L'AUSTRALIE ÉCOUTE LA FRANCE

Sydney, le 5 mars 2002 - L'Australie serait-elle une terre d'accueil pour les artistes français ? A travers quelques exemples, essentiellement issus de la scène électro, mais aussi d'une certaine tradition via les Titis métissés de Paris Combo, l'engouement semble évident. Récit d'une saison franco-australienne.

Ou le succès des musiciens français aux antipodes.

Sydney, le 5 mars 2002 - L'Australie serait-elle une terre d'accueil pour les artistes français ? A travers quelques exemples, essentiellement issus de la scène électro, mais aussi d'une certaine tradition via les Titis métissés de Paris Combo, l'engouement semble évident. Récit d'une saison franco-australienne.

Alors que l’été austral touche à sa fin, les organisateurs de soirées et d'événements sont déjà en train de planifier les fêtes de la saison 2002-2003. Et il est certain qu’ils comptent sur les Français pour y mettre de l’ambiance. "Les numéros français ont du succès depuis longtemps, et pas seulement du fait de leur origine.", prétend Matt Bright, l’organisateur de la Field Day Party. Et il ajoute : "Il y a d’excellents producteurs dans le monde entier. Je ne pense pas qu’un pays plus qu’un autre soit leader en matière d’électro, chaque pays a des domaines dans lesquels il excelle. Mais c’est sûr que certains artistes français, comme Air par exemple, ont inventé un son très particulier et sortent vraiment de l’ordinaire." Brett Robinson, organisateur d’événements, déclare aussi : "Nous allons sans aucun doute accueillir de plus en plus de Français dans le futur", et il admet qu’il surveille de près des artistes comme Cassius, Etienne de Crecy et Alex Gopher pour ses programmations à venir.

Un nouvel an made in France

"Je crois que le public australien trouve les DJs français vraiment cool. Il aime à la fois leur musique et leur look. Le 31 décembre dernier, la façon dont la foule a réagi était vraiment impressionnante, surtout quand Bob [Sinclar] et Dimitri [from Paris] ont passé des morceaux connus. 3000 personnes les mains levées, c’était vraiment un spectacle étonnant !" Depuis qu’il a invité, il y a quelques années, Erik Rug et Ivan Rough Trade, Brett Robinson adore faire venir les DJs français. En 2001, sa collaboration avec le collectif Respect Is Burning a donné lieu à la New Year’s Party la plus prisée de Melbourne. Et en 2000, la Dance Party organisée dans le Hall des Expositions avait déjà attiré au moins 5.000 personnes, toutes subjuguées par les sets de Dimitri, Derrick Carter et Roger Sanchez. C’est dans le cadre plus intime du Good Sheds que s’est déroulée la soirée Respect Is Burning 2001, pendant laquelle Dimitri From Paris, Bob Sinclar et DJ Yellow ont à nouveau séduit une foule de 3.000 personnes. La reprise par Sinclar de I Was Made for Loving You, le titre phare du groupe Kiss, a tout simplement magnétisé les fêtards.

D’après Sinclar, les fêtes prennent une ampleur de plus en plus grande en Australie, et du coup, elles perdent de leur intimité. "Mais là-bas, même les grandes fêtes sont beaucoup plus sympas et chaleureuses qu’en Europe." Et il ajoute, ravi d’échapper pour quelques jours à l’hiver parisien : "Tu quittes Paris au mois de décembre, il pleut, il fait froid et glauque. Quand tu atterris en Australie, c’est le paradis." Mais c’est également beaucoup de travail. L’emploi du temps australien de Dimitri a été particulièrement bien rempli. La nuit de la Saint Sylvestre, il a fait une session à la Bondi Beach de Sydney entre 3 et 4 heures du matin. Puis, d'un coup de jet, il s'est retrouvé au Good Sheds de Melbourne jusqu’à 5 heures, avant de repartir direct pour Paris ! Tout ça en une nuit ! Et pourtant, Dimitri revient chaque année depuis trois ans. Mais qu’est-ce qu’il a donc de spécial le public australien ? D’année en année, les étés se parent d’une touche de plus en plus française. "Je crois que les Australiens ont toujours eu un faible pour les artistes français, mais je pense aussi, qu’avec le temps, ce penchant s’est accru" déclare Brett Robinson. C’est Dimitri from Paris, dont l’album A Night at the Playboy Mansion a été un succès ici, qui a le plus contribué au développement de la French Touch en Australie. L’album a vraiment permis aux fans de dance ici, et même à un public plus vaste, de découvrir le son et le style français."

