Cesaria Evora
Diva de la morna, prêtresse du blues tropical, Cesaria nous revient avec son huitième album studio, São Vicente di longe enregistré entre Paris, La Havane et Rio de Janeiro. Après Café Atlantico, elle prolonge ses pérégrinations transatlantiques à la rencontre des musiciens d'Orquesta Aragon, de Chucho Valdez et Caetano Veloso. Et se rapproche des Etats-Unis avec un étonnant gospel métissé de morna, Bondade e maldade, composé par Teofilo Chantre.
Césaria est désormais universelle et demeure l'artiste de "world music" la plus connue à travers le monde en ce début de millénaire.
La Diva nous enchante
Diva de la morna, prêtresse du blues tropical, Cesaria nous revient avec son huitième album studio, São Vicente di longe enregistré entre Paris, La Havane et Rio de Janeiro. Après Café Atlantico, elle prolonge ses pérégrinations transatlantiques à la rencontre des musiciens d'Orquesta Aragon, de Chucho Valdez et Caetano Veloso. Et se rapproche des Etats-Unis avec un étonnant gospel métissé de morna, Bondade e maldade, composé par Teofilo Chantre.
Césaria est désormais universelle et demeure l'artiste de "world music" la plus connue à travers le monde en ce début de millénaire.
RFI Musique : Dix ans après Mar Azul, votre nouvel album São Vicente di longe (São Vicente - île dont vous êtes native- vu de loin) fait toujours référence au Cap-Vert. La Saudade est toujours ancrée en vous ?
Cesaria Evora: Moi, je vis au Cap-Vert. Et São Vicente di Longe a été composé par un Cap-Verdien exilé en Angola, qui avait cette Saudade de son île. Et cette nostalgie, je l'ai aussi quand je suis à l'étranger, comme n'importe quel Cap-Verdien, car c'est quelque chose que nous avons intimement en nous, ce sentiment de Saudade.
Votre Saudade nous rappelle le blues. On vous compare encore fréquemment à une Billy Hollyday tropicale. Avez-vous le sentiment d'être proche des racines du blues ?
Je pense que c'est un peu pareil car il y a toujours dans le blues ce sentiment de souffrance qu'ont vécu les Noirs américains. Et chez nous, au Cap-Vert, cela a existé à l'époque coloniale. Il y a la même façon d'exprimer ce sentiment. D'ailleurs, quand je chantais pour l'élite portugaise à Lisbonne, j'apportais ma morna, je chantais en créole. J'ai toujours voulu que ce soit la morna qui prime, je n'ai jamais voulu chanter le fado.
On avait déjà préparé toutes les rythmiques avec mes musiciens cap-verdiens à Paris. Puis je suis partie à Cuba enregistrer avec les musiciens d'Orquesta Aragon et nous avons réalisé avec Chucho Valdez le morceau Negue. Ensuite, on est revenus en France apporter quelques améliorations. De là, j'ai retrouvé Caetano Veloso, à Rio, qui a mis sa voix sur les musiques enregistrées par mon groupe à Paris. Quant à Pedro Guerra, avec lequel je chante en duo Tiempo y silencio, lui a fait le trajet en sens inverse venant de Rio à Paris pour l'enregistrement. Les derniers mix ont été réalisés à Paris.
Cet album comporte trois duos, toujours avec des hommes. Vous êtes toujours aussi sentimentale ?
Bien sûr, toujours sentimentale ! Avec Caetano Veloso c'est une histoire très intéressante. La première fois que je l'ai rencontré, c'était en 1994, il est venu chanter Negue avec moi. Mais je ne chante pas qu'avec les hommes, vous savez. J'ai chanté avec Marisa Monte et bientôt avec une chanteuse polonaise: Kaya. En fait, c'est au feeling que ça se passe.
Etes-vous heureuse du succès rencontré à travers le monde auprès des jeunes et des moins jeunes ?
C'est quand même marrant après tout ce temps passé à galérer, de devenir universelle. Je peux collaborer aussi bien avec de grands artistes au Brésil ou aux Etats-Unis et ça me plaît.
Disons que la musique cap-verdienne a existé avant moi, mais j'ai eu la chance de la faire voyager, traverser les mers, les airs. Je crois que je me sens quand même concernée. Avant on me demandait souvent où se trouvait le Cap-Vert. Maintenant on me le demande beaucoup moins.
N'avez-vous pas l'impression d'avoir été précurseur de la mode du "papy-mamie revival"? Aujourd'hui, on voit des artistes comme Compay Segundo ou Henri Salvador revenir au premier plan après de longues éclipses.
C'est vrai que l'on avait oublié la musique cubaine. Et là on voit Compay, à plus de 90 ans, redonner vie à cette musique, et ça c'est formidable. Au Brésil il y a la "La Viela Guarda do Portel", ce sont des femmes très âgées qui font des rythmes sur leurs cuisses. C'est de la samba, mais de la vieille samba, c'est formidable. Je pense que ces artistes méritent d'être connus.
A près de 60 ans, vous avez encore une longue carrière devant vous…
En août prochain, j'aurai 60 ans et j'espère continuer encore longtemps, mais je ne chanterai pas avec des béquilles, sans voix. Suivre le chemin de Compay n'est pas un but pour moi.
Des Dj's ont fait des remix de vos chansons. Que ressentez-vous en écoutant ces interprétations ?
Oui, j'en ai écouté pas mal, mais ce n'est pas vraiment ma musique. Je suis quand même quelqu'un de beaucoup plus posée. Pour les jeunes, c'est bien, j'en écoute à la maison. Il y a même des jeunes Cap-Verdiens qui rappent sur Miss Perfumado. Moi, je n'aime pas beaucoup, mais les jeunes eux adorent ça, ils savent facilement jouer avec les mots, moi je ne comprends pas.
La techno non plus?
Ce n'est pas une musique que j'apprécie vraiment, mais ça ne me dérange pas. Moi, j'ai mes chanteurs préférés. Nat King Cole, s'il était toujours vivant, j'aurais tout fait pour le rencontrer. Comme Franck Sinatra, Edith Piaf, Amalia Rodrigues, ce sont des grands artistes qui me vont droit au cœur. Le seul qui soit encore vivant, c'est Charles Aznavour. J'ai été le voir lors de son dernier récital au Palais des Congrès à Paris et j'ai été dans sa loge après le spectacle, je l'ai embrassé, il m'a offert son CD, je lui ai offert le mien, on a parlé et maintenant on est copains.
Non, non je ne compose pas. C'est une coïncidence. J'étais chez moi, j'avais prêté ma voiture à un ami, il ne revenait pas. J'ai attendu, je me suis énervée. Il y avait un copain qui m'a dit" chanson.
Sur votre dernier album vous avez composé une chanson. Vous commencez une carrière d'auteur ?
Non, non je ne compose pas. C'est une coïncidence. J'étais chez moi, j'avais prêté ma voiture à un ami, il ne revenait pas. J'ai attendu, je me suis énervée. Il y avait un copain qui m'a dit "Avec tout ce que tu viens de dire, on pourrait faire une chanson". J'ai dit "Ah bon, tu crois ?" et je me suis mise à écrire, mais j'ai retiré les mots vulgaires. C'est moi qui avais des courses à faire et c'est lui qui avait ma voiture. Ça m'a énervée, j'en ai fait une chanson.
Pour en savoir plus sur Cesaria Evora, consultez sa biographie
Cesaria Evora São Vicente di longe (BMG/Lusafrica) 2001