Henry Padovani, solo en guitare pour le Corse du punk-rock anglais

Henry Padovani. © TBC

Auteur d’un nouvel album intitulé I Love Today sur lequel il se fait chanteur, le guitariste français Henry Padovani est aussi au cœur du film Rock’n’Roll…Of Corse qui revient sur la vie de ce musicien s’étant illustré avec de nombreux groupes britanniques dès la fin des années 70. Portrait.

La voix est grave. Bluesy. De celles qui sentent le vécu, sans artifice. Qui disent quelque chose avant même que les mots prennent leur sens, et créent un contexte dans lequel les paroles ont une résonnance particulière. I love Today, le morceau qui ouvre l’album du même nom, reflète la philosophie carpe diem d’Henry Padovani, exposée avec une grande tranquillité. Sans empressement, sur une mélodie à peine chantée. Lou Reed n’est pas loin. Peut-être que le Français avait vu, en août 1977, le concert de l’ex-Velvet Underground à Mont-de Marsan, au lendemain du festival punk où lui venait de se produire avec son groupe de l’époque, alors inconnu : The Police.

S’il fait bien partie de l’histoire du célèbre trio anglais, ou du moins de ses tout débuts, le guitariste peut aussi légitimement se targuer d’avoir été à l’origine de son éphémère reformation, en 2007 : pour son premier album sous son patronyme, intitulé À croire que c’était pour la vie et paru l’année précédente, il était parvenu à réassocier le chanteur Sting et le batteur Stewart Copeland, en froid.

Quelques mois plus tard, les membres de The Police montaient sur la scène du Stade de France et l’invitaient en retour à les accompagner, le temps d’un titre. L’épisode a naturellement trouvé sa place dans le film Rock’n’Roll…Of Corse, un documentaire sorti au cinéma ces jours-ci, dont l’idée est venue à l’esprit du réalisateur Lionel Guedj après la lecture de The Secret Police Man, une autobiographie d’Henry Padovani, publiée en 2006.

Rolling Stones et Beatles

Passé et présent, pour le musicien, semblent toujours intimement liés, que ce soit dans son approche de l’enregistrement qu’il a voulu analogique sur son nouvel album – parce que cela privilégie "la performance" -, mais aussi dans le choix des reprises : Play With Fire des Rolling Stones, ou encore Long Long Long des Beatles. Les quelques disques des Fab Four qu’il pouvait écouter dans la maison familiale, durant son enfance, font partie de ceux avec lesquels il a tenté de reproduire à la guitare ce qu’il entendait.

Pendant trois années, il a délaissé le modèle espagnol qu’un oncle lui avait donné quand il habitait avec sa grand-mère, en Corse. C’est en feuilletant les pages consacrées à la découverte de l’instrument dans un numéro estival de Bonnes soirées, magazine féminin à grand tirage, que l’adolescent a appris les premiers accords !

Les années lycée, à Salon-de-Provence, dans un établissement pilote où le proviseur met une salle à disposition des élèves qui veulent faire de la musique tant qu’ils assurent les bals annuels, permettent à Henry d’avoir son premier groupe et d’absorber à haute dose la musique des groupes anglais qui font parler d’eux.

Mais il reste aussi, précise-t-il, "un gentil garçon, qui écoute ses parents", passe son bac C, va à la fac suivre des études de maths et physiques. Quand il se rend à Londres en 1976, après avoir assisté dans le sud de la France à un concert du groupe américain Flamin Groovies, son séjour est censé durer une semaine.

Il revient un an après, une fois sorti des rangs de The Police, et explique qu’il retourne aussitôt outre-Manche : "J’étais comme la chèvre de Monsieur Seguin, il fallait me laisser partir", confie-t-il aujourd’hui.

Le punk, un mouvement citoyen

Dans la capitale britannique, le jeune homme débarque en plein mouvement punk. "C’était un mouvement citoyen", tient-il à préciser, pour couper court aux clichés réducteurs. "L’Angleterre n’offrait aucun avenir à cette jeunesse. Si les mecs faisaient une musique violente, c’est parce qu’ils ne savaient pas jouer, mais avaient envie de bien jouer ! On recréait un monde, on était en train de changer les règles, on refaisait tout. On voulait tous s’en sortir. Le but n’était pas d’être des SDF", rappelle le sexagénaire.

Dès qu’il se met à gagner sa vie, celui qui s’est fabriqué une identité en développant un son de guitare électrique bien à lui en collaborant avec des chanteuses telles que Wayne County ou Kim Wilde choisit de quitter le squat où il aurait pu rester. "J’avais insisté pour payer un loyer. Neuf livres sterling par semaine. Vous imaginez le taudis ? Mais il était à moi !"

Pendant près de 20 ans, le fondateur des Flying Padovanis, son groupe de cœur, n’a pas touché son instrument de prédilection. L’homme est un adepte du tout ou rien, de l’investissement "100%" dans ce qu’il fait. Et durant cette période, il est passé de l’autre côté : vice-président de la maison de disques IRS qui a entre autres, révélé des groupes comme REM ou Fine Young Cannibals ; puis manager de l’Italien Zucchero – "Il était un peu comme moi : un Européen qui essayait de percer dans le monde anglo-saxon".

Retour à la musique

L’occasion de "retrouver les sensations" sur sa guitare se produit lorsqu’il héberge le réalisateur Jean-Henri Meunier, le temps du montage de La Vie comme elle vient. Un soir, Henry fait écouter ce que les images ont évoqué en lui. L’idée séduit le cinéaste, qui lui confie la bande originale, puis renouvelle sa confiance pour Ici Najac, à vous la terre, sélectionné au Festival de Cannes en 2006.

"Je me suis dit que je pouvais encore faire quelque chose", raconte le guitariste qui se lance alors dans la préparation d’À croire que c’était pour la vie pour concrétiser cette renaissance artistique. "Toutes les chansons sortaient. Chaque jour, j’en écrivais une. Ce qui s’est éteint pendant tout ce temps s’est tout à coup rallumé !" Du Japon au Brésil, en passant l’Australie ou la Russie, il a entretenu la flamme sur scène, prenant goût à ce nouvel exercice. En solo, avec son bagage de souvenirs.

Henry Padovani I Love Today (Repertoire Records) 2016

Site officiel d'Henry Padovani
Page Facebook d'Henry Padovani

Film Rock'n'roll of Corse de Lionel Guedj et Stéphane Bébert dans les salles françaises