans le sens où on est un peu mis dans une boîte. C'est un peu chiant d'être catalogué. En même temps, ça plaît à certaines personnes et c'est plus commode. Je ne m'en étonne pas et je fais ce que je sais faire, c'est tout. Le temps permettra peut-être de voir toute l'étendue de ce qu'on sait faire. On verra.
Pour terminer, quel regard portez-vous sur le hip hop français en ce début d'année 2000 ? Est-ce une famille dont vous faites partie ? Non, ce n'est pas une famille dont je fais partie malheureusement. D'emblée, les bons penseurs du hip hop ou ses censeurs m'ont catalogué dans le rap variété. En même temps, cela ne me déplaît pas car de ce fait, je suis un peu moins stéréotypé. J'essaie justement de faire ce que j'aime et d'aller dans diverses directions. A mon sens, le rap malgré le fait qu'il y ait des groupes talentueux comme 113 par exemple, ils ont tendance à faire toujours la même chose, à suivre les mêmes exemples. Moi j'ai envie d'avoir un peu plus de liberté. C'est pour ça que je ne fais pas le rap comme tous les autres. J'en suis content, je me démarque un peu. J'aime quand on dit : Ménélik, c'est Ménélik et pas autre chose. J'essaie de faire mon truc de mon côté. C'est la seule manière d'être inventif et de garder un peu de fraîcheur dans ce qu'on fait.
Propos recueillis par Valérie Passelègue