
Blues, Gospel, Negro Spirituals, Jazz, Rhythm & Blues, Soul, Funk, Rap, Reggae, Rock’n’Roll… l’actualité de la musique fait rejaillir des instants d’histoire vécus par la communauté noire au fil des siècles. Des moments cruciaux qui ont déterminé la place du peuple noir dans notre inconscient collectif, une place prépondérante, essentielle, universelle ! Chaque semaine, l’Épopée des musiques noires réhabilite l’une des formes d’expression les plus vibrantes et sincères du XXe siècle : La Black Music ! À partir d’archives sonores, d’interviews d’artistes, de producteurs, de musicologues, Joe Farmer donne des couleurs aux musiques d’hier et d’aujourd’hui.
Réalisation : Nathalie Laporte
Retrouvez la playlist de l'Épopée des musiques noires sur Deezer
Le samedi vers toutes cibles à 14h30, vers Afrique haoussa à 21h30
Le dimanche vers Afrique lusophone à 17h30, vers Prague à 18h30, vers toutes cibles à 22h30. (heures de Paris)
Johnny Winter
Le mardi 1er novembre 1983, un guitariste de blues, blanc, albinos, texan, virtuose incomparable, donnait à l'espace Balard à Paris un concert qui restera dans la mémoire de tous les amateurs de Boogie-Blues électrique. Ce prodige époustouflant dont les prouesses stylistiques épousent la grande tradition noire-américaine s'appelle Johnny Winter. Le 23 février 2014, cet incroyable instrumentiste fêtait son 70ème anniversaire. À cette occasion, le label Sony/Legacy fait paraître un coffret 4CDs « True To the Blues » survolant la fabuleuse aventure musicale de ce Guitar-Hero entre 1968 et 2011, soit 4 décennies de bouillonnement blues authentique.
Le 13 décembre 1968 au Fillmore East de New York, le guitariste Mike Bloomfield présente sur scène un jeune guitariste de 24 ans. Personne ne connaît encore le nom de celui qui va révolutionner le blues-rock américain, mais lorsqu'il entame son premier solo sur « It's my own fault » de B.B. King, le public découvre, bouche bée, le talent unique d'une future légende. Ce que Johnny Winter ne sait pas, c'est que les patrons du label CBS sont dans la salle et observent avec délectation ce frêle blanc-bec capable de jouer le blues comme un vétéran noir-américain.
Son jeu, sa musicalité, sa rugosité, séduisent immédiatement les spectateurs et les décideurs de Columbia Records. Quelques jours plus tard, il se retrouve au siège de CBS avec un contrat d'exclusivité en poche et une avance confortable de 600 000 $ pour l'enregistrement de son tout premier album. Fervent défenseur du patrimoine noir originel, Johnny Winter parviendra toujours à conserver cette tonalité respectueuse de ses aînés. Il prendra d'ailleurs bien soin d'alterner les cavalcades de notes ébouriffées et les mélodies blues plus inspirées.
On aurait pu craindre qu'une frustration puisse naître dans l'esprit de tous les créateurs afro-américains face au succès insolent de ce guitariste blanc qui semblait s'emparer d'un patrimoine légué par les pionniers. Mais, outre son incroyable technique et une sensibilité irréprochable, Johnny Winter a toujours montré le plus grand respect pour les fondateurs du blues ancestral. Il a d'ailleurs enregistré en 1977, un album entier en compagnie de Muddy Waters, James Cotton, Pinetop Perkins, en d'autres mots, les maîtres du blues noir-américain.
Si l'on doit prendre la défense de Johnny Winter face aux puristes de la tradition, il suffit de constater que nombre de ses succès sont empruntés au répertoire afro-américain. Il a, de plus, longtemps privilégié les formations en trio comme pour revenir aux fondamentaux. Ainsi, depuis 1968, Johnny Winter incarne le blues authentique sans s'inquiéter des critiques et des quolibets à son égard. Lui, le guitariste blanc, albinos, a su résister aux affronts et imposer son identité musicale personnelle.