Et puis, toujours d’après Robinson, une pointe de glamour à la française n’a jamais fait de mal aux affaires. "Tout ce qui est français est pourvu d’une certaine élégance et d’une certaine classe qu’aucun autre pays au monde n’est capable de produire. La France est synonyme de raffinement, comme le vin et la mode, et la musique ne fait pas exception. La présence de DJs français attire les célébrités et la jet set, et pousse le public à s’habiller pour la circonstance. Je crois que l’association « French House et Disco » provoque une certaine fascination, et dégage un mystère qui séduit un public mode et branché.

Llorca

A propos de branché, parlons de Llorca dont le bien nommé New Comer, son dernier album, sorti en France sur le label F-Com, s'est déjà vendu à 10.000 exemplaires en Australie où il est distribué par le label du moment, le très hip Creative Vibes. C’est également cette maison de disques qui organise l'opération Vibes on A Summer’s Day, une série de dance parties qui font le tour des grandes villes australiennes. Lors de la dernière édition, du 23 janvier au 3 février derniers, Llorca a sillonné le continent australien, en première partie de DJ soul, Norman Jay, et de Jamiroquai, la star excentrique du funk britannique, jouant devant des foules de 10.000 personnes.

Après un concert très réussi dans la ville de Perth, Llorca a essuyé un revers à Sydney où, en raison de conditions sonores épouvantables et du manque d’ambiance autour de la scène principale, il n'est pas parvenu à établir un réel contact avec le public. Par la suite, Llorca a réussi quand même à remplir The Basement, la meilleure salle de jazz de Sydney, en dépit d'une campagne de promotion désastreuse orchestrée par l’équipe de Creative Vibes et l’organisateur de la tournée, et de l’annulation d’une date à Brisbane. Là, l’intimité de la salle a permis à Llorca de casser la baraque. L’auditoire du Basement a adoré et des passages de plus en plus fréquents sur les FM locales et nationales ont fini par sensibiliser un public de plus en plus vaste à travers le pays. Harald Lundell du label F-Com a alors affirmé que ça vaut vraiment le coup de jouer en Australie : "Faire une tournée en Australie, c’est un peu comme aller en Italie ou au Portugal. Le public ici ressemble à celui du Sud de l’Europe dans sa façon de réagir à la musique. C’est plus facile pour nous de faire salle comble en Italie par exemple qu’en France. Et c’est la même chose en Australie.»

La spécificité Paris Combo

Dans un genre loin de l'électro, plus proche d'une certaine tradition, les Paris Combo sont un des exemples actuels du succès des Français à travers le monde, et en particulier en Australie. Depuis sa création il y a huit ans, ils ont lancé des défis au public par ses choix sonores inhabituels. En janvier 2002, alors que le groupe parcourt l’Australie pour la deuxième fois seulement, les concerts ont lieu à guichets fermés à travers le pays. A Perth, les artistes sont ovationnés par le public. Et leur passage au Basement de Sydney confirme des qualités à la fois techniques et scéniques. La voix superbe de la chanteuse Belle du Berry ne souffre en rien du charme toujours renouvelé de cette dernière et du charisme quelque peu irrévérencieux dont elle sait jouer. Quant à David Lewis, son complice australien expatrié en France, il jongle entre piano et trompette avec un brio certain.

La mixité de Paris Combo est à l’image de la scène musicale parisienne actuelle. Mais l’ironie, c’est qu’en France, le groupe ne veut surtout pas être affublé de l’étiquette world dont ils sont pourtant toujours affublés hors de l'Hexagone. Leur son très tricolore, emprunte au répertoire de la chanson de cabaret des années 20 et 30, et semble donc assez "world" dès qu'on quitte la France. David Lewis, le trompettiste du groupe, définit ce terme : "Il s’agit plus d’une appellation marketing qu’autre chose, mais elle a ouvert des horizons nouveaux à de nombreux artistes qui ne chantaient pas en anglais. J’ai parlé avec des responsables de la programmation musicale dans des musées et des centres culturels aux Etats-Unis qui m’ont dit que ce n’est que depuis trois-quatre ans qu’ils peuvent organiser une saison d'événements autour de la world music. C’est bien sûr une bonne nouvelle pour nous".

Et c’est une bonne nouvelle pour les ventes également ! Le dernier album de Paris Combo, intitulé Attraction, s’est déjà vendu à plus de 40.000 exemplaires depuis sa sortie en novembre 2001. Sans compter que le public se l’est arraché lors de la tournée "estivale" du groupe. Ce qui place Attraction en bonne voie pour la première place de leurs ventes australiennes.

Quels seront les prochains élus français dans le cœur du public australien ? Rendez-vous au prochain épisode d'un feuilleton qui ne fait visiblement que commencer.

Michael Kessler

Pour plus de nouvelles sur les tournées des Français à l'étranger, consultez french-music.org